Alain Dédé est président de la Fédération des yoles rondes de Martinique. La Fédération organise, pour la 30e année consécutive, son Tour de la Martinique, du 27 juillet au 3 août prochains. Son président nous parle des multiples dimensions de cet évènement tant attendu par la population. Rencontre chavirante.

 

Sportivement, que devrions-nous voir cette année ?  Alain Dédé : Le Tour 2014 permettra aux spectateurs d’apprécier la lutte acharnée de 18 embarcations, menées par 18 associations. Ce sont 18 équipages composés d’hommes et de femmes valeureux qui vont affronter les flots durant 8 jours, sur des étapes de 3 à 4 heures, en moyenne. Ils subiront le vent et les vagues imprévisibles, nécessitant tantôt de finir à la godille ou, au contraire, de supporter la violence des éléments. C’est un combat contre la nature et contre ses adversaires, individuel et collectif. C’est aussi l’esprit d’équipe qui s’exprimera pleinement. L’endurance, l’envie de gagner et de donner le meilleur de soi-même sont des valeurs-clés de la yole. Mais l’entraînement collectif, la coordination, la facilité à communiquer et aussi à s’apprécier sont des valeurs qui font la différence dans un équipage. Ces valeurs sont communes avec celles de l’entreprise et nos partenaires l’ont bien compris. Quels sont les impacts économiques de cette manifestation ?  Le Tour de la Martinique en yole ronde est le plus grand évènement sportif de l’année. Cet évènement fait vivre, durant une semaine, des professionnels de la restauration, du transport, de la confection de vêtements, de voile, de l’hôtellerie, de la location de voitures et de bateaux, de l’animation et des services à la personne. C’est aussi une occasion, pour les équipes des entreprises, de se retrouver dans un cadre convivial et stimule donc le bien-être global dans les entreprises locales. La violence aussi baisse, les esprits sont apaisés durant cette semaine. Il est à noter aussi l’impact sur l’imagination et la création culturelle : musique, tableaux, sculptures, poèmes… Les artistes y trouvent un sujet d’inspiration inépuisable. La yole ronde inspire-t-elle les jeunes ?  La yole est rentrée depuis plusieurs années et de manière durable à l’école. La yole se pratique dans les collèges et est rentrée à l’Université. Elle fait partie de l’option Bac. L’engouement des jeunes est fort et permet aux meilleurs élèves de se dépasser. Beaucoup d’écoles de yole sont actives et il existe même des défis entre les établissements, comme “Le défi des lycées”. Il y aussi 26 bébés yoles, soit 250 jeunes, à l’eau chaque semaine. Même au sein de notre fédération, on remarque un net rajeunissement des équipes. L’engouement touche autant les filles que les garçons. D’ailleurs, lors de la compétition de la prochaine édition, sur la yole du Lamentin, une jeune fille de 16 ans sera le “poto mitan” de son équipage. La mixité dans l’univers de la yole est forte. Notre milieu a évolué. Nous pouvons aussi citer “Femmes et hommes à la barre”, un équipage strictement mixte venant du François. Quels sont les défis auxquels est confrontée l’organisation ? Nous devons trouver de nouveaux modèles économiques de gestion de cette manifestation, en faisant venir d’autres partenaires. Nos ambitions sont grandes. Nous souhaitons internationaliser la manifestation, avoir des invités et arbitres internationaux. Tout en gardant notre patrimoine, nous pouvons l’ouvrir vers d’autres. Cela permettra à la yole de remplir pleinement sont rôle de premier produit d’appel de la Martinique pour le Tourisme. Mais cette manifestation coûte de plus en plus chère. Entre ce que paie la Fédération et les communes, cela s’élève à 1 million d’euros. La crise économique nous pousse à nous poser des questions, comme sur l’ensemble des manifestations culturelles. Je suis persuadé que nous, les 60 bénévoles, qui œuvrons toute la saison, arriverons à trouver des solutions pérennes pour faire battre le cœur culturel de la Martinique : son Tour des yoles rondes.