Richard Crestor : Pourquoi les produits importés sont-ils si chers ?

“L’effet cumulé des coûts de transport et de l’octroi de mer peut conduire à un coefficient de surcoût très élevé, supérieur à 1,50”

“Un conteneur de champagne est soumis au même coût de fret qu’un conteneur d’eau minérale”

 

Dans son dernier ouvrage, Richard Crestor livre une approche à la fois théorique et pratique des mécanismes de formation des prix dans les départements français d’Outre-mer. Le Secrétaire Général de l’AMPI de Martinique entend ainsi donner, par le calcul, les raisons des écarts de prix entre les DOM et l’Hexagone et proposer des pistes de réflexion sur la façon de les réduire.

Pourquoi ce livre et pourquoi maintenant ?

En 2005, j’avais déjà publié un ouvrage sur l’octroi de mer (“Octroi de mer 2004-2014, de la protection à la compensation”, RC Edition). Les grèves de 2009 m’ont amené à réfléchir sur le sujet plus global du prix des produits importés. Je me suis dit : “Essayons de mettre le prix en équation”. Parce que les seules vérités sont celles que l’on peut démontrer. Je voulais trouver une formule mathématique qui explique pourquoi les prix sont si élevés dans nos territoires.

Quels sont les principaux constats que vous avez pu établir ?

Tout d’abord, il est important de souligner que l’équation à l’origine de la formation des prix est fonction de six variables : le prix d’achat en France hexagonale, le coût du fret en amont et le coût du fret en aval, l’octroi de mer, la marge des différents opérateurs et enfin la TVA. Ainsi, la base d’imposition à la TVA du produit importé inclut l’octroi de mer. Il y a donc une « TVA sur octroi de mer » qui, elle-même, contribue au renchérissement du prix de vente dans les DOM. De plus, le fret est calculé sur le poids du produit et non sur son prix d’achat. Ainsi, un conteneur de champagne est soumis au même coût de fret qu’un conteneur d’eau minérale. Le taux de fret exprimé en fonction du prix d’achat du produit importé peut donc atteindre un niveau très élevé, supérieur à 50%, pour les produits de faibles valeurs au kg.

Pour un tonnage non négligeable de produits agroalimentaires importés, l’effet cumulé des coûts de transport et de l’octroi de mer peut donc conduire à un coefficient de surcoût très élevé, supérieur à 1,50.

Ainsi, sur près d’un tiers des produits importés, les coûts d’approche sont supérieurs à la marge. Or, plus les coûts d’approche sont élevés, plus la possibilité de marge est faible. Et au-delà d’une marge de 10 ou 15%, les prix de vente explosent.

Quelles solutions préconisez-vous ?

Il faut avant tout s’attacher à diminuer chacune de ces variables. Pour le prix d’achat, il faut tenter de jouer sur les taux de change, d’observer de près le prix des matières premières, de diversifier certains approvisionnements. En bref, il faut aider les entreprises à mieux acheter.

Concernant le fret, certaines décisions publiques pourraient apporter des aides aux importateurs. Cependant, il faudrait veiller à préserver la production locale en ne taxant que les produits importés qui pourraient concurrencer la production locale.

Quand à la baisse de l’octroi de mer, cela se traduirait automatiquement par une diminution des recettes des collectivités.

Pourtant, de nombreux acteurs économiques de nos territoires souhaitent remettre en question le principe même de l’octroi de mer. Qu’en pensez-vous ?

Nous sommes dans un contexte où il est question de développer la production locale. Or, les collectivités ont tout intérêt à développer les recettes d’importation. Dans ce cas, plutôt que de le supprimer, pourquoi ne pas appliquer l’octroi de mer sur les services ?

Je crois que l’on y pense sérieusement dans les autres DOM et à Paris aussi. C’est peut-être une réforme à envisager. Il faut aussi que l’on puisse sortir le prix de revient de l’octroi de mer.

“La Formation du prix du produit importé dans les DOM” de Richard Crestor, RC Editions, 78 p., 15€