A 25 ans, cette Saint-Pauloise diplômée de Sciences Po a posé ses valises à Dakar, où elle travaille sur les finances publiques du Ministère de l’Economie et des Finances du Sénégal. Rencontre…

Propos recueillis en partenariat avec le site www.reunionnaisdumonde.com

D’où êtes-vous à la Réunion ?
Je suis originaire et j’ai grandi au Guillaume, dans les hauteurs de Saint-Paul. Ma maison est d’ailleurs très reconnaissable sur la route du Maïdo puisqu’il s’agit du “baro vélo” (clin d’oeil à ceux qui connaissent !). Cela fait maintenant plus de 10 ans que j’ai quitté La Réunion pour d’autres horizons. Lorsque j’avais 14 ans, ma famille a déménagé à Tahiti, en Polynésie française, suite à la mutation de ma mère professeure de français pour l’Education nationale. J’y ai vécu quatre années magnifiques et c’est là-bas que j’ai obtenu mon bac, avant de partir pour faire mes études à Sciences Po Paris “dann péi la fré”.

Et ensuite ?
Pour ma troisième année d’études, j’ai choisi de partir pour la Chine par passion pour sa langue et sa culture que j’ai étudiées pendant un an à l’Université de Pékin. Si la vie en France hexagonale est déjà dépaysante pour une ultra-marine, la vie en Chine l’est encore plus ! Passer une année dans la capitale d’un pays gigantesque a été une expérience très enrichissante pour moi. De retour à Paris pour mon master, cela m’a paru de plus en plus clair que je ne voulais pas y passer trop de temps car après tout, tant qu’à être loin de sa famille et de son île, autant découvrir le monde ! Dès l’obtention de mon diplôme à l’été 2016, j’ai donc choisi de commencer ma carrière professionnelle à l’étranger sur un continent encore totalement inconnu pour moi : l’Afrique.

Parlez-nous de votre travail

C’est au Sénégal que j’ai posé mes bagages, et j’ai commencé ma vie active en tant que consultante en stratégie pour un cabinet de conseil sénégalais. J’ai alors eu l’opportunité d’intervenir auprès d’institutions publiques et privées d’Afrique de l’Ouest et centrale, dans la définition et la mise en oeuvre de plans stratégiques transverses. Depuis, j’ai changé d’entreprise tout en restant dans le conseil et j’ai commencé mon VIE il y a un mois. Je suis actuellement consultante en secteur public chez Bearing Point à Dakar, Sénégal. J’ai été recrutée en tant que Volontaire international en Entreprise pour intervenir sur un projet d’amélioration de la gestion des finances publiques pour le compte du Ministère de l’Economie et des Finances du Sénégal.

Quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses habitants ?
En arrivant à Dakar, j’ai été surprise par le niveau de développement de la ville : on y trouve tout ce dont on a besoin et tout ce qu’il faut pour des loisirs. C’est une capitale moderne et dynamique, avec une population jeune. J’ai tout de suite été frappée par la gentillesse des Sénégalais, chez qui la « Téranga », l’art de l’accueil, est une tradition. Mes collègues aussi bien que mes voisins m’ont beaucoup aidée pour mon installation et ont fortement participé à rendre mon expérience agréable. Les gens ont à cœur de faire découvrir leur culture. Enfin, comme à La Réunion, les gens ont toujours le mot pour rire et ne ratent pas une occasion de bavarder. D’ailleurs je trouve plein de points communs entre les modes de vie sénégalais et réunionnais : l’importance de la famille, le riz à tous les repas, et une certaine culture du ladilafé !

Que vous apporte l’expérience de la mobilité ?
J’ai vécu la mobilité comme un moyen d’acquérir de la maturité et de l’indépendance, en vivant des aventures hors du commun. Les rencontres sont bien sûr au cœur de cette expérience et il est toujours fascinant de découvrir comment d’autres populations vivent. Je suis passionnée de voyage et j’ai eu la chance de commencer à sillonner le monde très tôt. J’ai pu visiter tous les continents et les anecdotes ne manquent pas !

Quels ont été les avantages / inconvénients de venir de la Réunion dans votre parcours ?
Venant de La Réunion, l’ouverture à d’autres cultures et traditions est naturelle pour nous qui sommes habitués au mélange et à la célébration de toutes les communautés. L’inconvénient majeur est bien sûr l’éloignement géographique, qui fait que rentrer voir sa famille consomme systématique tout le budget et le temps prévu pour les voyages dans l’année. Ainsi, depuis le début de mes études, j’essaie de rentrer au minimum tous les deux ans mais être loin des siens finit par peser, notamment dans les moments difficiles. Au Sénégal, pour rentrer il me faut d’abord faire 6h de vol jusqu’à Paris, puis y passer la journée avant de reprendre l’avion vers La Réunion… La Réunion est très mal reliée au continent africain auquel nous tournons le dos.

Quels sont vos projets ?
Je resterai sans doute au Sénégal au moins encore une année car Dakar est une ville où il fait bon vivre et j’aime ce que je fais. Après, cela dépendra beaucoup des opportunités professionnelles qui se profileront à l’horizon. Je pense rester en Afrique de l’Ouest quelques années. La région étant très dynamique, je pense que cela peut constituer un bon tremplin pour développer mes compétences dans le domaine de l’amélioration de l’action publique. À long terme, j’espère cependant rentrer à La Réunion, ou du moins dans l’océan Indien, pour m’y installer durablement… si je trouve une opportunité professionnelle intéressante !

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de la Réunion ?
Je trouve que La Réunion souffre d’un potentiel économique largement sous exploité. Au lieu d’être un poids, la situation géographique de l’île devrait être valorisée comme un atout et il devrait y avoir plus de synergies avec les régions alentours : océan Indien, Afrique et Asie, plutôt que seulement avec la France et l’Europe. De ce point de vue, nous ferions bien de prendre un peu plus exemple sur notre île sœur Maurice qui a su s’insérer avec succès dans son espace régional et constitue aujourd’hui un modèle de développement à l’échelle du continent africain. Il serait temps pour La Réunion de choisir par elle-même son modèle de développement, qui devrait être tourné vers le monde !

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?
La Rényon dann kèr ! Venir de La Réunion suscite toujours la curiosité. Parler de son île peut être pratique pour briser la glace ! En Afrique de l’Ouest, les gens ont souvent entendu parler de La Réunion mais ne savent pas forcément la situer, et sont surpris lorsque je leur explique où ça se trouve. Ils ont parfois du mal à comprendre que ça puisse être français. Pour eux, il est évident qu’il s’agit de l’Afrique !

Que pensez-vous du site www.reunionnaisdumonde.com ?
C’est une excellente initiative qui permet de retisser le lien parfois distendu entre la diaspora et les Réunionnais qui vivent sur l’île ! La prochaine étape serait, pourquoi pas, de créer une plateforme comparable commune à l’ensemble de l’océan Indien, des Comores à Maurice en passant par Madagascar. Nous sommes plus proches que nous le pensons. On gagnerait à se serrer les coudes, surtout lorsqu’on est loin de chez nous…