Sa nomination au poste de Secrétaire d’État chargée de l’Égalité Réelle, le 11 février dernier, marque une nouvelle ascension dans son parcours politique. Pour autant, Ericka Bareigts ne cesse de replacer ses idées et ses convictions au centre de son discours. 

Pour RéuMag, elle revient sur ce qui a forgé son identité et guide son combat contre toutes les formes d’exclusion.

Propos recueillis par Benjamin Postaire

Présentez brièvement votre parcours politique et surtout les motivations profondes qui ont guidé vos différents choix 

Ericka Bareigts : Mon parcours politique est celui d’une militante. J’ai commencé à militer au Parti socialiste il y a trente ans. J’y ai exercé des fonctions, en plus de mes mandats :
secrétaire de section à Saint-Denis, puis conseillère municipale à la ville de Saint-Denis et première femme présidente d’agglomération à La Réunion avant de devenir députée en 2012. Je suis aujourd’hui une Ministre-militante :
cela me permet de garder un contact avec le terrain. On ne voit pas le monde de la même façon depuis un bureau de ministre et quand on fait les marchés ou les manifestations sportives. Ce contact avec les gens est très important pour moi et il me nourrit. Vous évoquez mes motivations : la désespérance sociale, que j’ai connue, oblige à l’action et à l’engagement. Il s’agit, ensemble, de construire la nouvelle société à laquelle nous aspirons. Ici à La Réunion, cela passe par mener une politique de réussite éducative ambitieuse, faire de notre positionnement géographique un facteur de croissance économique et lutter contre le chômage qui mine notre territoire. Voilà l’état d’esprit dans lequel je suis pour mener mes combats.

Comment votre identité réunionnaise s’est forgée tout au long de ce parcours, en quoi a-t-elle été une force ou parfois un poids ?

Je suis une enfant de l’Ile. Mes origines sont celles des esclaves de La Réunion et des familles blanches : un métissage qui s’inscrit pleinement dans l’histoire collective et la progressive installation de la République. Car le combat pour l’égalité a été long. Durant mon enfance, je me souviens encore des plages non-métissées où mes parents mettaient un point d’honneur à m’emmener. Je me souviens alors des regards, des remarques… On me faisait comprendre que je n’étais pas à ma place, moi l’enfant noir. Après, ce fût lors de mon arrivée à Paris pour mes études de droit, où les stéréotypes sur les personnes des Iles ont la vie dure. Tout cela m’a forgé et continue d’être la raison d’être de mon action. Mais l’identité réunionnaise, c’est aussi un modèle d’intégration. Ce territoire est un carrefour des cultures : européennes, africaines, indiennes, océaniques. Il représente une richesse immense où les gens aujourd’hui se nourrissent des uns et des autres, refusant ainsi le repli sur soi. Voilà ce qui définit l’identité réunionnaise : une formidable ouverture sur les autres et un mélange d’histoires. J’en ai fait ma force.

Votre ascension dans le monde politique vous mène aujourd’hui à des fonctions de Secrétaire d’Etat, auriez-vous pu l’imaginer à vos débuts ? Quelles ambitions portez-vous pour l’avenir ?

A peine âgée de 20 ans, lorsque j’ai poussé la porte du Parti socialiste de La Réunion pour participer à une campagne législative, je ne pensais pas en arriver là. Être ministre n’est pas un aboutissement mais une étape de plus dans un engagement d’une vie pour l’égalité. Je suis fière car il y a de la cohérence et des convictions. J’ai eu l’ambition de la réussite. Dans les territoires ultra-marins, le combat pour l’égalité nous cheville au corps : le PIB par habitant des cinq DOM affichait toujours en 2013 un retard de 41 % par rapport à la moyenne hexagonale. Mais je n’ai jamais eu de plan de carrière. Pour moi, la politique n’est pas une carrière. Je me suis toujours laissée guider par mes convictions et mes projets. C’est ce même processus qui explique ma nomination à ce ministère. Dès 2006 j’ai travaillé pour un projet d’égalité réelle pour la fédération socialiste de La Réunion. Il y a eu ensuite tout mon travail sur ce même sujet en tant que Secrétaire nationale du Parti socialiste à l’Outre-mer. Aujourd’hui je continue à travailler dans cette même philosophie. Et on verra bien de quoi l’avenir est fait.

En quoi ce Secrétariat à l’Egalité Réelle et le projet de loi “Egalité et Citoyenneté” vont faire progresser des problématiques que vous portez depuis vos débuts en politique ?

Dès ma nomination au Gouvernement, j’ai fixé des priorités d’action sur lesquelles je souhaite agir et agir vite. Ces priorités poursuivent l’objectif de casser les logiques d’exclusion de donner à chacun une égalité d’opportunités dans la société. Il faut d’abord permettre à tous de mieux maîtriser notre langue commune et lutter contre l’illettrisme. Nous allons créer l’Agence de la Langue française qui coordonnera les acteurs et mènera de nouvelles actions en la matière. A La Réunion, 116 000 personnes sont en situation d’illettrisme ! Je me battrai pour qu’une réponse pertinente leur soit proposée. Ensuite, je souhaite intensifier la lutte contre les discriminations et le racisme : les citoyens attendent un discours fort, unifié et de nouvelles mesures pour réaffirmer notre pacte républicain. L’augmentation des actes racistes de 22% en 2015 démontre que l’action doit être poursuivie. Le projet de loi Egalité et Citoyenneté renforcera les sanctions et la protection accordée par la société à ceux qui subissent encore aujourd’hui le racisme et la discrimination.

Une loi sur l’Egalité Réelle Outre-mer est également en préparation, quelles en seront les principales mesures ?
Est-ce pour vous un “aboutissement” de porter une telle loi pour les Outre-mer et donc pour votre île ?

Je vous le disais, des progrès doivent encore être apportés pour améliorer la vie quotidienne des ultramarins. Depuis 2012, de nombreuses mesures destinées à faire des Outre-mer une priorité de l’action du Gouvernement, conformément aux engagements du Président de la République, ont déjà été mises en œuvre. A La Réunion, la baisse du nombre de chômeurs de moins de 25 ans entre Mars 2015 et Mars 2016 est de 8,2 %, 50 000 personnes bénéficient ici de la prime d’activité ou encore, 2000 jeunes sont aujourd’hui engagés dans la Garantie jeune. Il est aujourd’hui nécessaire d’aller plus loin : c’est l’ambition du projet de loi Egalité réelle Outre-mer qui comportera, d’ici la fin de l’année, plusieurs mesures afin de franchir une étape supplémentaire en faveur de l’égalité sociale dans les DOM et de renforcer le potentiel de ces territoires. Conscients de leurs atouts, nous devons en faire des territoires d’opportunités pour tous : cela est mon engagement.