La loi “pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées” a 10 ans. Elle est “historique” car – enfin ! – elle permet, accompagnée de ses textes successifs, de mettre en action, hors un devoir de solidarité évident, l’adaptation de notre mode de vie en société, trop longtemps négligé.Anticipant, par là même, le vieillissement inéluctable de la population.

Nous rappelons ici les principes de la loi du 11 février 2005, à l’heure ultime où les établissements recevant du public qui ne respectent pas les règles d’accessibilité au 1er janvier 2015, ont jusqu’au 27 septembre 2015 pour déposer leur dossier d’AD’AP (agenda d’accessibilité programmée).

Pourquoi cette loi ? Quelques chiffres

En 2003, la Cour des comptes estimait le nombre de personnes handicapées entre 280 000 et 23 650 000 selon le périmètre retenu. En 2014, on avance le nombre de 12 millions de Français touchés par un handicap, dont 80% par un handicap invisible. On estime généralement à plus de 2 millions les personnes souffrant d’une déficience motrice, à plus de 5 millions les déficients auditifs, à 1,7 million les déficients visuels et à 700 000 les déficients intellectuels. En 2012, on estimait à environ 1 million le nombre d’actifs handicapés. Par ailleurs, il y aurait environ 1 million d’établissements recevant du public (ERP) et Installations ouvertes au public (IOP), dont la moitié serait aux normes (estimation optimiste, surtout vu de Guadeloupe !).

Quel en est le principe ? 

L’article 2 pose que « Toute personne handicapée a droit à la solidarité de l’ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l’accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens, ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté».

Qu’est ce qu’un handicap ?

La loi (article 2) définit le handicap comme « toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive de fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ». Quel que soit le handicap (y compris jambe cassée, femme enceinte, personne de petite ou grande taille, enfant…), elle vise donc à assurer l’accès à l’enfant, l’adolescent, l’adulte handicapé, aux institutions ouvertes à l’ensemble de la population et son maintien dans un cadre ordinaire de scolarité, de travail et de vie (article 2).

Pour la partie immobilière, l’accessibilité aux locaux d’habitation neufs et existants (à l’occasion de travaux et hors usage propre), ainsi que celle des établissements recevant du public est rendue obligatoire. L’évolution par une personne handicapée doit pouvoir se faire de manière continue et sans rupture dans la chaîne de déplacement (accessibilité, non discrimination au travail…). L’article 45 définit ce dernier point de la manière suivante : « La chaîne du déplacement, qui comprend le cadre bâti, la voirie, les aménagements des espaces publics, les systèmes de transport et leur intermodalité, est organisée pour permettre son accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite ». L’article 41 stipule que « Les dispositions architecturales, les aménagements et équipements intérieurs et extérieurs des locaux d’habitation, qu’ils soient la propriété de personnes privées ou publiques, des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des lieux de travail, doivent être tels que ces locaux et installations soient accessibles à tous, et notamment aux personnes handicapées, quel que soit le type de handicap… Ces dispositions ne sont pas obligatoires pour les propriétaires construisant ou améliorant un logement pour leur propre usage ». Les conséquences de la loi de 2005 et des nombreux textes successifs sont majeures et très lourdes, notamment pour les propriétaires ou exploitants d’ERP (des dizaines de points de contrôle…). Attention donc, car la “tolérance” prend fin et de nombreux litiges, issus de situations visibles et évidentes au quotidien, sont d’ores et déjà prévisibles. Les magistrats savent bien que la non-mise aux normes, quand elle est possible, ou non-exécution des obligations, résulte aujourd’hui souvent d’une négligence ou d’une volonté d’en assumer le coût le plus tardivement possible… À quand l’accident ?

Par Emmanuel Versini