Joëlle Prévot-Madère est Présidente de la CGPME de Guyane et Vice-présidente de la délégation à l’Outre-Mer au Conseil Économique, Social et Environnemental. Pour le GuyaMag, elle donne ses impressions sur la situation économique de la région.

Comment se portent les petites entreprises de Guyane ?

Les entreprises locales ressentent avec un certain décalage le contrecoup de la crise de 2008 avec notamment le resserrement du crédit bancaire qui impacte surtout les petites sociétés, largement majoritaires en Guyane puisque 80% des entreprises locales comptent moins de dix salariés. Une récente étude de la Banque de France montre par exemple que le taux pratiqué par les banques pour un découvert de 15.000 euros est de 10,5%, alors qu’il n’est que de 1,9% pour un découvert de plus de 1,5 million d’euros. Ce n’est pas fait pour aider les petites entreprises.

Comment peut-on stimuler l’activité économique ?

Avant tout, je crois qu’il est essentiel de travailler à la réforme de l’octroi de mer qui est un dispositif fiscal totalement contradictoire. En effet, comme il est basé sur les produits importés, il ne favorise pas la mise en place d’une politique de développement endogène, et donc l’exportation.

Les Moyennes et Petites Industries (MPI) le présentent comme un moyen de défendre la production locale mais le prix des produits importés reste encore, dans la plupart des cas, inférieur au prix de ceux produits localement. De plus, l’octroi de mer doit être payé à l’entrée des marchandises sur le sol guyanais alors que les entreprises n’ont aucune certitude sur le moment où elles vendront ces marchandises ni même si elles les vendront. Cela pose un problème de trésorerie et de gestion des stocks.

Que propose la CGPME ?

Aux regards des différents taux qui pourraient être appliqués sur la vente de produits et de services, on pourrait imaginer de transformer cet octroi de mer en une TVA régionale qui serait prélevée par la collectivité. Cette nouvelle fiscalité continuerait de leur assurer des recettes pérennes et certainement plus importantes. Il faudrait alors développer l’immobilier d’entreprise (avec des loyers modérés le temps de se développer) afin de leur permettre de produire à moindre coût et de rester compétitif face aux mêmes produits qui seraient importés.

Qu’est-ce qui freine la mise en place de cette TVA régionale ?

D’un côté, les collectivités qui se montrent assez frileuses, car elles savent ce qu’elles ont comme recettes et ne veulent pas prendre de risques avec une nouvelle fiscalité… d’où l’étude que nous préconisons. D’un autre côté, les MPI qui sont totalement opposées à cette idée.

Selon vous, quel secteur devrait être stimulé en particulier ?

L’agroalimentaire est le secteur sur lequel il faut travailler et en particulier la seconde transformation, comme les plats cuisinés par exemple. Pour cela, nous disposons en Guyane de terres et d’eau. Au départ, nous serions obligés de nous tourner vers le Brésil, le Surinam ou l’Europe pour importer la matière première en attendant que l’agriculture semi-industrielle se développe sur notre territoire.

Quid de la relation avec les Antilles françaises ?

Notre premier marché, historiquement, ce sont les Antilles-Guyane, pas le Brésil ou le Surinam. C’est pourquoi il est important désormais d’arrêter de s’opposer afin de devenir des territoires complémentaires. A la CGPME Guyane, nous sommes favorables à un marché unique antillo-guyanais « complémentaire. »