PAR MAîTRE BORIs CHONG-SIT

Un arrêt récent de l’Assemblée plénière de la Cour de Cassation en date du 15 juin 2012 est venu enrichir le régime juridique du statut pénal du Président de la République pendant la durée de son mandat en jugeant que celui-ci est parfaitement recevable à exercer les droits réservés à la partie civile dans le cadre d’une procédure pénale et donc à occuper le rôle juridictionnel de victime.

Cette décision est novatrice et comble un vide juridique qui n’existe pas quand, à l’inverse, il s’agit d’appréhender les règles qui président à la mise en jeu de la responsabilité pénale du chef de l’Etat en qualité de mis en cause ou plus généralement de défendeur.

A ce titre, rappelons

– qu’il n’est pas responsable des actes accomplis en qualité de Président de la République, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68 de la Constitution (à savoir condamnation par la cour Pénale Internationale ou destitution devant le Parlement constitué en Haute Cour de Justice de la République, et ce uniquement “en cas de manquement à ses devoirs, manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat”).

– que pour tous les autres actes, détachables de sa fonction, « il ne peut, durant son mandat, et devant aucune juridiction ou autorité administrative française être requis de témoigner non plus que faire l’objet d’aucune action, d’un acte d’information d’instruction ou de poursuite. Tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu. Les instances ou procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou engagées contre lui à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la cessation des fonctions ».

Le Président de la République échappe donc totalement, pendant la durée de son mandat, au pouvoir des juges, et ce même pour les actes détachables de ses fonctions.

L’existence de cette immunité totale du chef de l’Etat, y compris sur le plan civil, est critiquée par certains parlementaires français qui font notamment observer qu’il bénéficie d’une protection plus étendue que la plupart de ses homologues étrangers.

Aux Etats-Unis par exemple, si la responsabilité pénale d’un Président en cours de mandat ne peut être mise en œuvre que selon la procédure très lourde de “l’empeachment”, sa responsabilité civile reste soumise aux règles de droit commun (cf. l’exemple de l’affaire dite “Paula Jones “qui a destabilisé le Président Bill Clinton aux USA, pour des actes relevant de sa vie privée, commis antérieurement à son élection dont il a dû répondre devant l’autorité judiciaire fédérale américaine).

Absence totale du Président de la République dans les prétoires quand il est mis en cause ou susceptible d’être témoin d’une infraction pénale mais possibilité pour lui d’y être présent ou représenté quand il s’estime victime : certains commentateurs trouvent cette situation dissymétrique à tout le moins discutable.

L’Assemblée plénière de la Cour de Cassation estime quand à elle aux termes de l’arrêt susvisé du 15 juin 2012, que la signature des décrets de nomination des juges du siège par le Président de la République ne crée pas de dépendance à son égard puisque ceux-ci sont inamovibles et ne reçoivent ni pressions, ni instructions, dans l’exercice de leurs fonctions juridictionnelles et, qu’en conséquence, il n’y a aucune atteinte au principe du procès équitable dans le fait qu’il se constitue partie civile.