Richard Curnier

Elle intervient largement dans le cadre du financement des logements sociaux, dans celui de la rénovation urbaine ou du développement économique. Pourtant, la Caisse des Dépôts n’en demeure pas mieux connue auprès du grand public. Son directeur régional aux Antilles et en Guyane, Richard Curnier, nous livre les clés pour mieux identifier l’un des acteurs économiques majeurs de nos territoires.

 

Pour commencer, pouvez-vous pour nous présenter le rôle de la Caisse des Dépôts ?

Pour la définir de façon très simple, la Caisse des Dépôts est un établissement public à caractère spécial, qui œuvre dans l’intérêt général et le développement économique. Aujourd’hui, nous avons donc un rôle prépondérant, dans le cadre du développement économique, pour accompagner les collectivités locales comme par exemple les régions, mais également l’État, puisque l’on répond aux politiques publiques, locales ou nationales, au service des territoires.

Notre premier axe d’intervention est le financement du logement social, puisque nous sommes les banquiers de l’ensemble des bailleurs sociaux sur l’ensemble des trois DFA. Nous prêtons 350 millions d’euros par an pour la construction de logements sociaux en Antilles-Guyane, plus de 20 milliards d’euros à l’échelle nationale. Il s’agit d’un axe majeur de la Caisse des Dépôts surtout pour nos territoires parce que les besoins sont importants. Nous sommes là aujourd’hui pour prêter, sur 40 à 50 ans, à un taux à 2,85%, grâce à la ressource du Livret A. Pour résumer, l’argent qui est placé sur un Livret A, la Caisse des Dépôts et Consignations le “re-prête” aux bailleurs sociaux. Le Livret A sert, en ce moment, au financement du logement social.

 

La Caisse des Dépôts et Consignations est également un acteur majeur du développement économique des territoires. Par quels leviers y parvient-elle ?

Le développement économique est le deuxième axe de notre action : là nous ne sommes plus banquiers -on ne prête plus, nous sommes investisseurs. Nous avons déjà réalisé de nombreuses opérations en Martinique : nous avons contribué à la rénovation du village Club Méditerranée, nous sommes actionnaires du centre commercial Périnon, nous avons lancé une première opération sur le centre d’affaire Agora de la zone Etang Z’abricot, etc.

Plus récemment, nous participons au projet de la zone Kerlys où nous sommes investisseurs au coté du groupe Duval pour le lancement d’immobilier de bureaux. Cette nouvelle zone permettra de requalifier l’entrée de ville de Fort-de-France. La zone de Kerlys fournira aux PME et TPE, un ensemble immobilier de bureaux adapté à leur besoin. Nous souhaitons créer un pôle où l’entreprise peut trouver des bureaux, mais aussi une crèche, un espace de restauration… le tout dans une logique de développement durable.

 

Et en Guadeloupe ou en Guyane ?

Sur la Guadeloupe, nous sommes actionnaires par exemple du Parc de la Jaille – c’est un peu ce que nous voulons faire avec Kerlys, nous sommes aussi intervenus sur l’Université des Métiers dans le cadre d’un partenariat public-privé avec la Région Guadeloupe.

Sur la Guyane, nous avons mené des opérations dans le cadre de l’énergie renouvelable avec un investissement dans une centrale biomasse, et un autre, dans une centrale hydroélectrique.

La Caisse des Dépôts étudie des projets sur les trois territoires. C’est un véritable appui public de l’État et des Régions dans le cadre du développement économique. Par exemple, dans le cadre du Plan de relance lancé par le Président de la Région Martinique, Serge Letchimy, nous sommes dans une logique d’accompagnement de la collectivité régionale sur des projets structurants. Notre action permet à un moment donné de sortir une opération grâce à l’apport de fonds propres que nous apportons. Notre rôle de tiers de confiance est un élément indéniable pour le lancement des projets.

 

Quelle est la nature de votre participation au capital des entreprises ?

Jusqu’à 49%. Sur un projet de 100, il faut environ 30 de fonds propres. Et bien nous finançons 30 à 40% de ces 30, le reste, la majorité, incombe au porteur de projet à qui nous pouvons revendre nos parts entre 7 à 15 ans… tout dépend de l’évolution du projet.

 

Vous intervenez également au niveau du financement des collectivités locales…

Oui, le démantèlement de Dexia qui était la banque de financement des collectivités locales est en cours et certains banquiers se sont plus ou moins retirés du financement des collectivités locales. Du coup, dans l’attente d’une nouvelle banque qui financera les collectivités locales, la Caisse des Dépôts a mis sur la table plusieurs enveloppes pour un montant de 3 milliards d’euros pour financer les besoins d’investissements des collectivités. Pour l’instant, il y a carence.

 

Le tourisme est-il un axe majeur de la Caisse des Dépôts et Consignations ?

Oui même si le tourisme contribue d’une certaine manière au développement économique. Ce que je souhaite aujourd’hui, c’est ne pas construire des hôtels mais plutôt de nous occuper des friches. Je pense notamment à l’hôtel Kalenda aux Trois-Ilets ou à celui de Saint-François. Nous voulons réhabiliter, donner une autre vie à des sites touristiques plutôt que de créer ex-nihilo des hôtels. Ce qui nous intéresse c’est aussi de participer à la rénovation urbaine. Regardez l’exemple du Kalenda : on a un cadre idyllique et au milieu, une friche.

 

Vous êtes aujourd’hui en Martinique, vous étiez hier en Guadeloupe, dans le cadre du déploiement du Fonds Stratégique d’Investissement (FSI) au niveau régional. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce fonds ?

Il s’agit d’un axe pour nous très important. Le FSI, c’est un peu le concept du fonds souverain “à la française”, créé en 2008 au lendemain de la faillite de Lehman Brothers, en pleine crise financière. L’idée du FSI à l’époque était de préserver les intérêts patrimoniaux des sociétés françaises du CAC 40. Le FSI a ainsi été créé avec 20 milliards, détenu à 51% par la Caisse des Dépôts et à 49% par l’État.

Le but aujourd’hui, c’est de développer ce FSI au niveau régional pour accompagner les PME (au sens de la Caisse des Dépôts, des entreprises qui font au minimum 2 millions d’euros de chiffres d’affaires, ndlr). Le FSI est là pour prendre des prises de participation dans des sociétés antillaises et guyanaises, pour leur permettre d’assurer leur développement. C’est ce que l’on appelle des fonds propres et du quasi-fonds propre. Soit il y a prise de capital dans la société, soit émission d’obligations convertibles mais qui ne rentre pas dans le capital, les dirigeants conservant les pleins pouvoirs.

Aujourd’hui, les entreprises des DFA subissent la double peine : à la fois la crise économique mais également les événements de 2009 qui leur ont fait subir des pertes. Elles manquent de fonds propres et le FSR (Fonds stratégique régional) est là justement pour les aider à reconstituer leur fonds propres et leur permettre de réaliser de nouveaux investissements, d’acquérir des sociétés… L’idée, c’est de passer de la PME à l’ETI, l’entreprise de taille intermédiaire telle que définie par l’Europe (entre 250 et 5.000 salariés) pour faire émerger des groupes. Aujourd’hui, nous étudions quelques dossiers pour le FSI au niveau régional.

 

Un an après votre arrivée, quel état des lieux sur le développement économique aux Antilles et en Guyane pouvez-vous faire ? Invite-t-il à l’optimisme ?

On sent bien un ralentissement net de l’activité économique. De plus, l’économie a subi l’arrêt du financement des collectivités locales qui est d’ordinaire l’un des moteurs de croissance pour les régions, il y a aussi le problème de l’ensemble du financement des entreprises locales. Toutes ces choses ont continué de dégrader le secteur privé.

C’est justement dans ces situations-là que notre rôle est important, puisqu’on est là pour aider le développement économique. Nous sommes actuellement plus largement sollicités sur le volet de l’investissement que nous ne l’avons été il y a quelques années. Nous rendons possible la réalisation de projets.

 

Sur quels thématiques ou projets concrets la Caisse des Dépôts est-elle engagée en Antilles-Guyane ? Existe-t-il des axes à privilégier ?

Il y a tout d’abord la problématique de la formation professionnelle, le taux de chômage des jeunes est très élevé dans les 3 DFA. La formation professionnelle fait d’ailleurs partie du PIA, Plan d’Investissements d’Avenir mis en place dans le cadre du grand emprunt lancé par Nicolas Sarkozy, tout comme l’économie sociale et solidaire qui est aussi prépondérante afin d’aider les structures qui luttent contre l’exclusion et qui s’occupent des populations les plus démunies.

 

Le numérique est aussi un axe majeur à développer, il représente d’ailleurs une enveloppe de 4 milliards d’euros dans le cadre du grand emprunt. Les 3 DFA se sont engagés dans un grand schéma numérique, avec un gros volet “infrastructures”, de façon à ce que tous les territoires soient couverts en fibre optique, pour rentrer non pas dans le haut-débit mais dans le très haut-débit. Le numérique est un élément majeur, surtout pour des territoires insulaires, que l’on travaille avec la métropole ou l’étranger…