Nombre de cas, masques, confinement, lits de réanimation… quel que soit le défi que pose l’épidémie, la réponse est celle de la mobilisation des individus et des intelligences.

Depuis quelques jours, le 11 mai est devenu une nouvelle date historique… Pour sortir du confinement, serons-nous soumis aux mêmes difficultés en Martinique qu’en métropole ?

Jérôme Viguier, Directeur Général ARS Martinique : La situation des différents territoires ultramarins au regard de l’évolution de l’épidémie de Covid-19 est assez différente de l’hexagone et cette composante devra bien entendu être prise en compte.

Lors de la sortie de confinement, la reprise de contacts entre individus naïfs, non protégés, engendrera un risque de reprise épidémique, malgré le contexte initial de baisse de circulation du virus.

Il faudra alors étudier une stratégie de dépistage systématique pour endiguer toute circulation virale communautaire.

Il est clair que le dépistage plutôt sérologique et la disponibilité de traitement reconnu efficace sont des composantes clés de la réflexion autour de cette étape attendue.

Pour l’heure, nous sommes en phase 3 de l’épidémie, le nombre de cas augmente légèrement chaque jour, mais la situation semble contenue. Quelle est votre lecture des chiffres et de la situation ? Sommes-nous en train d’éviter le pire ?

Actuellement nous constatons effectivement une légère diminution du nombre de nouveaux cas sur notre territoire, dans le suivi des cas confirmés à l’hôpital et d’après les signaux enregistrés par le réseau de médecins sentinelles ou SOS médecins.

Toutefois, nous devons rester extrêmement vigilants car nous n’avons aucune certitude sur l’évolution du phénomène.

Le confinement, instauré avant une circulation massive du virus en Martinique, peut notamment expliquer cette tendance. Il demeure important, même si je comprends que cela est très contraignant pour la population.

J’appelle d’ailleurs l’ensemble des Martiniquaises et Martiniquais à respecter scrupuleusement l’ensemble des règles de confinement et de distanciation, même si nous sommes conscients de cet effort collectif.

C’est aujourd’hui la solution la plus efficace avec l’adoption des gestes barrières (Se laver les mains très régulièrement, Tousser ou éternuer dans son coude, Utiliser des mouchoirs à usage unique, Saluer sans se serrer la main, Éviter les embrassades) pour vaincre l’épidémie.

En tant que territoire insulaire, quel est notre principal atout face à l’épidémie ? Avons-nous la capacité de contenir et éteindre l’épidémie ?

Notre principal atout est que nous avons bénéficié d’un confinement assez tôt, alors que le virus n’avait pas véritablement circulé dans la population.

Néanmoins cela laisse entendre une immunité de groupe insuffisante pour un déconfinement global et massif… et ce sera donc une réflexion à mener dans les stratégies à venir.

Par ailleurs, notre territoire insulaire, avec la réduction des lignes aériennes, limite les flux de population, qui pour l’aéroport ont été divisés par 100.

  • Les structures locales de santé ont aussi été rapidement identifiées et mobilisées, avec le CHU comme principal établissement prenant en charge les patients atteints de Covid-19.
  • La clinique Saint-Paul, avec la possibilité d’avoir plusieurs lits de soins intensifs, et d’assurer les soins de suite à Sainte-Marie pour les convalescences post Covid-19, a été positionnée de façon à pouvoir venir en appui du CHU.
  • Les anesthésistes réanimateurs sont pour certains allés en renfort au CHU et les infirmières de la clinique se sont formées auprès des équipes du CHU sur la spécificité de la prise en charge des patients atteints de Covid-19.

Plusieurs réunions d’interface ont eu lieu pour organiser cette coopération. Notre atout c’est aussi la mobilisation des professionnels de santé.

La question des stocks de matériel médical continue à faire l’objet de beaucoup de discussions, d’inquiétudes voire de colère aussi. Quelle est la situation réelle du territoire ? Les soignants disposent-ils des protections nécessaires ?

La tension sur l’approvisionnement en masques à destination des professionnels de santé s’est réduite, il nous faut cependant rester très vigilants.

Des premières dotations ont été réalisées dès le 20 février auprès des professionnels de santé, via le réseau des officines de pharmacie et les instances représentatives (ordres professionnels et URPS).

Les médecins libéraux, les infirmières libérales, les masseurs kinésithérapeutes, les pharmaciens, les chirurgiens-dentistes, les transporteurs sanitaires, les distributeurs de matériels ont été fournis.

Depuis cette date, ces derniers sont régulièrement approvisionnés par l’Agence Régionale de Santé. Nous nous évertuons à améliorer leur dotation.

Des masques ont également été fournis aux établissements de santé, au service d’hospitalisation à domicile, aux établissements médico-sociaux, et aux services d’aide à domicile en lien avec la Collectivité Territoriale de Martinique.

Par ailleurs, l’ARS a utilisé 35 000 masques pour équiper les personnes aux points d’entrées sur le territoire et en allouer aux plus de 800 passagers des croisières à quai, les 13 et 14 mars dernier, considérés comme « contact possible » et mis en quatorzaine.

Au total ce sont 700 000 masques qui ont été distribués depuis le début de l’épidémie. Et le réapprovisionnement se fait de manière régulière pour les établissements et  professionnels de santé.

Le groupement des artisans d’art a mis en place une production locale de surblouses par des couturières de l’île. D’autres filières se sont-elles également rapprochées de vous ?

Concernant les Equipements de Protection Individuelle (EPI), des tensions très importantes subsistent, notamment dans la fourniture de surblouses. Des actions sont en cours avec les industriels locaux pour identifier des circuits de fournitures et d’acheminement de ces équipements, en lien avec l’ARS Martinique.

D’ores et déjà, d’autres solutions sont trouvées, notamment la réalisation locale de 5 000 blouses en tissu suite à une demande d’appui formulée auprès de la Chambre de commerce et d’Industrie, de la Chambre des Métiers et de la Préfecture.

Des couturières se sont en effet portées volontaires et travaillent à la réalisation de ces équipements au bénéfice des soignants. Des protocoles de lavage et de re-stérilisation ont été publiés par le Ministère des solidarités et de la santé pour les équipements de protection habituel.

A votre initiative, un conseil scientifique local a été constitué. Va-t-il surseoir au conseil scientifique national ? Quel est son rôle et son pouvoir ?

En effet, dans le cadre de la gestion de l’épidémie de Covid-19, j’ai décidé d’installer un Comité scientifique local en Martinique et je remercie les membres qui le composent de leur rapide mobilisation pour réfléchir aux nombreux sujets qui sont posés.

Depuis sa mise en place, ce comité s’est déjà réuni 2 fois en audioconférence. Il mobilise les connaissances et compétences scientifiques de ses membres, en privilégiant un principe de collégialité et d’interdisciplinarité.

« Dans ce contexte épidémique inédit, incertain et fortement évolutif, il devra s’efforcer, au cours des prochaines semaines, de proposer des options claires, locales, étayées scientifiquement. »

Là aussi cette mobilisation de spécialistes devra servir d’atout pour éclairer les orientations de l’ARS Martinique et pour notre territoire.

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FB @arsmartinique

Cet article a été initialement publié dans l’e-magazine “Les territoires se mobilisent” créé par EWAG. Découvrez le magazine complet et son contenu interactif en cliquant ici.