Droit pénal des affaires : la responsabilité pénale des personnes morales

La responsabilité pénale des personnes morales (ex : sociétés civiles et commerciales, associations, syndicats, GIE, etc.) a été introduite dans le Code Pénal français le 1er mars 1994.

Jusqu’à la loi du 09 mars 2004, dite Loi PERBEN II, par application du « principe de spécialité », cette responsabilité ne pouvait être mise en œuvre que « dans les cas prévus par la loi ou le règlement », c’est-à-dire qu’une personne morale ne pouvait être pénalement poursuivie au titre d’une infraction déterminée, que si le texte réprimant ladite infraction ouvrait expressément cette possibilité ; à défaut seuls les dirigeants, personnes physiques, pouvaient être pénalement inquiétés.

Depuis le 31 décembre 2005, qui marque l’entrée en vigueur de la loi PERBEN II, ce principe a été abandonné, ce qui implique que les personnes morales sont maintenant susceptibles de répondre de toutes les infractions pénales commises « pour leur compte, par leurs organes ou représentants » (cf. article 121-2, alinéa 1er, du Code Pénal).

Actuellement, la répression du droit pénal des affaires peut donc s’exprimer très largement au travers de poursuites dirigées soit contre les personnes morales, soit contre les personnes physiques, auteurs ou complices des mêmes faits (cf. article 121-3, aliéna 3 du Code Pénal).

Ce régime juridique de cumul des responsabilités n’a pas été précisé par la loi PERBEN II et fluctue selon deux grands courants jurisprudentiels.

Le premier courant exige, comme préalable à la mise en cause de la responsabilité pénale de la personne morale, l’identification précise de la personne physique qui, ayant la qualité d’organe ou de représentant, a commis l’infraction ; l’on parle à ce titre de responsabilité pénale « reflet » ou « par ricochet ».

Le second, plus récent, tend à permettre la condamnation de personnes morales sans précision de l’identité de l’auteur des manquements constitutifs du délit « dès lors que l’infraction n’a pu être commise, pour le compte de la société, que par ses organes ou représentants » ; il s’agit de la conception « anthropomorphique » de la responsabilité pénale des personnes morales qui fait de ces dernières des sujets de droit à part entière.

En marge du droit positif régissant ce cumul, se pose la question « stratégique » du choix de la politique pénale : faut-il privilégier les poursuites à l’encontre des seules personnes morales et ainsi atténuer la pression pesant sur les dirigeants ? Faut-il au contraire punir prioritairement ces derniers ou encore faut-il rechercher de manière égale la responsabilité pénale des deux ?

Une circulaire du Garde des Sceaux en date du 13 février 2006 apporte des éléments de réponse à ces questions et distingue, d’une part, les infractions intentionnelles au titre desquelles « l’engagement de poursuites à la fois contre la personne physique auteur ou complice des faits et contre la  personne morale, dès lors que les faits ont été commis pour son compte par un de ses organes ou représentant » est préconisé et, d’autre part, les infractions non intentionnelles ou de « nature technique pour laquelle l’intention coupable peut résulter (…) de la simple inobservation, en connaissance de cause, d’une règlementation particulière » au titre desquelles « les poursuites contre la seule personne morale devront être privilégiées ».

 

Par Maître Boris Chong-Sit, Avocat associé de la SCP CHONG-SIT & DOUTRELONG, Barreau de Guyane