Elu meilleur opticien de France en 2016 et président du groupe Optic Développement après avoir débuté comme stagiaire, Frédéric Narassiguin a un parcours hors norme. Dans le cadre du très classieux magasin Optique de Bourbon du Port, il est revenu, pour RéuMag, sur les différentes étapes de cette success story réunionnaise avec transparence et honnêteté. Surtout, il n’a pu s’empêcher de parler projets, développement, ambition…

Par Benjamin Postaire

« Ce qui est bien avec ce prix, c’est que je ne l’ai pas eu en fin de carrière. C’est aussi pour ce que je vais faire demain ». Voilà qui pourrait suffire à résumer Frédéric Narassiguin. Élu meilleur opticien de France en 2016 par le Syndicat des Importateurs et Distributeurs en Optique Lunetterie (SIDOL) à seulement 40 ans, il ne s’enorgueillit pas plus que ça de la situation. Bien au contraire, il l’aborde avec un naturel et une décontraction non feinte et, surtout, n’y voit pas une consécration, juste, « une étape ».

Une étape de plus dans cette impressionnante ascension qui l’a vu passer de stagiaire en BTS au magasin Optique de Bourbon (ODB) de Saint-Paul au poste de Président du groupe Optic Développement. Entre les deux : 18 ans. Dix-huit années durant lesquelles Frédéric Narassiguin a gravi les marches une à une, sans jamais en sauter, mais toujours en regardant celle juste au-dessus avec le désir, ou plutôt le projet, d’y parvenir. « J’ai eu de l’ambition assez jeune, explique-t-il, mais c’est mon entrée à l’IAE de La Réunion, au début des années 2000, qui a véritablement tout déclenché ».

Travail et crédibilité

A cette époque, il est directeur du magasin ODB de Saint-Paul. Et à deux doigts de se décider à voler de ses propres ailes : « J’ai commencé à monter un dossier pour créer mon propre magasin, se souvient-il. C’est mon actuelle adjointe, Isabelle Balbolia, qui est allée voir la direction du groupe pour leur dire de me retenir ». Bien lui en a pris. La volonté et les idées du jeune homme séduisent, notamment le Dr Michel Deleflie, principal actionnaire à travers le groupe Clinifutur dont il est PDG. La qualité innée de Frédéric Narassiguin à faire naître des projets avait dès lors trouvé le cadre idéal pour s’exprimer. Depuis, l’ascension du chef d’entreprise n’a d’égale que la progression du groupe qu’il dirige.

Fils d’un directeur d’école, il n’était pas destiné à devenir ce businessman accompli et bien dans sa peau. Mais il reconnaît, dans l’éducation qu’il a reçue, l’inculcation de valeurs à la source de sa réussite actuelle. « Mon père était quelqu’un d’exigeant, se sou-vient-il. La récompense devait forcément venir après le travail ». Une « logique » qu’il a érigée en mode de vie. Partir du bas de l’échelle lui a ainsi permis de « toucher au métier » et chaque nouvelle étape dans son ascension a été précédée d’une période durant laquelle il a accepté de « faire [ses] preuves » avec cette éternelle obsession de vouloir « être crédible ».

Valeurs et combats

Logiquement, son management colle à cette personna-
lité perfectionniste. « Le chef d’entreprise se doit d’être exemplaire, explique-t-il. Ce n’est pas donné à tout le monde mais c’est nécessaire pour avoir la confiance de ses équipes ».
Car, comme tout bon capitaine, Frédéric Narassiguin est bien entouré. « C’est l’avantage d’avoir commencé jeune, comme on ne sait pas tout, on s’entoure mieux », assure-t-il. Surtout, « on fait les choses avec innocence et même un peu d’inconscience. J’ai beaucoup agi par logique, sans me poser 10.000 questions ».

Derrière ce profil de gendre idéal se cache une force de caractère peu commune. Et s’il fait tout pour ne pas y être confronté, Frédéric Narassiguin connaît, comme tout le monde, l’échec. C’est même lui qui, spontanément, aborde le sujet. « Il ne faut pas croire, dans la vie d’un chef d’entreprise il y a des moments difficiles. Des projets malaboutis, des magasins en difficultés, des collaborateurs dont il faut se séparer… ». Ce qui fait alors la différence c’est la manière dont l’on réagit face aux difficultés : « J’essaye de prendre du recul, de rester calme, et de trouver une solution ».

Sa personnalité, il l’exprime aussi, surtout, par la défense de va-leurs. Là encore, il va de lui-même sur des terrains que d’autres évitent autant que possible : « Je trouve injuste que certains réussissent avec des moyens peu éthiques ». Puis, d’un ton très calme :
« Je mène un combat contre la Mutualité de La Réunion. Je ferai tous les recours légaux possibles même si cela me pousse dans mes retranchements. Ne pas le faire serait renoncer à mes valeurs ». Et d’ajouter, toujours sans sourciller, « peu d’hommes et de femmes politiques m’ont soutenu dans ce combat, que les mutuelles coûtent aussi cher pour les Réunionnais ne semble pas les intéresser… »

Engagements et projets

La politique, justement, Frédéric Narassiguin ne la rejette pas en bloc. Élu à la Chambre de commerce et au Medef, vice-président de la CAF et vice-président du Syndicat des Opticiens de La Réunion, après 8 années passées à la présidence, il s’investit là où il se sait utile, légitime, et où il pense pouvoir faire avancer ses idées (voir encadré). « Dynamiser l’économie réunionnaise », « réveiller la politique », on reconnaît immédiatement sa « patte » dans le discours.

On peut d’ailleurs lui faire confiance pour mettre, dans ces engagements, les ingrédients qui font ses succès passés et à venir. Car « chaque projet doit pouvoir se réaliser si on se donne les moyens d’y parvenir. Les idées peuvent être volées, pas les projets ».

Le bâtisseur

Par son parcours et sa personnalité, Frédéric Narassiguin a le profil idéal pour participer au développement économique de La Réunion. Ça tombe bien, il y met un point d’honneur. Première preuve, et non des moindres, la création en 2012 et sous son impulsion, d’une formation d’opticien (CAP et BTS) à la Réunion. « L’idée est née en 2007 et l’accord-cadre est intervenu en 2012. Il a fallu s’accrocher, ça a demandé du temps et de l’énergie »,
raconte le chef d’entreprise.

Aujourd’hui, trois promotions ont été diplômées, soit une cinquantaine d’étudiants prêts à intégrer un secteur en développement et pourvoyeur d’emplois. Pour Frédéric Narassiguin, ce projet est le résultat d’un constat autant qu’un investissement pour l’avenir. « J’ai été obligé de faire mes études en métropole et j’ai beaucoup galéré, admet-il. A l’époque, il y avait un énorme déficit d’opticiens réunionnais alors qu’il y a ces problèmes d’emploi que nous connaissons ». Et puis, « cette école c’est un vivier, pour moi comme pour les autres, nous avons besoin de main d’œuvre qualifiée pour nous développer ».

En bon chef d’entreprise à succès, il possède cette approche visionnaire qui font les bâtisseurs. Création, formation, recrutement, il cherche constamment à dynamiser le monde de l’optique réunionnais autant que l’économie locale dans son ensemble, « l’important est d’être en mouvement »,
répète-t-il. Assises de la santé visuelle basée sur la charte des 3O (Opticien-Ophtalmologiste-Orthoptiste), organisation d’un colloque sur l’organisation du parcours patient/consommateur avec l’ensemble des professions concernées, …, il n’y a pas qu’Optic Développement qui bénéficie des compétences et de la force de travail de Frédéric Narassiguin.