A la tête de Bioalgostral, Laurent Blériot se bat au quotidien depuis neuf ans pour faire émerger son ambitieux projet de filière industrielle de microalgues à La Réunion. Malgré les obstacles, il est en passe de réussir son pari et n’oublie pas pour autant de s’investir pour aider les entrepreneurs qui, comme lui, innovent et prennent des risques.

Par Benjamin Postaire

« Comme quoi, le Droit mène à tout ». Comme s’il en était encore le premier surpris, Laurent Blériot revient sur son parcours et la genèse de cet ambitieux projet. Après un benchmarking international poussé, lui et deux associés décident de se lancer dans l’aventure de création d’une filière industrielle de microalgues à La Réunion. C’était en 2008. « Le secteur était très dynamique et La Réunion offrait des conditions climatiques idéales pour cette culture », explique Laurent Blériot. « On est parti d’une feuille blanche. On cherchait une activité en lien avec la volonté du territoire d’atteindre l’autonomie énergétique d’ici à 2030 », se souvient-il.

La phase de Recherche et Développement est alors engagée. « La Réunion dispose d’un environnement scientifique particulièrement favorable à l’émergence de ce type de projet, grâce à la plateforme scientifique du Cyroi notamment », précise-t-il. En revanche, pour les conditions économiques et financières, c’est autre chose. Si Bioalgostral est très vite considérée comme leader sur le plan technique dans son secteur d’activité, la société doit faire face au problème que rencontrent la plupart des entreprises pays : un manque de financement.
« Localement, il n’ y avait pas de structures privées à même d’investir dans ce type de projet et les banques ne financent pas le risque, explique-t-il. Quand on démarche en Europe, l’éloignement est clairement un handicap. A plusieurs reprises, de potentiels investisseurs m’ont demandé de déplacer mon siège social. Pour moi c’était inconcevable, je suis Réunionnais et ce projet est «génétiquement né» sur l’île. Je crois au potentiel de mon île qui dispose d’atouts et d’une biodiversité exceptionnelle… Il est certes plus difficile et plus long de faire émerger de tels projets mais c’est le prix à payer pour contribuer au développement économique de notre territoire. Faire évoluer les mentalités et permettre à d’autres d’oser l’aventure industrielle est un combat auquel je crois. Au final la vrai force, c’est d’y croire. »

« Nous créons nos propres marchés en nous positionnant sur des niches industrielles »

C’est finalement l’entrée au capital de Nexa, la Société d’Economie Mixte de la Région Réunion, qui va permettre au projet d’éclore. Le foncier a été acheté et les travaux de la première unité industrielle ont démarré. A la fin de l’année 2018, Bioalgostral produira et commercialisera des microalgues 100% locales. Ça a été long, difficile. Il a fallu « convaincre, faire du lobbying, de la pédagogie », assure Laurent Blériot, mais la ténacité finit toujours par payer. Les marchés de la cosmétique, de l’agroalimentaire ou encore de l’énergie sont visés et les clients déjà identifiés.

Dans le même temps, Bioalgostral cherche constamment à innover. « Nous créons nos propres marchés en nous positionnant sur des niches industrielles », explique Laurent Blériot. Exemple dont il n’est pas peu fier, l’entreprise a intégré un consortium sur le projet Biopaintrop porté par l’Agence nationale de recherche (ANR). Quatre ans de R&D ont été nécessaires pour trouver une molécule à base de microalgues servant à produire des peintures dites «antifouling» pour coques de bateaux sans produits chimiques et donc non nocives pour l’environnement.

Une nouvelle preuve, s’il en fallait une, du potentiel en ressources naturelles mais aussi humaines qui existe à La Réunion. L’enjeu est de leur donner les moyens de s’épanouir. Le combat quotidien de Laurent. Il le mène à travers son engagement dans l’association Outre-Mer Network (OMN) et en tant que professeur associé à la Faculté de Droit et d’Économie à l’Université de La Réunion. Avec un invariable discours: « L’innovation ne peut pas être une simple incantation. Cela nécessite des moyens humains, financiers, et surtout une part de risque. Cette variable doit être mesurée et intégrée pleinement par nos «investisseurs pays». Miser sur l’innovation est le pari que doit relever notre île avec conviction et détermination afin de répondre aux enjeux du territoire dans un environnement mondial complexe. Il nous appartient dès lors collectivement de réfléchir à La Réunion que nous transmettrons aux générations futures. »