Dans un monde caractérisé par une interdépendance économique et des débordements transfrontaliers croissants, il va de soi que tout territoire se doit de disposer d’acteurs dynamiques et représentatifs ainsi que de filières organisées et performantes. La crise actuelle et le caractère insulaire de notre économie rendent encore plus pressente cette obligation de structuration pour notre territoire. Nos entreprises doivent renfor-cer leur ancrage territorial, mais aussi chercher de nécessaires relais de croissance à l’étranger. Or, souvent, la trop petite taille, le manque de compétitivité ou de performance dans la productivité, ou encore de moyens humains et financiers, nécessaires aux besoins de développement, sont de véritables freins.

En élément de réponse, aux cotés des systèmes représentatifs classiques (Syndicats professionnels, Coopératives, Chambres consulaires, …etc.) l’Etat avait créé en 1998, avec la DATAR (Délégation interministérielle de l’Aménagement du Territoire et de l’Attractivité Régionale), le dispositif des Systèmes productifs locaux (SPL). Cette démarche consistait en l’émergence d’une logique de réseau entre entreprises permettant ainsi la mutualisation de bonnes pratiques de production. Ce dispositif a permis à de nombreuses entreprises, notamment les plus petites, d’accroître leurs performances productives, d’améliorer leur gestion des ressources humaines et de favoriser le développement de l’innovation.

Fort de ce succès, l’Etat a renforcé le dispositif en permettant l’apport de services concrets aux entreprises et l’articulation avec les acteurs de la formation, de la gestion de l’emploi et des compétences, de l’innovation et de la recherche. Ainsi est né le concept de « Cluster » à la française ou « Grappe d’entreprises ». Enfin le gouvernement à mis en place une politique de soutien des grappes d’entreprises en lançant un appel à projets en deux vagues (2009 et 2010) et labellisant ainsi non moins de 126 clusters. Ces derniers ont été gratifiés de subventions liées à la réalisation de leurs programmes d’actions sur 3 ans.
Concept de Cluster ou Grappe d’entreprises

Une grappe d’entreprises est un réseau cons-titué majoritairement de PME et de TPE, regroupées sur un même territoire et appartenant souvent a une même filière. Selon les contextes, de grandes entreprises et des acteurs de la formation, de la recherche et de l’innovation peuvent y être associés. Le cluster apporte des services concrets aux entreprises, en particulier pour les aider à asseoir leur stratégie sur leurs marchés et à améli-orer leur compétitivité. Par ailleurs, il favorise les coopérations avec les autres acteurs publics et privés de leur environnement territorial.

Les grappes d’entreprises ont une structure de gouvernance propre, où les chefs d’entreprises ont un rôle moteur, avec une stratégie élaborée collectivement, mise en œuvre à travers un plan d’actions concerté. Toutes les entreprises peuvent être concernées (entreprises de production, professions libérales, prestataires de services, artisanat de production …), dans toutes les activités (commerciales, industrielles, artisanales, touristiques, artistiques, agricoles, de service…) et sur tous les territoires (urbains, périurbains, ruraux) métropolitains et d’outre-mer.

Le Cluster, ou grappe d’entreprises est la forme d’organisation la plus aboutie pour faire émerger les innovations technologiques ou d’usages, et les nouvelles bonnes pratiques, qu’appelle le développement de l’économie de la connaissance globalisée. Cette forme de collaboration s’adapte d’ailleurs très efficacement aux entreprises de taille moyenne ou petite (TPE / PME) qui ne disposent pas, individuellement, des ressources humaines, technologiques et financières pour participer de plein droit aux changements structurants exprimés par les marchés.

A noter, quelques règles de bases pour la mise en place d’un cluster, édictées par Jean-Yves Delaune :

• Un cluster, c’est avant tout une démarche volontaire, présupposant l’adhésion des acteurs concernés, à une même vision, définie dans un do-cument fondateur, une charte ou un projet se déclinant en actions et en missions collaboratives,

• Sa gouvernance doit être dynamique et transparente.

• Le cluster doit être un lieu privilégié de relations entre personnes qui partagent la même vision, ont confiance, se font confiance, pour construire un avenir commun, leur permettant de rester des compétiteurs dans l’économie globale. L’objectif étant de continuer de créer de la valeur, de la richesse et des emplois.

• Le fonctionnement du cluster doit privilégier la forme collaborative, la « démarche en meute »,
en suscitant la pro-activité des acteurs par un lien d’information et de communication entre eux.

• Les groupes de travail, sur les grands axes de la vision du Cluster doivent aboutir en général à l’émergence de nouveaux projets qui font l’objet ensuite, d’une ingénierie d’accompagnement propre

• Le Cluster s’inscrit nécessairement dans une dynamique de territoire où ce réseau d’acteurs a aussi une fonction d’intérêt général (création d’emplois, de richesses, ouverture à l’international, attractivité du territoire, …) Il doit donc pouvoir obtenir un accompagnement contractuel de la part des organisations institutionnelles et administratives de son territoire.

Où en est la Martinique ?

Trois clusters ont déjà été créés en Martinique. Deux d’entre eux ont été labellisés en 2011 dans le cadre du deuxième appel à projet lancé par la DATAR. Il s’agit de « Performance SAP » dans le secteur des Services à la personne, et d’ « Inov@gro » du secteur de l’agroalimentaire. Le troisième cluster, spécialisé dans le secteur du Tou-risme d’affaires à aussi vu le jour en 2011, sous le nom de « Caraïbes Meeting » mais n’a pas reçu le label de la DATAR.

L’Agence pour le Développement Economique de la Martinique, sous l’impulsion de son président, Jean Crusol, a pris le parti de soutenir la création des grappes « Performance SAP » et « Caraïbes Meeting ». Lors de l’appel à projets, l’ADEM en partenariat avec la CGPME, a établi une méthodologie basée sur l’identification des besoins des acteurs et des filières concernées. Plusieurs réunions de travail ont été menées avec les principaux partenaires et un programme d’actions sur 3 années a été élaboré pour chacun des clusters avec les sources de financement attenantes. Dans le programme de chaque cluster, on distingue deux axes stratégiques : l’un portant sur la structuration de la filière, l’autre visant à déve-lopper les actions de mutualisation entre les partenaires.

Les grappes « Performance SAP » et « Caraïbes Meeting » sont organisées sous forme associatives et regroupent actuellement une quinzaine d’acteurs chacune. Le cluster « Performance SAP » a pour présidente, Mme Sylvie Maréchal, gérante de Noradom Services. Il est essentiellement composé d’organismes (entreprises & associations) œuvrant dans le domaine des services à la personne. Le cluster « Caraïbes meeting » a pour président M. Thierry Blanc de la société Carib Receipt. Il est composé d’entreprises des secteurs suivants : hébergements touristiques, restauration, compagnies aériennes, réceptifs, transport, etc.

Les actions de ses 2 clusters commenceront véritablement en tout début 2012 par un état des lieux de la situation de chaque filière, ainsi que l’élaboration d’une vision pros-pective à moyen-long terme de leurs marchés. Leurs projets s’étaleront ensuite jusqu’en 2015 ponctués par des reportings annuels sur les engagements pris par chaque Cluster envers les instan-ces publiques qui les financent en partie. L’ADEM s’est bien entendu engagée à leurs cotés pour la dimension stratégique ainsi que pour le suivi et la réalisation de leurs projets.

Conclusion

L’avènement des clusters a près d’une dizaine d’année en France hexagonale et on observe d’ailleurs déjà des résultats probants grâce aux actions de mutualisation et des stratégies partenariales abouties :

• Développement d’un marketing territorial et positionnement des marques régionales sur le devant de la scène internationale

• Sentiment pour les membres d’une appartenance à un acteur fort et représentatif plutôt qu’à une seule et unique entreprise

• Renforcement de la professionnalisation des équipes lié aux actions de formation et de réflexion au niveau de la filière

• Réduction des structures de coûts des acteurs de la filière,

Force est de constater que ce nouveau type d’acteur économique a toute sa place. La dynamique n’en est qu’à ces débuts en Martinique, tout comme en Guyane, mais l’ADEM se propose d’accompagner et de soutenir d’autres filières de la même façon, afin d’aider, comme sa mission l’exige au déve-loppement économique du territoire.

Bruno Brival
Délégué Général de l’ADEM
b.brival@adem.mq