Cyrille Lawson, directeur commercial des rhums HSE, nous raconte comment une marque un peu vieillissante a repensé son identité au point d’être devenue aujourd’hui incontournable.  

 

Pourquoi avoir choisi de transformer durablement l’identité des rhums HSE ?

Fondée en 1883, Sainte-Étienne a été rachetée par José et Yves Hayot en 1994. A cette époque, il s’agissait d’une marque qui avait perdu son leadership des années 70-80 et qui proposait une gamme restreinte.
Pourtant, dans les années 1970-1980, les rhums Saint-Etienne faisaient partie des marques les plus populaires en Martinique avec La Mauny. Historiquement, l’étiquette représentait une “tête marée” emblématique de cette période. Cette image “mythologique” était alors garante d’une certaine qualité. Il s’agissait d’un code rassurant pour le consommateur, reconnu du nord au sud de la Martinique.
Puis sont arrivées les années 1990, marquées par l’avènement de la grande distribution et par le dynamisme déclinant de la marque ainsi que de ses emblèmes qui correspondaient moins aux attentes de la nouvelle clientèle. En termes de marketing, la marque et son emblème avaient beaucoup de mal à recruter cette nouvelle clientèle. Il y avait une dilution de l’identité de la marque car l’utilisation de la “tête marée” et des codes couleurs de l’époque ne nous était pas exclusive.

 

D’où la nécessité de relancer la marque sur des valeurs et des codes nouveaux ?

Oui, lors de la reprise de la marque Saint-Étienne, un gros travail sur l’identité de la marque a été entrepris tant nous étions conscients de cette incapacité à recruter de nouveaux clients. D’où la naissance d’un projet basé sur une nouvelle tonalité à adopter, sur la nécessité de travailler sur la typicité et l’identité des rhums HSE.

 

Concrètement, sur quels secteurs a porté votre réflexion ?

Il y a eu tout d’abord un travail sur la forme. Nous avons opté pour une nouvelle bouteille qui évoque la forme de la “flibuste” ou de certains flacons d’officine modernisés. Nous avons aussi modifié les couleurs : noir et blanc, pour la modernité ; orange, comme un mélange des deux couleurs historiques, le jaune et le rouge et un rappel de la chaleur martiniquaise. Nous avons aussi adopté un nouveau logo : le tampon HSE qui était celui que l’on utilisait historiquement pour marquer nos fûts. Le packaging devait être le reflet de notre stratégie interne, un gage de qualité.
Le nom aussi a été modifié. Saint-Etienne était un nom un peu “old-school”, qui créait  une confusion avec Saint-James notamment en métropole. Il ne pouvait y avoir deux “Saint”. D’où le nom HSE, adopté en 2008. Un nom original ancré dans le patrimoine de la marque et qui, une fois entendu, ne peut pas s’oublier ou se confondre. HSE est, sans conteste, la marque qui a subit le plus de mutations sur ces dix dernières années.

 

Vous évoquiez la nécessité de recruter une nouvelle clientèle tout en conservant la clientèle “historique”. Comment y parvient-on ?

Il s’agissait avant tout d’épurer la marque de tous les poncifs sans couper le lien avec notre clientèle d’origine. Nous avons eu donc une stratégie à 2 étages, ciblée sur nos consommateurs historiques et sur une cible de clientèle à recruter. Nous sommes allés à la rencontre des anciens qui sont devenus les premiers ambassadeurs de la marque pour leur expliquer le changement. Nous avons même écrit une chanson avec Victor Treffle pour fédérer nos consommateurs historiques autour du changement. Nous avons ensuite déployé une stratégie de pénétration sur de nouveaux axes marketing pour recruter une clientèle différente.

 

Vous avez aussi travaillé sur l’élargissement de la gamme ?

Nous avons souhaité que nos trois valeurs : “cultiver la différence, broyer les codes, distiller l’origine”, soient déclinées au travers de nos produits. C’est pour cette raison notamment que nous avons choisi de donner du caractère singulier à nos différents millésimes.
Mais le signal que l’on donne au marché est avant tout axé sur la qualité de nos rhums : vieux /vo, très vieux/vsop, extra vieux/ xo, développement des “single-cask” ou des rhums à double maturation en fût de Sherry (Sherry Finish) ou de whisky écossais (Single Malt Finish).
Ce travail d’équipe a abouti à l’obtention de médailles aux différents concours nationaux et internationaux et nous a permis de légitimer la perception nouvelle et très qualitative que beaucoup ont désormais des rhums HSE.

 

Certains de vos concurrents ont opté pour les rhums arrangés ou les mélanges pour cocktails. HSE leur a-t-elle emboîté le pas ?

Non, ça ne rentre pas dans notre savoir faire et dans nos valeurs, qui sont celles de distiller l’origine. Nous préférons rester centrés sur le rhum vieux et travailler des vieillissements innovants et exclusifs : il reste tant à faire pour que le rhum vieux martiniquais prenne la place qu’il mérite.

 

Comment la marque HSE est-elle perçue à l’export ?

Nous sommes perçus de façon très forte, de nombreux clients vivant une première expérience “rhum” avec HSE. Nous sommes reconnus grâce à cette nouvelle identité, loin des poncifs, et grâce au travail entrepris sur les rhums vieux et leurs finitions. Cette identité propre est justement l’un des éléments de notre différenciation.
Notre marque s’est émancipée : c’est un produit de Martinique certes, mais qui a son identité propre. La Martinique produit chaque année environ 10 millions de litres alors que Bacardi à lui seul en produit entre 100 et 120 millions !
Nous sommes donc condamnés à faire de la différenciation stratégique. L’obtention de l’Appellation d’Origine Contrôlée est un premier pas de différenciation. Nous sommes en concurrence avec les rhums étrangers, mais aussi avec le Cognac, l’Armagnac, le Brandy ou encore le Bourbon…

 

Avec sa nouvelle identité, HSE a-t-elle réussi sa mission ?

On nous lit mieux, on nous comprend mieux, la marque bénéficie de plus de lisibilité pour le client au niveau local comme à l’export. Il ne s’agit pas de moderniser pour moderniser mais de développer notre propre identité sur laquelle s’appuyer pour une stratégie à long terme.
En ce sens, notre packaging est en adéquation complète avec la qualité de nos produits.
Au-delà du concept, nous avons aussi réussi à redonner un souffle à la marque, à l’équipe, à tous nos collaborateurs.