Bernard Chemoul

Devenir directeur du CNES au CSG, est-ce un souhait de longue date ?

Diriger un centre du CNES aussi prestigieux que le Centre Spatial Guyanais est une opportunité unique dans la vie d’un ingénieur, surtout lorsqu’on est passionné de technologie spatiale.

Une telle responsabilité se propose et je remercie le président du CNES de la confiance qu’il m’accorde.
Durant vingt-sept ans j’ai fait partie de l’équipe de conception des projets Ariane en tant qu’expert en systèmes de lancement, puis je suis passé chef de programme.

J’ai découvert la Guyane en 1984 et y suis venu régulièrement à l’occasion de missions pour les lancements ou pour contribuer au projet ARIANE V et j’ai décidé de m’y installer en 2008 pour prendre des fonctions de responsable de la sécurité de la Base spatiale.
J’aime cette région et je suis fier du poste que j’occupe aujourd’hui auprès du CNES avec de si grands enjeux.

Pouvez-vous nous présenter votre rôle au sein de cette institution qu’est le CNES ?

C’est une tâche complexe et multiple comme vous pouvez l’imaginer. Etre à la tête d’un établissement de hautes technologies où des activités à risque sont menées chaque jour demande un souci constant de fiabilité des installations, de disponibilité des moyens et de la meilleure sécurité. C’est ma 1ere responsabilité.

Aujourd’hui le CSG c’est 3 systèmes de lancement : ARIANE 5, SOYOUZ et VEGA en pleine exploitation opérationnelle. Nous devons mettre la base spatiale en régime de croisière pour assurer un programme de lancement à cadence élevée. La mission du CNES est de coordonner l’ensemble des opérations de la base, d’apporter tout le soutien nécessaire pour préparer les satellites au lancement, d’assurer, pendant les lancements, la réception des mesures du lanceur et de suivre sa trajectoire avec ses radars : nous sommes les yeux de la base. Ainsi nous nous assurons que toutes les activités et tous les lancements sont réalisés en toute sécurité et dans le respect de l’environnement.

Par exemple, il faut nous assurer que le lanceur ne dévie pas du couloir prédéfini, auquel cas nous le neutralisons pour qu’il ne devienne pas dangereux.

Quel est le rôle du CNES dans le développement économique de la Guyane ?

Le CSG est un acteur économique important de la Guyane. A ce titre, le CNES développe un programme de soutien au développement, en contribuant financièrement à divers projets d’investissement notamment auprès des mairies, de la Région, etc.
Cette contribution peut prendre la forme d’une aide sur la réalisation de projets de haute technicité.

En outre, nous intervenons dans des actions de formation avec le rectorat de Guyane. Nous délivrons aussi des bourses à des étudiants guyanais pour leur permettre de poursuivre des études supérieures. Vous le voyez, les activités sont nombreuses et variées : nous tenons essentiellement à participer au développement actif de la Guyane.

Quels sont aujourd’hui les nouveaux enjeux de l’exploration spatiale ?

On peut les résumer en cinq grands domaines : l’accès à l’espace (offrir à la France et à l’Europe les moyens de se rendre dans l’espace de façon autonome), les applications grand public comme la réduction de la fracture numérique et l’accès au haut débit, la connaissance de l’environnement et des changements climatiques terrestres, la science de l’Univers (approfondir les connaissances astronomiques, explorer le système solaire, étudier les mécanismes de formation de l’Univers…) et enfin la sécurité et la défense, à la fois civile et militaire, en apportant une aide de gestion lors de crises importantes comme les incendies ou les inondations par exemple et en soutenant les troupes d’intervention en territoire étranger.

Mais ces enjeux se situent aussi en Guyane par le biais d’applications que nous avons déployées au service des citoyens.
C’est le cas de la télémédecine qui, grâce à des partenariats avec les hôpitaux, nous a permis de répondre efficacement aux problèmes de soins dans les communes enclavées.

Je n’oublie pas non plus le Poste médical de secours avancé (PSMA), plateforme qui vise à répondre en un temps record en cas de catastrophes naturelles ou industrielles dans les pays limitrophes.

Je pense enfin à toute la cartographie et à l’exploitation associée des études du littoral amazonien réalisées par le biais du programme de Surveillance de l’Environnement Amazonien par Satellite (SEAS).

Quels sont les projets que vous désirez amorcer et concrétiser dans les années à venir ?

Notre ambition est d’avoir la base la plus performante, la plus sûre et la plus respectueuse possible de l’environnement, tout en augmentant nos cadences de lancements.

De plus, je souhaite que le CSG soit toujours plus présent dans l’activité guyanaise : aujourd’hui, sur les 1600 employés du CSG, 72% d’entre eux sont en contrat local. Au CNES Guyane, cette proportion est de 60% pour les cadres et ingénieurs. Les femmes et les hommes du CSG sont partie prenante des forces vives de l’industrie spatiale européenne.

J’aimerais que la base ne soit pas vue comme un simple site industriel replié sur lui-même mais comme une base transparente porteuse de développement économique pour la Guyane et donc d’avenir pour cette région.

Que pensez-vous de cette phrase de Victor Hugo : “l’espace efface le bruit” ?

C’est une prémonition très juste de sa part, comme souvent chez lui, bien qu’il n’ait pas connu les voyages spatiaux (rires). En effet, l’espace n’est que silence…
Si l’on part du bruit, qui est par essence désorganisé, chaotique, source de confusion, alors l’Espace peut être vu comme un domaine où il y a nécessité de coopération, de coordination et  d’organisation pour concrétiser des projets. L’Espace donne l’opportunité d’une aventure humaine formidable où il est nécessaire de réunir des savoirs variés, canaliser des forces multiples et créer des synergies pour réussir de grands projets au service de l’Humanité.