Formation continue, alternance, licence professionnelle, Conadut… Pascal Saffache, Président de l’Université des Antilles et de la Guyane (UAG), revient sur l’ensemble des dispositifs mis en place afin de favoriser le rapprochement entre l’Université et le monde de l’entreprise.

CaribMag : L’Université des Antilles et de la Guyane célèbre en 2012 ses trente ans d’existence. Que retenez-vous de ces trois décennies ?
Avant tout, je crois qu’il faut retenir l’apport social de l’UAG, qui a notamment aidé les étudiants issus des classes moyennes et des classes les plus défavorisées à être formés sur place, sans avoir besoin de « s’expatrier » en métropole ou à l’étranger. De plus, notre satisfaction tient aussi dans le fait que de nombreux cadres du Conseil Général, du Conseil Régional ou de certaines collectivités sont passés par l’Université des Antilles et de la Guyane.

Dans quelle direction doit-elle aujourd’hui évoluer ?
Notre objectif maintenant est de décloisonner l’Université. En effet, nous avons su créer un lien entre la formation et la recherche de haut niveau puisque l’UAG regroupe vingt laboratoires organisés autour de trois thématiques : Biodiversité et Développement durable, Territoire et Sociétés, Sport et Santé en environnement tropical. Il nous manquait un volet : les débouchés. Nous avions les diplômes, il nous fallait les débouchés car tous les étudiants qui sortent de l’UAG ne peuvent pas être fonctionnaires…

Justement, par quelles actions l’UAG tente-t-elle de rapprocher le monde de l’entreprise de celui de l’Université ?
Ce rapprochement s’opère sous la forme de différentes actions. La première d’entre elles a été la création de la fondation « UAG/GBH, agir ensemble pour la formation et l’emploi » ainsi que la mise en place du Bureau d’Aide à l’Insertion Professionnelle (BAIP). Parce que nous croyons qu’il est essentiel d’ouvrir les portes de l’entreprise aux étudiants en leur mettant le pied à l’étrier. La deuxième action significative a été le forum « Métiers & Carrières ». Il permet de démystifier l’entreprise, de montrer aux étudiants la réalité du monde professionnel. Nous organisons aussi les « Rendez-vous de l’excellence », un événement qui permet de montrer que l’on peut être Antillo-Guyanais et mener une carrière brillante à Londres, New-York ou encore Dubaï. Je crois que grâce à ces actions, nous commençons à trouver notre place, à être pris au sérieux.

L’alternance constitue-t-elle une voie à encourager pour répondre aux besoins des entreprises ?
Dans les filières dites « classiques », des stages sont à effectuer mais ce n’est évidemment pas suffisant : une semaine en 2e année, un mois en 3e et 4e années et trois mois en 5e année. L’alternance peut donc être une voie à suivre. Elle concerne aujourd’hui une trentaine d’étudiants par filière, soit une centaine d’étudiants en tout. De plus, un des objectifs de l’UAG est d’ouvrir le 1er octobre 2012 un CFA (Centre de Formation d’Apprentis, ndlr) pour accueillir des étudiants-salariés.
Toujours concernant l’alternance, un projet de master en partenariat avec le Comité Martiniquais du Tourisme va voir le jour à la rentrée prochaine. Ce master, réservé essentiellement aux chefs d’entreprises et aux cadres, dispensera des cours en français, en anglais, et en espagnol, avec des cycles de trois semaines par mois en entreprise. Il est important de démontrer que le schéma classique de l’Université propose aussi des voies alternatives à destination des professionnels qui souhaitent se former à l’Université.

Comment la formation peut-elle répondre ponctuellement aux besoins des entreprises ?
Un centre de formation continu peut réagir à la demande et permettre de mettre en place un Diplôme Universitaire (DU) de niveau Bac+3 ou Bac+5. C’est le cas par exemple du DUMAR (Licence professionnelle de Manager de Rayon, en partenariat avec le Groupe Bernard Hayot, ndlr) ou du Master Tourisme de niveau Bac+5 que l’UAG mettra en place le 1er septembre 2012.

L’insertion n’a pourtant pas toujours été la priorité de l’Université…
Pendant longtemps, l’Université n’a pas répondu aux attentes de la société en matière d’emploi, certaines filières ne répondant pas suffisamment aux besoins des entreprises. Aujourd’hui, je suis convaincu qu’il faut faire rentrer les entreprises au sein de l’Université. D’ailleurs, cela nous est désormais imposé légalement, et nous sommes évalués par rapport à nos actions liées à l’insertion professionnelle. Ce n’est pas pour rien si l’on parle désormais de la Direction Générale pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle.

De leur côté, quel rôle les entreprises peuvent-elles jouer pour faciliter l’insertion professionnelle des étudiants ?
Premièrement, il faut savoir que cinq chefs d’entreprises siègent au sein du Conseil d’Administration de l’UAG. Leur place est très importante dans la mesure où ils nous font profiter de leur pragmatisme, en nous interpellant sur les financements de l’UAG par exemple.
De plus, l’organisation de la Conférence des Acteurs du Développement Universitaire et Territorial (Conadut, ndlr) permet de mettre autour d’une même table le monde de l’université, les entreprises privées, les collectivités territoriales, le rectorat ou encore les centres de recherche… Le rôle des entreprises lors de la Conadut est de faire émerger des demandes sociétales, de faire avancer l’idée de la création de nouvelles filières. Par exemple, lors de mes nombreuses rencontres avec la direction du Groupe Bernard Hayot, il est ressorti que le groupe avait besoin de recruter des informaticiens mais qu’il avait du mal à trouver les compétences localement. D’où l’idée de créer une nouvelle filière, un nouveau DU. Et dès 2012, une nouvelle formation sera mise en place à l’UAG pour former une trentaine d’informaticiens.

Pour conclure, certains s’inquiètent de la réforme des Universités et de la place grandissante des entreprises en leur sein. Qu’en pensez-vous ?
Je crois que l’image de l’UAG a été quelque peu rénovée grâce aux entreprises. On en entend parler, comme on dit, on fait le buzz. C’est déjà ça ! Et pour le futur, nous souhaitons professionnaliser de plus en plus de licences dans le but de continuer la symbiose entre le monde de l’Université et le monde de l’entreprise. C’est essentiel pour les Antilles et pour la Guyane.


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