Aimée Cippe : Des étoiles plein les yeux

Je suis la preuve qu’un Guyanais peut accéder à un poste à responsabilités”

Enfant, qui n’a jamais rêvé d’envoyer une fusée dans l’espace ? Aimée Cippe, elle, a réalisé ce rêve. Depuis septembre dernier, elle est directrice des opérations de lancement sur la base spatiale de Kourou. Une première pour une femme, guyanaise de surcroît.

 Un très beau métier“, “le fruit du travail“, “un accomplissement personnel“… C’est avec beaucoup d’humilité et de simplicité qu’Aimée Cippe parle de son métier. Comme si finalement, il n’y avait rien d’extraordinaire à envoyer des fusées dans l’espace. Comme si sa fonction de directrice des opérations (DDO) de lancement venait simplement couronner un parcours sans faute commencé il y a une douzaine d’années au Centre Spatial Guyanais (CSG).

Née à Cayenne il y a trente-huit ans, Aimée Cippe part en métropole une fois son baccalauréat en poche pour entamer des études supérieures de chimie, des études qui seront sanctionnées d’un diplôme de niveau Bac+5 à la faculté des Sciences et Techniques de Limoges. “Quand je suis rentrée en Guyane, cela faisait deux ans que je n’étais pas revenue, j’ai décidé de me porter candidate pour un poste d’ingénieur environnement au CNES“, se souvient-elle. A la suite de différents entretiens, son aventure sur la base spatiale de Kourou peut donc commencer, le 1er mars 2000.

Après une mission de trois ans en temps que chef de projet Management/Environnement dans le cadre de la mise en place de la norme ISO 14001 au CNES/CSG, elle devient responsable du laboratoire Physique/Chimie, où sa capacité à coordonner des équipes et à assumer de grandes responsabilités ne passent pas inaperçues. “Au bout de cinq ans de présence au CNES, on m’a donc sollicitée pour devenir directrice des opérations de lancement. Après avoir passé de nombreux tests de sélection, j’ai suivi une formation qui pour moi fut de sept mois mais dont la durée dépend du parcours professionnel et des connaissances du DDO, avant de diriger une première campagne de lancement pour le vol 204 d’Ariane, le 21 septembre 2011“.

Quand on évoque la direction des opérations de lancement, tout le monde a en tête le fameux “three… two… one… ignition” immortalisé par le cinéma américain. Pourtant, une campagne de lancement dure environ deux mois et consiste autant en la préparation de l’arrivée des satellites qu’en la coordination entre Arianespace, les clients “satellite” et les équipes opérationnelles du CNES… Le moment du lancement proprement dit n’est donc qu’une partie infime de sa mission. “Le DDO conduit la revue de préparation de la base afin de garantir que l’ensemble des moyens techniques soient prêts et conformes pour l’arrivée des satellites, précise Aimée Cippe. Dans un second temps, le DDO doit aussi assurer la coordination des équipes afin de garantir la bonne trajectoire du lanceur pour la sécurité des personnes, des biens et de l’environnement ainsi que sa mission“.

Vient ensuite le fameux moment, celui du décompte final. “A ce moment là, je suis très concentrée, le regard rivé sur le mur d’images opérationnelles et sur le lanceur en zone de lancement. La chronologie finale est très précise et pour les dix dernières minutes, la concentration de tous est à son maximum… La pression est énorme jusqu’à la mise en poste des satellites. C’est uniquement à ce moment là que l’on réalise que le lanceur a accompli sa mission“, explique-t-elle non sans dissimuler la passion qui l’habite à chaque instant.

Quant au fait d’être la première Guyanaise à ce poste, Aimée Cippe espère simplement susciter des vocations, et inciter les jeunes Guyanais à aller au bout de leurs rêves, en osant saisir les opportunités quand elles se présentent. « Je suis la preuve qu’un Guyanais peut accéder à un poste à responsabilités. Parce que le travail n’a pas d’odeur, pas d’origine et pas de couleur… quelque soit le chemin choisi. » Surtout si ce chemin est pavé d’étoiles.