Première femme à prendre la direction d’une unité EDF en Outre-mer, Eliane Germont dirige EDF à la Martinique. Elle répond à nos questions où il est question de consommation électrique, de développement économique et de maîtrise de l’énergie

Quels sont les grands projets menés par EDF en 2012 ?

Parmi les projets menés par EDF en 2012, il y a bien sûr la construction de la centrale de Bellefontaine pour 450 millions d’euros en remplacement de l’actuelle centrale, la construction de la turbine à combustion n°1 située à la centrale de la Pointe des Carrières pour 28 millions d’euros ou encore la construction d’une unité de traitement des fumées de la centrale de la Pointe des Carrières pour 25 millions d’euros. EDF finalise par ailleurs la mise en terre d’une partie du réseau électrique martiniquais et procède au renforcement de la ligne haute tension entre Dillon et Lamentin.

Enfin, EDF investira plus de 30 millions d’euros en dépenses courantes pour maintenir et moderniser l’ensemble des installations qu’elle exploite, de la production jusqu’à la distribution aux clients.

 

Quel état des lieux pouvez-vous faire de la production et de la consommation électrique en Martinique ? Comment EDF y répond-elle ?

Sur les années 2005 à 2010, la consommation d’électricité a augmenté en moyenne de 2.2% par an contre 4,5% par an de 2000 à 2005, cela grâce à une forte implication de l’ensemble des acteurs de l’énergie et des clients. L’année 2011 a confirmé cette rupture avec pour la première fois de l’histoire de la Martinique une baisse de la production d’électricité. Cette baisse s’explique par les effets conjugués de températures moins élevées (baissant la consommation des climatiseurs), la poursuite sur plusieurs années d’actions de fond en matière de la maîtrise de l’énergie et l’impact de la crise économique.

 

Dans quelles mesures EDF Martinique contribue-t-elle au développement économique et productif de l’île ?

EDF est un des premiers investisseurs de l’île et s’appuie sur de nombreuses entreprises locales dans tous les domaines (travaux neufs, maintenance, entretien, logistique…) Ce sont près de 1500 personnes qui ont travaillé sur le chantier de la nouvelle centrale de Bellefontaine. Par ailleurs, l’ensemble des actions conduites en matière d’efficacité énergétique est relayé par un réseau de plus de 250 partenaires agréés. Elles se sont traduites par près de 5 millions d’euros investis chaque année dans l’efficacité énergétique sur le territoire. EDF a notamment, par son expertise et son savoir faire en matière d’efficacité énergétique, contribué activement à l’amélioration de la compétitivité de nombreuses entreprises martiniquaises en travaillant avec elles à la baisse de leurs consommations,  ainsi qu’à de grands projets d’infrastructures immobilières comme les nouveaux hôpitaux de Mango Vulcin et du François, ainsi qu’au programme immobilier de la Pointe Simon.

 

Quelle place doit occuper EDF dans le développement durable du territoire ?
C’est la définition même de l’entreprise : agir pour le développement durable ! Intégrer et traiter, dans ses actions, les conséquences de l’activité de l’entreprise et de son propre comportement sur l’environnement socioéconomique (externe et interne) et naturel en conciliant croissance économique, préservation de l’outil industriel, protection de l’environnement, sécurité et santé au travail, solidarité et bien-être social, et en associant l’image des groupes à ces valeurs d’action.

Dans ce cadre là, EDF travaille avec l’État afin de garantir les besoins énergétiques de long terme de l’île, et de contribuer au développement des énergies renouvelables. EDF est un acteur incontournable de l’économie “verte” en étant un des promoteurs essentiels de l’efficacité énergétique de la Martinique.

 

Peut-on imaginer la redéfinition, avec la Région, des orientations du développement énergétique de la Martinique ?
La politique énergétique est définie par la Région et l’État. EDF ne définit pas la politique énergétique : elle y contribue par une analyse technique, essentiellement sur la problématique de la sûreté d’approvisionnement de long terme, au travers du bilan prévisionnel des investissements que vous pouvez consulter sur le site martinique.edf.com.

 

Peut-on, doit-on, augmenter la part d’énergie renouvelable dans le mix énergétique de l’île ?

C’est indéniable ! Pour autant, il ne faut surtout pas opposer le fioul et les énergies renouvelables de type éolien et solaire : ils sont complémentaires. En effet, la production d’énergie à partir du vent et du soleil est intermittente et difficilement prédictible. Une installation photovoltaïque ne produit en moyenne que pendant 1400 h/an, avec des variations brusques liées à l’ensoleillement, et les éoliennes 2000 h/an avec des variations brusques liées au vent. Dès lors, on comprend aisément que pour répondre en permanence aux besoins en électricité des Martiniquais, les moyens de production classiques sont le complément indispensable de ces énergies intermittente. La solution viendra des “énergies renouvelables continues” comme la géothermie ou la biomasse qui offrent des solutions durables pour garantir l’avenir énergétique de la Martinique. Ces énergies présentent un triple avantage : une  production toute l’année au   lieu de quelques heures par jour pour les énergies intermittentes, une production stable donc non perturbatrice pour le réseau électrique, un coût compétitif en milieu insulaire, donc un surcoût plus faible pour la collectivité au titre de la Contribution au Service Public de l’Electricité (CSPE).

 

Quelles seront les sources d’énergie de demain ?

La géothermie tout d’abord. Cette énergie peut devenir la première source renouvelable en Martinique. Une unité d’une vingtaine de MW pourrait voir le jour dans la région du Diamant. Le projet de raccordement avec la Dominique représente aussi un enjeu fort pour développer la géothermie avec un potentiel de 40 MW à destination de la Martinique. La concrétisation de ces deux projets pourrait permettre à la géothermie de représenter ainsi près de 25 % du mix énergétique en 2020.
Il y a aussi la biomasse. La bagasse issue de la canne à sucre mais aussi la filière canne combustible portent des perspectives  prometteuses à travers  de nouvelles unités industrielles. Elles peuvent permettre à la biomasse, associée au biogaz de décharge, au biogaz de méthanisation dans les exploitations agricoles et à l’incinération d’ordures ménagères, d’apporter une contribution appréciable à l’alimentation électrique de l’île.
La petite hydraulique, non exploitée à ce jour en Martinique, pourrait aussi connaître un développement, plusieurs rivières présentant un potentiel intéressant.
Enfin, l’énergie thermique des mers avec un prototype de 10 MW est en cours de développement par la DCNS avec l’appui du Conseil Régional.

 

Pourquoi les secteurs de l’éolien ou du photovoltaïque peinent encore à se développer largement ?

La situation n’est pas la même entre ces deux technologies : contrairement aux idées reçues, le photovoltaïque s’est, en moins de 5 ans, énormément développé en Martinique et représente aujourd’hui près de 15% de la puissance installée de production de l’île (contre moins de 1% en 2008) et jusqu’à plus de 20% de la puissance produite en temps réel, et cette pénétration du photovoltaïque dans le système continue de croître. Le potentiel éolien martiniquais est, lui, encore très peu exploité.
Plusieurs difficultés, comme par exemple l’utilisation importante de foncier, peuvent freiner le développement de ces énergies. En terme purement électrique, ces énergies sont intermittentes et difficilement prédictibles : ce sont leurs inconvénients majeurs et ceux ci peuvent causer une perte de stabilité du système. Néanmoins, dans les années à venir, de nouvelles technologies d’éoliennes à vitesse variable feront leur apparition et différentes solutions de stockage pour faire face à l’intermittence seront expérimentées.

 

Quels sont les enjeux énergétiques de demain pour la Martinique ? Comment répondre au mieux à la problématique locale de l’énergie ?

Il faut développer sans relâche l’efficacité énergétique pour stabiliser voire baisser la consommation énergétique sur l’île. Chaque kWh économisé a toutes les vertus : il ne pollue pas, il contribue au développement de tout un secteur économique  de l’île, il améliore la compétitivité des entreprises, et il baisse la facture des particuliers. C’est l’enjeu numéro un. Le développement des énergies renouvelables passe nécessairement par le développement d’énergies renouvelables continues, au premier rang desquelles, la biomasse et la géothermie, qui sont, de loin, les énergies renouvelables ayant le plus grand potentiel en Martinique.