Si le poids des citoyens ultra-marins, qui représentent 4% de l’ensemble national, pèse finalement assez peu dans le décompte final, l’Outre-mer n’en demeure pas moins un enjeu fort en matière de programme et un passage quasi obligé pour les candidats à l’élection présidentielle. Alors que tous les programmes ne sont pas encore connus et qu’il est sage de se méfier des postures électoralistes, surtout en période de crise, nous vous proposons un tour d’horizon des principaux candidats et de leur programme pour l’Outre-mer. Décryptage.

 

L’UMP veut conforter la place de l’Outre-mer

 

Bien que sa popularité soit légèrement en berne aux Antilles depuis la (mauvaise) gestion des manifestations de février 2009, l’UMP entend bien poursuivre les réformes sensées relancer les économies ultra-marines. Et ce, même si à l’heure où nous écrivons ces lignes, Nicolas Sarkozy ne s’est pas encore déclaré candidat.

Lors de la préparation d’une convention du parti majoritaire, dédiée uniquement à l’Outre-mer dans le cadre de l’élaboration du Projet 2012, de nombreux thèmes ont été abordés. A savoir : conforter la place de l’Outre-mer au sein de la République française, soutenir l’émergence d’un nouveau modèle de croissance et de développement, assurer la cohésion sociale par le renforcement de toutes les protections…

Il nous semble indispensable qu’il y ait un moment dédié à l’Outre-mer, explique Jean-François Copé, parce que l’Outre-mer est un enjeu essentiel pour nous à l’UMP car il en va de l’Unité de la République française et de la réponse à notre exigence de modernité et de rassemblement“. Bien que “ces territoires avancés permettent à notre pays de se projeter dans le vaste monde“, Jean-François Copé a cependant “la conviction que le potentiel économique de l’Outre-mer n’est pas suffisamment valorisé” et souhaite “faire en sorte que ce qui est produit à proximité soit consommé“. Pour le secrétaire national de l’UMP, il est temps “d’entretenir une dynamique de croissance, en investissant, en innovant, en voyant loin et en cessant le saupoudrage au profit de secteurs très porteurs“.

Parmi les chantiers prioritaires, donc : la production d’énergies renouvelables, un soutien à la production agro-alimentaire, le développement des infrastructures portuaires et aéroportuaires… sans parler du tourisme que l’UMP voudrait voir mieux positionné et inscrit dans un cercle vertueux entraînant consommations culturelles, agro-alimentaires et ludiques. D’où la proposition d’un pacte quinquennal pour le tourisme visant une amélioration de l’offre et un renforcement des infrastructures.

Autre priorité : la jeunesse, dont le besoin urgent en formations et en débouchés adaptés aux besoins et réalités économiques d’aujourd’hui et de demain. L’UMP devrait donc continuer ses efforts pour que les jeunes ultra-marins puissent “plus facilement et plus efficacement s’insérer dans le monde du travail“, précise encore Jean-François Copé.

Enfin, pour une meilleure intégration des Outre-mer à l’ensemble national, le premier des combats de l’UMP sera celui contre l’ignorance. “A l’heure où les Français doutent d’eux-mêmes et ont peur de la différence, l’Outre-mer peut nous aider à mieux comprendre que diversité et unité sont conciliables dans un même projet d’avenir : la République et l’unité nationale“, note enfin Jean-François Copé faisant sienne cette citation de Nicolas Sarkozy : “La France, ce n’est pas une ethnie, ce n’est pas une race. La France est une communauté de valeurs“.

 

Le PS propose un nouveau contrat

 

Lors de ses discours en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane, François Hollande a avancé de nombreuses propositions pour les Outre-mers en proposant “un nouveau contrat” entre l’Hexagone et ces territoires. François Hollande a affirmé sa vision des Outre-mers, de la chance qu’ils représentent pour la France et des opportunités qu’ils ouvrent. Il a en outre déclaré que l’Outre-mer est “une chance, un atout, un levier“. Grâce à ces territoires, la France possède selon lui “une biodiversité, une capacité de produire des énergies nouvelles, un espace maritime, des ports” et une richesse culturelle et humaine unique.

Au-delà des déclarations de politique générale, le candidat socialiste souhaite “réinstaller la justice dans tous nos territoires, en métropole comme en Outre-mer“. Il faut ensuite aller à la proposition 29 de son programme pour découvrir que François Hollande souhaite “encourager un nouveau modèle de développement de l’Outre-mer autour d’un programme d’investissement et d’une action prioritaire pour l’emploi et la formation des jeunes“. Le candidat du PS compte notamment “lutter contre les monopoles et les marges abusives pour réduire la vie chère“. Un ministère de l’Outre-mer rattaché au Premier ministre et une cité de l’Outre-mer en Ile-de-France seront également créés.

Parmi les grandes lignes du programme socialiste pour l’Outre-mer, l’éducation semble représenter un enjeu crucial. Aussi, le candidat propose de “nouveaux moyens donnés à l’école, notamment aux écoles primaires, voire pré-élémentaires, le développement des filières d’enseignement professionnel, la promotion de l’alternance et de l’apprentissage, la priorité à l’université en Outre-mer, pour avoir une université des métiers“. Une université qui sera en lien direct avec la priorité de François Hollande, l’emploi, qu’il souhaite stimuler en multipliant les contrats aidés pour les jeunes, en mettant en place des contrats spécifiques pour l’Outre-mer comme par exemple, les contrats d’avenir qui seront mis en place en priorité dans ces territoires.

Au niveau institutionnel, le chef de file des socialistes souhaite réformer le statut des territoires d’Outre-mer en modifiant notamment “le mode de scrutin pour élire les représentants, les habilitations législatives pour les régions qui le désirent dans des domaines spécifiques” et en assurant les Outre-mers de l’appui de la France “pour adhérer aux organisations régionales afin d’y représenter le pays“.

Enfin, François Hollande souhaite en finir avec “cette période où l’on change la règle chaque année, où l’on défiscalise un moment et où l’on refiscalise après“. Le candidat propose ainsi de fixer des politiques dans le cadre d’un contrat avec chaque région d’Outre-mer, de sauvegarder la défiscalisation de certains investissements tout en compensant la fin de la défiscalisation par une politique directe de soutien, ou encore de rediriger l’épargne des ultramarins de manière à ce qu’elle soit réinvestie dans l’appareil productif local.

 

EELV pour une politique de “reterritorialisation”

 

Du côté d’Europe Ecologie/Les Verts, l’accent semble porter sur une remise en cause des politiques publiques menées depuis 1946. Le parti d’Eva Joly propose donc une alternative avec “un plan de rattrapage pour promouvoir un développement soutenable, autonome et centré sur la zone géographique de chacun des territoires“.

En matière institutionnelle et administrative, EELV a la volonté de “reterritorialiser” le recrutement des fonctionnaires, assurer la continuité territoriale pour “aller et venir à des conditions de sécurité, de prix et de confort satisfaisantes entre la métropole et les collectivités”. Quant aux étudiants, ils trouveront dans les grandes villes universitaires une “maison des originaires des outremers“. Les décrets d’application de la loi Taubira pour un jour férié national en souvenir des victimes de la colonisation et de l’esclavage seront publiés.

Au niveau économique, EELV propose, grâce à la création d’une “banque publique régionalisée d’investissement“, de “réorienter la défiscalisation vers les investissements en matière d’agro-transformation et d’énergie renouvelable“. L’octroi de mer sera mis au service du développement durable en “pénalisant les produits dont l’empreinte écologique est élevée“. Pour le parti écologiste, le “modèle agro-exportateur” (sucre et banane) devra laisser place à une agriculture de “souveraineté alimentaire“. Une réforme foncière permettra un “accès équitable à la terre“, le “contrôle du tourisme résidentiel” et la diversification des productions. Enfin, l’Etat reconnaîtra “ses responsabilités sanitaires et environnementales comme dans l’affaire du chlordécone“.

 

Pas de campagne aux Antilles pour le FN

 

Continuité territoriale, aide aux étudiants ultramarins en métropole, lutte contre la fracture numérique, promesse de négocier avec la grande distribution, immigration… la candidate du Front national à la présidentielle, Marine Le Pen, a présenté son programme en s’attachant à ne rien oublier parmi les sujets et enjeux majeurs de nos territoires. Avant d’annoncer qu’elle devait renoncer à son déplacement dans les Antilles. Comme son père avant elle, elle ne fera donc pas campagne dans nos régions.

Marine Le Pen a ainsi détaillé son programme qui servira à créer un “pont économique” entre l’Hexagone et les Outre-mers, qui “parce qu’ils sont loin des yeux doivent être proches du coeur“. La candidate frontiste veut faire de l’emploi sa “priorité” et souhaite “renouer avec une politique d’exonération des charges patronales” et de “défiscalisation des investissements productifs“. Pointant des “prix prohibitifs“, elle souhaite ouvrir à la concurrence européenne les liaisons aériennes. Marine Le Pen propose par ailleurs le maintien en faveur des nombreux fonctionnaires ultramarins de métropole du congé bonification et promet des “négociations musclées” avec la grande distribution pour qu’elle privilégie les produits locaux dans les supermarchés sur place.

Enfin, concernant la pression de l’immigration, notamment en Guyane et aux Antilles, la candidate du FN a déclaré vouloir “assécher les pompes aspirantes de l’immigration” par l’abandon du droit du sol et la mise en place de la préférence nationale pour l’attribution des aides sociales.

 

Et aussi…

 

… Dominique de Villepin qui veut que les ultramarins se sentent à nouveau considérés comme des Français à part entière. Il insiste sur la nécessité de fixer un cadre législatif stable : les outils de développement mis en place dans la loi programme de 2003 seront repris et améliorés. Le candidat propose de tenir plusieurs fois par an un Conseil de l’Outre-mer présidé par le chef de l’Etat réunissant les 11 présidents de régions et collectivités.

Sur le plan économique, le candidat de République Solidaire estime que la défiscalisation en Outre-mer n’est pas une “niche fiscale” mais un outil de développement indispensable. Il souhaite donc poursuivre les politiques entreprises depuis 2003, en contrôlant rigoureusement la procédure d’agrément pour que seuls des projets “viables et sérieux” soient soutenus. La défiscalisation sera ciblée sur des secteurs prioritaires, comme le tourisme, le logement ou les énergies renouvelables.

Pour faire baisser le coût du travail, lutter contre le travail clandestin et créer des emplois durables dans le secteur productif, le candidat veut continuer le régime d’exonération de charges sociales des entreprises d’Outre-mer.

 

… François Bayrou qui n’a pas encore présenté son programme mais qui propose déjà des idées concernant la Guyane. Ainsi, les entreprises de moins de cinquante salariés, soit 90% des entreprises guyanaises, bénéficieront d’un emploi sans charges patronales durant deux ans. En termes d’éducation, il veut sanctuariser les moyens de l’Éducation nationale, c’est-à-dire arrêter les suppressions de postes pour la Guyane.

Le candidat du Modem juge impossible le fait que la Guyane ne puisse pas se développer correctement, avec les richesses qu’elle possède. François Bayrou veut également reconstruire une démocratie malmenée depuis 5 ans. En Guyane, par exemple, les pouvoirs jugés exorbitants conférés au préfet sont pour lui un véritable scandale en terme de démocratie.

 

… Jean-Luc Mélenchon qui veut favoriser un nouveau modèle de développement endogène en rupture avec le modèle actuel de dépendance.