« Que des Guyanais n’aient pas accès à l’eau potable ou à l’électricité est une situation indigne de notre république. »

« Je suis convaincu qu’il faut soutenir ce genre de projet même si cela va parfois à l’encontre des textes formels. »

 

Rodolphe Alexandre

« Il y a tout à faire ici ! »

 

Le président du Conseil Régional de Guyane, Rodolphe Alexandre, balaie l’actualité économique de la région et lance un appel aux entrepreneurs pour les inciter à prendre le pari de la Guyane. Entretien.

 

A quoi faut-il s’attendre, en 2012, en terme de développement économique ? Quelle est la tendance ?

La Guyane dépend très largement de la commande publique. De nombreux chantiers sont en cours même si certains accusent des retards dus notamment à des problèmes de procédures. Parmi tous ces chantiers, je citerais par exemple le projet d’aménagement de l’échangeur de Balata destiné à désengorger le trafic autour de Cayenne. Un ouvrage de 16 millions d’euros qui devrait être livré à l’horizon 2013-14. Il y a aussi le chantier de la nouvelle piscine de Mana, évalué à 4 millions d’euros, ou les aménagements de la piste entre Mana et Javouhey qui s’inscrivent dans la volonté de la Région de décloisonner la capitale.

 

La décentralisation et le désenclavement du territoire semblent être l’un des enjeux du développement économique de la Guyane ?

C’est une nécessité. Fin 2011, la Région a renégocié avec Air Guyane la convention relative à la continuité territoriale et revu à la baisse le tarif pour les résidents afin qu’il soit accessible pour le plus grand nombre. De son côté, la compagnie va augmenter son nombre de rotations entre Cayenne et Maripasoula. Il y aura désormais quatre rotations par jour ce qui devrait permettre d’augmenter les échanges entre la capitale et l’Ouest de la Guyane. Parmi les autres projets, la piste forestière entre Maripasoula et Papaïchton a été réhabilitée pour près de quatre millions d’euros, un débarcadère a été construit à Elaé, des installations sportives, dans le cadre de “Guyane, Base avancée”, vont être construites dans de nombreuses communes…

 

Le développement économique de la Guyane passe aussi par le développement des territoires les plus reculés…

Que des Guyanais n’aient pas accès à l’eau potable ou à l’électricité est une situation indigne de notre république. Il est de notre devoir d’amener à tous l’eau et la lumière. C’est pour cette raison que la Région s’est engagée à financer l’installation de pompes à eau sur le Haut-Maroni ou la construction d’un château d’eau à Mofina. En terme d’énergie renouvelable par exemple, nous avons lancé un appel d’offre pour un projet de 900.000 euros relatif à la construction d’une centrale photovoltaïque qui desservira Atecum Pata, Twenke, Pedima etc. Par ailleurs, une offre territoriale de onze millions d’euros sera consacrée au développement de neuf communes de Guyane. C’est désormais aux maires concernés de lancer les maîtrises d’ouvrage. Nous voulons assumer nos responsabilités en incitant aussi les maires à avoir une vision du développement durable de leurs communes.

 

Qu’est-ce qui freine encore le développement économique de la Guyane ?

La plus grande difficulté de notre économie c’est le manque d’entreprises répondant aux exigences des marchés locaux. A cause notamment des difficultés en terme de main d’œuvre, de transport, et surtout de coûts, l’enveloppe pour la programmation de certains chantiers est à multiplier par deux par rapport à la normale. En Guyane, il n’est pas rare que certaines entreprises tombent en faillite en cours de route, et que le chantier s’arrête… D’ailleurs, je souhaite lancer un appel aux entrepreneurs en leur disant : prenez le risque de venir vous installer en Guyane ! Il y a tout à faire ici !

 

Comment favoriser une dynamique entrepreneuriale sur le fleuve ?

Par le soutien de projets plus “familiaux”. Nous avons soutenu notamment un projet de boulangerie de Maripasoula ou la rénovation et la mise aux normes de l’hôtel de Papaïchton. Et ce, en dépit de problèmes administratifs. Cet hôtel a été construit sans autorisation même s’il répond aujourd’hui à la demande en terme d’hygiène, de confort… Son propriétaire a fait une demande de subventions et nous l’avons financée. Je suis convaincu qu’il faut soutenir ce genre de projet même si cela va parfois à l’encontre des textes formels. Il ne faut pas retarder la mise aux normes de cet hôtel qui a au moins le mérite d’exister. Je pense aussi au projet d’un Aluku qui voudrait faire du transport de marchandises sur le fleuve en aménageant son bateau avec des congélateurs. Le coût du transport serait ainsi moins élevé que le fret aérien d’Air Guyane… Il faut aider ce genre d’idées innovantes qui créent de l’emploi.

 

Quelles sont les filières porteuses ? Et celles qu’il faut soutenir ?

Nous avons de l’or, bientôt nous aurons du pétrole. Aujourd’hui, nous croyons beaucoup à la recette fiscale de l’or. Près de douze tonnes d’or ont été extraites de notre sol en 2011. A 42.000 euros le kilo, les retombées économiques peuvent être importantes pour peu qu’on lutte efficacement contre le trafic. Il faut aussi réussir une alliance entre l’or jaune et l’or vert. Ce sont des atouts indispensables pour un développement structurant. La Région a aussi soutenu la rénovation de certains hôtels ainsi que le financement, à hauteur de onze millions d’euros, d’un bateau de pêche qui exportera ses produits vers les Antilles.

 

Qu’en est-il de la coopération entre la Guyane et ses voisins brésiliens et surinamais ?

Récemment, je me suis rendu à Brazilia avec Nicolas Sarkozy ou au Surinam, où j’ai rencontré le Président de la République, Desi Bouterse. J’ai pu me rendre compte que la Guyane existait bel et bien aux yeux des Brésiliens ou des Surinamais. Par ailleurs, la récente demande d’adhésion de la Guyane au Caricom (Communauté des Caraïbes, ndlr) devrait accélérer l’intégration régionale de la Guyane.

 

L’Union Régionale des Antilles et de la Guyane (URAG) qui réunit les trois présidents des régions françaises d’Amérique va-t-elle vers un resserrement des liens entre les Antilles et la Guyane ?

Lors de la dernière conférence (en décembre 2011, ndlr), je crois que nous avons réussi à nous comprendre en abordant des sujets importants comme l’octroi de mer notamment. C’est une bonne chose parce qu’il faut avancer tout en protégeant l’économie endogène de nos territoires.

 

Que manque-t-il alors pour que les entreprises guyanaises puissent se développer à l’export ?

Je crois que nous ne sommes pas suffisamment agressifs pour obtenir des marchés extérieurs. Les autres pays n’hésitent pas à faire du lobbying. Nous, ce n’est pas dans notre culture. La Guyane a une grande avance en terme de technologies, de savoir-faire, de gestion de projets mais elle est considérablement en retard dès lors qu’il faut appuyer et vendre ces projets à l’international.