Manuel Baudouin est Président de la CCI Martinique depuis début 2011. Ce chef d’entreprise qui connait bien les réalités économiques locales est devenu expert des relations institutionnelles afférentes. Rencontre avec les ambitions d’un homme qui veut développer son pays en commençant par l’Institution Consulaire qu’il préside.

 

Quelles sont les mutations à l’œuvre qui impactent la CCIM aujourd’hui ?

Manuel Baudouin : La Chambre de Commerce et d’Industrie a entrepris une mue profonde, notamment avec l’arrêt des concessions du Port et de l’Aéroport. Elle a ainsi recentré son activité sur ses missions de base : l’assistance à l’entreprise, l’amélioration des conditions d’exercice de l’activité privée (textes réglementaires, aménagement du territoire…) et aussi la formation des chefs d’entreprise et de leurs Salariés.

Parallèlement, on assiste à un déplacement des responsabilités de l’Etat vers les Régions, qui va sans doute s’accentuer avec la prochaine Loi de décentralisation. La Région Martinique est même pionnière en ce domaine avec l’obtention des habilitations Transport, Energie, Formation et avec le transfert de l’autorité de gestion d’une partie des fonds structurels (financements européens). L’arrivée de la collectivité unique est aussi un changement structurant dans lequel la Martinique est aussi en avance sur l’Hexagone, mais qui renforce.

Ces mutations nous obligent à une clarté dans la vision que nous voulons porter.

Nous défendons notre identité et sommes attachés à la mission que notre réseau revendique depuis 1599 date de la création des Chambres de Commerce : Assister les entreprises et être au plus près d’elles dans leur création, leur croissance et leur développement.

Face à ces mutations, la manière dont nous assurons notre mission change.

Au sein de la CCIM nous assistons à un changement de culture et de nos priorités. C’est un défi que nous sommes en passe d’accomplir. D’abord au niveau de la gestion de nos ressources. Malgré l’arrêt des Concessions, -où nous conservons un pouvoir de décision puisque la CCIM préside le Conseil de Surveillance de l‘aéroport et du Port- nos comptes sont équilibrés et nous conservons une liberté de mener nos projets, d’inventer et d’innover. Nous sommes attentifs à l’évolution de nos équipes par la formation et le recrutement de nos nouveaux collaborateurs, en remplacement de ceux qui partent à la retraite.

Au niveau de nos relations avec nos partenaires institutionnels cela demande de réfléchir à un rééquilibrage des pouvoirs et des responsabilités, de définir les pôles de compétences de chacun pour mieux travailler ensemble. Cela nécessite un fort sens de l’intérêt général et une envie de collaborer au delà de nos «chapelles institutionnelles » qui ont des histoires et cultures différentes.

 

Quels sont les grands projets qui vous occupent ?

Notre périmètre d’action couvre tout le spectre de l’assistance aux entrepreneurs et à l’amélioration de leur cadre d’action.

Notre plan d’action en cours couvre la création et l’animation de zones d’activité, la digitalisation du territoire, l’amélioration des moyens et voies de transport pour les entreprises, et même l’évolution du cadre règlementaire et législatif. C’est ainsi que nous travaillons activement sur le transfert d’attribution du Registre du Commerce vers les CCI d’outremer (dont le principe a été acté dans la loi Lurel en 2012) et la création d’un statut de l’entreprise ultramarine pouvant apporter de la clarté et de la cohérence pour tous les acteurs économiques.

Nous collaborons avec la Région Martinique et l’Etat sur la Maison des Entreprises, en réhabilitant des réseaux dans les zones d’activité existantes, en créant les conditions favorables à un Eco Parc consacré à la biodiversité ; en prenant en charge une voie interzone au Lamentin, ou en travaillant à l’élargissement du périmètre portuaire à la Pointe Des Grives.

Nous allons prochainement commencer la construction du Pôle Consulaire de formation. Nous avons enrichi l’offre de formation locale, avec la diversification de notre offre de formation continue et en alternance, mais aussi la création, au sein de l’EGC, d’un Bachelor Chef de projet en marketing Internet. Nous avons également renforcé notre partenariat avec HEC sur la formation continue et préparons un Master Business Caraïbe (EGC).

Nous avons rapproché la Chambre de Commerce et d’Industrie du grand public avec l’organisation de la Nuit de l’Orientation et le succès de MadinExpo.

Nous avons rapproché le fonctionnement même de la CCI des besoins des entreprises en ouvrant nos locaux dorénavant le mercredi et le vendredi après-midi, et en élargissant notre offre de prestations.

 

Quelle vision du futur portez-vous auprès des entrepreneurs ?

Le cycle économique entamé depuis 5 ans est d’une amplitude inégalée, avec une baisse du PIB de 6,3% en 2009, ou une chute de 25% du marché du BTP. Il faut rendre hommage et surtout soutenir tous ces hommes et femmes qui œuvrent au quotidien pour faire vivre l’entreprise ultramarine et assurer nos emplois. Mais comme toute transition, celle-ci peut nous apporter des améliorations porteuses d’avenir. Cela suppose de remettre en cause certains acquis et certaines habitudes. Les outre-mer doivent défendre leurs intérêts ensemble : c’est pourquoi nous fédérons nos efforts avec les CCI d’Outre- Mer au sein d’une Association créée depuis le début de notre mandature. Mais, nous devons également trouver le courage de faire des arbitrages économes en fonds publics, de redéfinir ou fusionner les structures qui le peuvent et de concentrer les efforts sur le véritable pourvoyeur d’emplois : l’Entreprise.