Si la région du Sahara occidental est réputée pour la présence des Maures, célèbres habitants suscitant interrogations et passions, la Martinique révèle sa part de mystère, avec l’artiste du même nom côté Caraïbes : Maure nous attire dans son antre.
A l’heure où les époques se mêlent, où les frontières se dissipent et les univers se confondent, Maure se glisse dans les alcôves du passé pour mieux nous le révéler. Née en Martinique, Maure est une artiste plurielle évoluant entre sculpture, peinture et décoration. Elle s’inspire de son île afin de nourrir un style en constante évolution. Utilisés comme matériaux principaux, son environnement et son patrimoine sont des révélateurs de sensations et d’émois.

Réalisant un véritable voyage temporel, Maure pose son curseur sur la Martinique des années 1950 avec le retour aux sources comme mission. Cet engagement prend forme à travers ses œuvres qui mettent en scène des éléments construisant le patrimoine et racontant les hommes. Ces morceaux choisis d’histoires sont complices d’un moment, volés par instants, souvent profonds.

Outre la peinture et la sculpture, Maure s’est essayée au grand écran avec la mise en place de décors dans des réalisations prestigieuses. Des noms évocateurs en allant du côté de Nord-Plage de José Hayot ou en dansant la Biguine de Guy Deslaurier rappellent l’inspiration première de l’artiste : son île.

Le projet mené à la maison de retraite « Beauséjour » de Trinité démontre sa volonté d’être en accord parfait avec modernité et mémoire.

Cuisine d’antan, débit de la régie rappelant la vente de rhum au détail et chapelle authentique sont des éléments fondateurs de son œuvre. Ils sont relevés de touches modernes avec des jeux de matières et de transparence subtilement conjugués. L’œuvre devient transmission de récits d’antan en lien avec les réalisations d’aujourd’hui.

Dans la cuisine, typique de l’époque, le verre et le bois s’emmêlent pour un mélange racé. Le bleu turquoise apporte luminosité et caractère tout en préservant une certaine intimité. D’un lieu à l’autre, on évolue entre objets chinés ou donnés et on côtoie couleurs éclatantes et ustensiles d’époque pour un rendu contrasté. La générosité des gens croisés lui permet toujours de saisir l’âme des objets utilisés.
Maure ne manque pas d’anecdotes. Elle se plaît à raconter comment une femme croisée au détour d’une balade a transvasé son huile d’accras pour lui abandonner sa poêle et son écumoire, capitulant face à son enthousiasme.
Cet enthousiasme et cette envie transpirent littéralement dans ses œuvres. A travers elles, les agréables effluves du passé remontent avec, lui dit-on, sa capacité à restaurer, au-delà de la matière, les odeurs. Elle agrémente, transforme à sa guise pour réaliser des œuvres uniques. Elle s’appuie sur une palette de couleurs élargie qui dessine en douceur les contours de lieux de vie forts en émotion. Dans tous les cas, il ne s’agit pas simplement de décoration. Il s’agit pour elle, de poser, là, une note de poésie, là-bas, une note de mystère, et, ici, d’inscrire nos mémoires.
Les couleurs ont-elles une odeur ? A méditer…

Capture d’écran 2013-01-26 à 15.17.34