Entrepreneur atypique, Olivier Lafleur alias Olivié, est le créateur de la ligne de vêtements Taïnos, une marque guadeloupéenne qui se fait petit à petit une place dans les vagues. Entretien 100% « natirel » entre deux sessions de windsurf.

Quand et comment vous est venue l’idée de créer votre propre marque de vêtements ?
J’ai créé Taïnos en 1994 quand, à l’âge de vingt-cinq ans, j’ai constaté que les études ne m’intéressaient plus, que je ne pourrais pas vivre comme coureur pro en windsurf, et qu’enfin, le poste de journaliste à Wind Magazine que j’attendais après sept années de collaboration m’échappait… C’est ainsi que l’idée de créer une marque de vêtements 100 % guadeloupéenne, non pas faite pour les touristes mais pour les locaux, m’est venue. Je voulais aussi prouver à tous, autant qu’à moi-même, qu’il est possible de créer aux Antilles.

D’où vient le nom « Taïnos » ?
J’aimais l’état d’esprit des Arawaks qui étaient pacifiques et en totale adéquation avec la nature, mais le nom était déjà déposé alors mon père, un grand historien de la Caraïbe, m’a soufflé le nom de Taïnos qui représente le nom générique du peuple dont les Arawaks faisaient partie.

Comment cette aventure a-t-elle commencé ?
Au départ, je suis allé voir une boîte de sérigraphie, Ares, avec laquelle j’ai tout appris de ce métier. Je vivais dans une case, vieille de 120 ans (!), dans les bois de Dolé et j’essayais deux fois par semaine de vendre mes tee-shirts sur l’île ! L’argent n’a jamais été mon moteur mais, à force d’y croire et de rester fidèle à moi-même, les choses ont fini par évoluer, doucement mais sûrement. Plus de dix-sept ans après je continue à sérigraphier chaque tee-shirt à la main sur le même carrousel qu’en 1994, que j’ai racheté quand la société Ares a coulé en 2002. Et tous mes dessins sont faits à la main, sans l’aide d’un ordinateur.

Combien êtes-vous à faire « tourner » l’entreprise ?

Nous sommes deux potes depuis quelques années et chacun fonctionne dans le rayon de ses compétences respectives : je m’occupe de la création et de la réalisation des collections, dont la partie confection est faite par une copine à Bali, et Gonzo gère toute la partie commerciale et événementielle. On reste une marque microscopique même si depuis peu, nous jouissons d’une visibilité internationale, grâce notamment à Camille Juban que l’on sponsorise et qui vient, fait historique pour un français et encore plus un guadeloupéen, de gagner la plus prestigieuse compétition de windsurf du monde à Hawaii.

Quelle est l’idée directrice de votre projet d’entreprise ?
Il n’y a pas de master plan chez Taïnos, il n’y a rien de réfléchi longtemps à l’avance. On fait tout au feeling en prenant soin de ne pas se prendre la tête. La règle numéro un, fondatrice de Taïnos, c’est que quelque soit le travail qu’il y a à faire, il peut être reporté au lendemain pour peu qu’il y ait des vagues ou du vent. A partir de là, je crois que l’on va dans le bon sens car il est indispensable à tout homme d’être heureux pour pouvoir bien travailler. Et mon bonheur comme celui de Gonzo passe quasi toujours par la vague.

Pourquoi avoir choisi de vous installer à Matouba ?
On habite tous les deux à Matouba au pied de notre Soufrière « chériedoudou » car c’est là qu’à mon sens la puissance du Zion, le paradis rasta, est intacte. La montagne, la rivière et la mer ne font qu’un à Basse-terre, c’est le plus beau terrain de jeu et de vie du monde !

D’où vient cet attachement profond à la nature, aux vagues et à l’authenticité ?

J’ai grandi à Bouillante dans les années 1970. Je passais mon temps dans les bois avec les copains, dans l’eau à la plage avec mes parents, et sur l’eau avec mon « maître » Fofo qui m’a tout appris de la voile. Mais à treize ans, gros bouleversement, toute ma famille part à la capitale, Basse-terre. Le choc ! J’aurais pu mal tourner si le windsurf n’avait pas fait irruption dans ma vie. J’avais fait tous les sports classiques en club (football, handball…) mais là, j’avais enfin accès au plaisir total. A moi le grand large dans le Canal des Saintes et son vent fort, les vagues de Trois Rivières et de Capesterre… Je ne vis et ne respire plus que windsurf depuis 1984. Dans mes veines, il y a désormais plus d’eau salée que de sang ! Le slogan « Amour, Vagues é Sirotage » est la synthèse de cette vie ! Je n’aurais jamais pu avoir une vie ordinaire de salarié, travailler avec des horaires, m’habiller en costard. Le métro-boulot-dodo, ce n’est pas pour moi et, cerise sur le gâteau, je déteste l’autorité !

Chez Taïnos, quelle est votre conception du développement durable ?
Je n’ai pas une attitude écolo car l’écologie est un engagement normal pour toute personne un poil censée qui vit sur cette planète ! L’être humain est clairement devenu fou, complètement irresponsable… A partir de là, le constat est simple : il faut essayer de vivre en harmonie avec la nature. Le développement durable pour les Antilles doit passer, pour ne parler que du tourisme, par un tourisme vert. Pour avoir sillonné de nombreux pays, je peux dire clairement que nous vivons au Paradis et qu’il faut absolument que l’on arrête de le bétonner avec des projets débiles, dont le dernier en date veut faire monter un téléphérique à la Soufrière ! Au secours, c’est du délire ! On veut privatiser le plus beau site sauvage volcanique de la Caraïbe, le transformer en un vulgaire parc de loisirs alors que c’est justement un des derniers atouts sauvages, intacts, de la Guadeloupe que l’on pourrait mettre en avant pour développer le tourisme vert. Il y a tous les jours matière à indignation a-lors, s’il est clair que l’on ne va pas changer le monde, on essaye au moins à titre individuel d’être le plus respectueux possible de la vie.

Concrètement, le « easy way of life » a-t-il vraiment un avenir ?
« Happiness is the future », « En 2012, Taïnos emmerde la fin du monde », « Legalize Happiness », « Taïnos protège la couche de joie »… Tous ces slogans, ce ne sont pas des coups marketing ou des poses, on y croit et on le vit tous les jours. Je suis persuadé que l’homme est son propre créateur, qu’il appartient à tout un chacun de se créer sa propre vie. One love, One Unity, One Loving Destiny… Bob (Marley, ndlr) nous a tout dit dans ses chansons et on essaye de cultiver un peu de son héritage universel. Et Taïnos n’a pas fini d’envoyer des messages ! c