Puiser dans les ressources locales pour produire de façon durable, tel est le défi que relève chaque jour Guylaine Bourguignon, à la tête de la SAS B2TG (Briques et Tuiles en Terres de Guyane). Selon elle, « l’avenir a une tradition » ; un postulat qui en dit long sur les motivations de la directrice pour construire un territoire durable ou, au moins, pour apporter sa brique à l’édifice !

Qu’est-ce qui vous a conduite à développer la brique en terre de Guyane ?

Guylaine Bourguignon : Après un périple estudiantin et professionnel à travers le monde, dans le secteur de l’environnement, je suis rentrée en Guyane en 2000, avec l’idée de développer mon entreprise de construction alternative, c’est-à-dire basée sur d’autres matériaux que l’agglo ou le parpaing. Les matériaux qui auraient pu répondre à mon projet étaient le bois, très cher, et la brique, importée du Brésil ou d’Europe, donc pas si écologique au final ! Puis, en 2002, j’ai rencontré François Gardel, qui testait les latérites de Guyane, pour la production de BTCS (Brique de terre crue stabilisée). Notre rencontre a été un coup de foudre, pour l’Homme comme pour le matériau ! De cette rencontre est née notre première société, TIG (Technique Innovante Guyane).

Aujourd’hui, produire local coule-t-il de source ?

En me basant sur notre parcours, je dirais que ça n’a pas toujours été limpide. Depuis 2003, où nous étions sur le point de pouvoir exploiter les terrils de la mine Boulanger, ou encore en 2005, alors que nous avions créé la SAS B2TG. En effet, après avoir investi dans 4 hectares à Trou Poisson, et alors que les acteurs financiers, politiques et administratifs nous suivaient, la banque s’est rétractée ! Début 2009, tout était en mille morceaux et le décès de François Gardel au mois d’août avait pratiquement sonné l’hallali du projet.

L’année suivante je remotivais l’ensemble des associés : nous ne pouvions pas abandonner ainsi, il fallait continuer en mémoire de M. Gardel. En 2012, nous avons décidé de « casser nos tirelires », pour commencer une production sur fonds propres à partir d’une latérite fournie par une carrière agréée, celle du Galion à Matoury. À ce jour, la pénétration du marché est lente, bien que la brique fasse partie du bâti patrimonial de la Guyane. L’engouement pour le béton, depuis l’après Seconde Guerre mondiale, a pratiquement détrôné tous les autres matériaux, y compris en Guyane.

C’est donc chaque jour un “challenge”, mais il faut tenir et faire la démonstration d’une production locale gagnante pour la Guyane.

Quels sont les avantages, selon vous, de l’utilisation de la brique en terre de Guyane ?

La BTCS peut répondre à la problématique d’une construction écologique et saine en Guyane, reposant sur une production locale. Sans détrôner l’agglo, ni le béton, cela permet de proposer au public une alternative au “tout béton”. Chaque matériau a sa place et sa pertinence. Cela se vérifie avec les maisons BBB (brique, bois, béton).

Le BTCS répond parfaitement à la problématique des murs exposés au soleil couchant, par exemple, car il ne restitue pas la chaleur captée, mais régule la température intérieure d’un habitat. La BTCS répond aux exigences HQE – Haute Qualité Environnementale, ou qualité amazonienne, définies par l’association AQUAA.

Enfin, la BTCS ne produit pas de déchet, ni à sa production, ni sur les chantiers de construction et elle est recyclable à 100%. J’ajouterai un détail et non des moindres : le fait que les constructions en briques se bonifient avec le temps. Il n’y a qu’à contempler des vestiges en terre…

Quels sont vos espoirs pour un développement territorial durable en Guyane ?

Nous souhaiterions qu’il y ait un intérêt plus marqué en Guyane, car il y a le potentiel pour une vraie filière d’excellence. Il faut construire la filière et informer le public.

De prochains chantiers comme l’IME de Rémire-Montjoly, le hall sportif du campus de Guyane, le collège d’Apatou nous laissent entrevoir le renouveau d’une grande épopée de la BTCS dans la construction en Guyane.

www.labriquedeguyane.com

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