Pour commencer, pouvez-vous nous présenter le rôle de l’IEDOM ?

L’Institut d’Émission des Départements d’Outre-mer (IEDOM) est un établissement public national créé en 1959. C’est une banque centrale déléguée qui agit pour le compte de la Banque de France dans les cinq départements d’outre-mer et dans les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin. Les missions de l’IEDOM peuvent se regrouper en trois catégories :

• des missions de banque centrale, qui comprennent la mise en circulation et l’entretien des billets en euros ; la cotation des entreprises ; la surveillance des systèmes et des moyens de paiement ; le relais des autorités nationales (Autorité de Contrôle Prudentiel, Autorité des Marchés Financiers) et européennes (BCE).

• des missions de service public confiées par l’Etat, comme la mise en circulation des pièces de monnaie ; la gestion des comptes bancaires du Trésor public ; le secrétariat des commissions de surendettement des particuliers ; la gestion locale des fichiers interbancaires (FICOM, FCC, FICP) ; l’information du public (droit d’accès aux fichiers, droit au compte) ; l’observatoire des tarifs bancaires.

• des missions d’intérêt général au profit des acteurs publics ou privés : observatoire économique et financier ; médiation du crédit aux entreprises ; gestion d’informations sur les entreprises ; production d’informations pour la communauté bancaire.

 

Vous êtes le nouveau Directeur de l’Institut basé à Paris, mais vous connaissez bien nos départements pour y avoir passé quelques années : quels souvenirs en gardez-vous ?

Même basé à Paris, je garde un lien très fort avec l’ensemble des géographies d’outre-mer et leurs acteurs économiques puisque, comme vous le savez, outre l’IEDOM, je suis également Directeur de l’IEOM, banque centrale des collectivités d’outre-mer du Pacifique, zone monétaire spécifique où circule le F CFP. J’ai donc, dans le cadre de mes nouvelles fonctions, l’occasion de travailler à Paris avec les institutionnels en charge de la mise en œuvre des politiques publiques outre-mer, et je me rends régulièrement sur le terrain à la rencontre de nos équipes et des acteurs économiques. Je n’ai donc pas quitté l’outre-mer, qui continue d’être ma préoccupation quotidienne. Mon engagement professionnel et personnel aux problématiques ultra-marines témoigne de mon profond attachement à ces géographies.

 

Votre rôle d’observatoire vous permet de porter une vision éclairée de la situation économique des DOM, quel bilan peut-on faire de l’année 2012 ?

Les DOM ont connu une forte dynamique au cours des 10 années qui ont précédé la crise de 2008. Sur cette période, l’Outre mer a enregistré une croissance annuelle moyenne de 2,5%, contre 1,4% pour la France entière. Cette croissance a été tirée par une progression de l’investissement, avec d’importants grands travaux, et de la consommation, en rapport avec l’augmentation du revenu disponible brut des ménages. De nombreux indicateurs se sont améliorés au cours de la décennie 2000, avec des situations toujours très contrastées entre territoires.

La crise a malheureusement mis un point d’arrêt à cette dynamique. D’un point de vue global, nous observons aujourd’hui une contagion de la crise européenne à l’outre-mer et l’essoufflement de la reprise, en particulier depuis la fin du premier trimestre 2012. Dans ce contexte, malgré des tensions sur les prix de l’énergie, l’inflation est restée bien contenue. L’activité marque le pas dans l’ensemble de l’outre-mer. L’Indicateur du climat des affaires (ICA) se dégrade dans toutes les géographies, se situant en deçà de sa moyenne de longue période. La plupart des secteurs de ces économies sont impactés. La conséquence directe du ralentissement de l’activité, c’est que le chômage progresse à des niveaux historiquement hauts et préoccupants, notamment aux Antilles et à la Réunion. La consommation, qui avait jusqu’ici soutenu l’activité dans la plupart des géographies, s’essouffle sans que l’investissement ne prenne le relai. Dans un contexte d’incertitudes toujours élevées au niveau mondial, les économies ultramarines manquent, à l’instar des grandes économies, de visibilité, limitant tout retour de la confiance en l’avenir, condition nécessaire à la reprise.

 

Comment se portent nos entreprises ? Peut-on espérer une amélioration de la conjoncture en 2013 ? 

Depuis 2008, et malgré une reprise en 2010 et 2011 dans certains secteurs, la situation des entreprises reste difficile. L’année 2012 est caractérisée, comme je viens de vous l’indiquer, par un nouveau ralentissement après l’amélioration que nous avions observée les deux années précédentes. Les PME et les TPE du BTP et des secteurs connexes sont les plus particulièrement touchées. Les dispositifs de soutien (médiation du crédit, étalement des charges sociales et fiscales, etc.) ont permis d’amortir en partie ces difficultés, mais seul un retour à la croissance permettant de reconstituer les carnets de commande des entreprises autorisera un véritable redressement.

Les indicateurs les plus récents, en particulier dans la zone euro, suggèrent un retournement progressif de l’activité économique mondiale. Le consensus des économistes penche pour une sortie progressive de la crise de la zone euro dans le courant de l’année 2013 qui devrait toutefois rester une année difficile. Cette perspective constitue un élément positif du retour à la confiance pour les outre-mer, d’autant qu’il s’accompagne d’une hausse du budget de l’Etat qui leur est consacré et du maintien du mécanisme de défiscalisation pour
2013.

 

Pour finir, comment appréciez-vous le coût du crédit aux entreprises dans les principaux établissements bancaires locaux ? Peut-on espérer dans le futur bénéficier des mêmes taux qu’au niveau national ?

Les enquêtes semestrielles de l’IEDOM montrent que les taux des crédits aux entreprises pratiqués dans les DOM sont globalement supérieurs à ceux relevés en métropole. Plusieurs éléments peuvent être avancés pour expliquer le surcoût du crédit outre-mer. Les établissements de crédit des DOM exercent sur des marchés de faible taille où l’effet volume reste limité et permet difficilement de couvrir tous les coûts de structure nécessaire à l’activité bancaire. Ces éléments pèsent sur leur coefficient d’exploitation (frais généraux rapportés au produit net bancaire), qui demeure traditionnellement plus élevé qu’en métropole (73,5% en moyenne dans les DFA, contre 65,1 % en métropole). Autrement dit, toutes choses égales par ailleurs, les coûts d’exploitation d’une banque outre-mer sont plus élevés qu’au niveau hexagonal. Une autre explication réside dans le poids du coût du risque. Il est historiquement plus élevé qu’en métropole, compte tenu notamment de la structure du tissu d’entreprises, composée majoritairement de TPE/PME par nature plus fragiles. Le taux de créances douteuses est en moyenne plus de deux fois supérieur à celui des établissements de l’hexagone.