Plasticienne autodidacte et hyper-passionnée, Véronique utilise le “média mixte”, un mélange de peintures, collages, médiums et autres objets glanés aux 4 coins de la Martinique. Elle en fait des tableaux tout en couleur et tout en volume. Rencontre avec une artiste pétillante.

Propos recueillis par Marlène François

Ca ne fait que trois ans que vous osez montrer vos peintures ?

Véronique Bourdon : Oui… il m’a fallu du temps, de la patience et de l’obstination pour appréhender la peinture, du moins pour m’approprier une technique. De crayonnés en coloriages, j’ai tout essayé mais sans grande conviction !
Il a fallu que ma fille aille à l’internat pour que je m’y mette réellement. Il fallait que je comble le temps non passé avec elle. Très difficile ! Alors ont commencé les tentatives, les essais : des ébauches qui me rapprochaient de ce qui me ressemble. Comme un électron libre, j’ai fouiné, creusé des matières, collé des bouts de tout, recouvert des à-plats sans structure ni relief pour qu’enfin mes toiles gagnent en volume, prennent de la hauteur et du caractère. J’avais enfin intégré le mixed media ! Tout l’art de combiner toutes sortes de peintures aux médiums et aux matériaux divers :
végétaux, bois, cartons, métaux, pierres… Si peindre a constitué une thérapie à l’époque (en tout cas, j’ai peint au lieu d’attendre ma fille !), c’est devenu une passion dévorante.

Vous peignez pour vous ou pour les autres ? 

Peindre me fait plaisir. Mes toiles me nourrissent car elles ne renvoient pas ce que mes yeux voient mais ce que mon esprit discerne. Animaux, grains de sable, joints de robinet, galets… chaque objet génère une idée qui m’inspire une image, certes floue au début, mais qui se matérialise lentement sous mes doigts. Alors, je la travaille, je la structure, je lui ajoute de la matière et je mets en scène. Autour de l’objet, une vraie chorégraphie s’organise tout en redonnant vie à l’objet. Délicieuse sensation qui me rappelle que je ne suis pas formatée et que l’inventivité peut tout ressusciter. C’est là que le réel rejoint l’abstrait, en lui offrant un décor, une ambiance, une histoire que j’inscris avec ma naïveté, ma spontanéité…

Vous dites de votre art qu’il est abstrait, pourtant… 

(rires) Oui, vous avez compris, je ne peins pas vraiment ce que je vois mais ce qu’un objet ou une situation m’inspire, je traduis les émotions naissantes. Pour moi, c’est ça l’art abstrait. C’est ma vue de l’esprit que j’ai plaisir à partager, quitte à ouvrir mon monde imaginaire, ma bulle, mon cocon. Chacun y voit ce qu’il veut, se raconte sa propre histoire. D’ailleurs, mes toiles ne portent pas de titre ou de nom afin de ne pas influencer la perception. Une forme d’évasion graphique et colorée.

Justement, votre palette explose, elle est riche et concrète, pleine de diversité

Pourtant, je limite l’éventail des couleurs pour respecter une harmonie, trouver un équilibre. J’utilise très souvent une palette relativement chaude (rouge, orange ou jaune, or et bleu). Ces couleurs se valorisent entre elles. Et les contrastes, je les fais vibrer en utilisant simplement les couleurs opposées sur le cercle chromatique. Vous ne trouvez pas que mes deux chats sont vibrants ? En tout cas, c’est comme ça que je les vois …