L’économie sociale et solidaire (ESS), c’est ce secteur de l’économie qui rassemble des entreprises organisées sous forme de coopératives, mutuelles, associations ou fondations, dont le fonctionnement et les activités sont fondés sur deux principes forts : solidarité et utilité sociale. Des entreprises qui adoptent des modes de gestion démocratiques et participatifs et encadrent strictement l’utilisation des bénéfices qu’elles réalisent, le seul profit individuel étant proscrit et les résultats réinvestis.
Intérêt général, partage et ancrage territorial : telles sont les valeurs qui portent l’ESS et que soutient activement le Conseil Départemental. Nous avons rencontré sa présidente, Josette Borel-Lincertin.

Propos recueillis par Julie Clerc

L’économie sociale et solidaire revêt-elle une définition particulière en Guadeloupe?

Josette Borel-Lincertin : L’économie sociale et solidaire a toujours existé en Guadeloupe. Partout sur notre île, des femmes et des hommes, même s’ils ne s’approprient pas le terme d’économie sociale et solidaire, agissent au quotidien selon les mêmes fondements et valeurs : ce sont les éducateurs de jeunes enfants, les animateurs sociaux, les entraineurs sportifs, les conseillers mutualistes etc. Ces acteurs de l’ESS ont en commun de pratiquer leur activité en réponse à des valeurs spécifiques : l’intérêt général, le partage, l’ancrage territorial, le refus de l’enrichissement personnel et le souci de l’environnement.

Sous mon impulsion, le Conseil Départemental, collectivité de toutes les solidarités, se veut un partenaire résolu de ces acteurs. Le changement d’échelle au niveau règlementaire nous permet maintenant, aux côtés des autres collectivités et partenaires, de les mettre davantage en valeur et de les accompagner pour aller plus loin dans leur action sur le territoire au bénéfice de notre population. Ceci est facilité par le fait que l’ESS s’inscrit aujourd’hui dans un nouveau cadre règlementaire (la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire) qui suscite depuis quelques temps un regain d’intérêt au niveau national.

Quels métiers l’ESS concerne-t-elle ?

Un très grand nombre ! Avec près de 4 400 structures, dont 90% dans le monde associatif, l’ESS représente pas moins de 11% de l’activité économique et plus de 12% des emplois rémunérés en Guadeloupe qui sont, en outre, non délocalisa-bles. Les secteurs d’activités (services à la personne, agriculture, tourisme, finances, commerce…), tout comme les métiers (management de projet, comptabilité/contrôle de gestion, communication, animation, ressources humaines…) sont très variés mais tous cherchent à mettre l’économie au service des êtres humains, et non l’inverse. Cela correspond tout à fait à la philosophie que je défends avec ma majorité au Conseil Départemental.

Qui porte, en Guadeloupe, ce secteur de l’économie ? 

Face aux problématiques du chômage, de la perte d’autonomie et de la vieillesse, de la prise en charge de la petite enfance, de la culture, de l’éducation ou encore des inégalités, beaucoup d’acteurs sont concernés : Etat, CRESS et collectivités territoriales ont à un titre ou à un autre des compétences qui touchent l’ESS. C’est un rôle qui doit être totalement partagé car il est évident que nous serons toujours beaucoup plus efficaces ensemble.

La collectivité départementale est forte de son expérience dans la mise en œuvre des politiques publiques d’insertion et des politiques sociales. A ce titre, nous prendrons toute notre part dans la valorisation et le développement de l’économie sociale et solidaire. C’est la raison pour laquelle, conformément à la nouvelle loi NOTRe, j’ai fait évoluer la commission des affaires économiques en commission en charge de l’économie sociale et solidaire, dont la présidente est la conseillère départementale Justine Bénin. Cette élue expérimentée a pour mission d’inscrire de façon volontariste la politique d’économie sociale et solidaire comme projet transversal de la collectivité.

Quels sont les défis de l’ESS localement ? 

L’ESS guadeloupéenne souffre d’un manque de visibilité et d’un manque de reconnaissance. Elle doit donc bénéficier de moyens permettant son développement. L’ESS guadeloupéenne pâtit également d’un déficit de structuration. Il s’agit donc de proposer un meilleur accompagnement et des solutions concrètes de formation de ses acteurs. Fort heureusement, il existe de plus en plus de sources de financements : les acteurs de l’économie sociale et solidaire doivent être accompagnés pour apprendre à mobiliser ces financements pour contribuer au développement durable et humain de la Guadeloupe.

Du fait de ses compétences sociales, la collectivité départementale est un acteur clef du développement de l’ESS. Sur le terrain, en quoi consiste ce soutien ?

Le mot solidaire, que l’on retrouve dans « économie sociale et solidaire », n’est pas une simple vue de l’esprit. Pour notre collectivité, en particulier, ce n’est pas un concept abstrait. Il désigne un ensemble de pratiques très concrètes, dans lequel le Conseil Départemental est engagé au quotidien. Par exemple, en tant que présidente du Conseil Départemental, il me parait important de souligner l’apport par anticipation de l’activité économique des structures de l’insertion, que nous accompagnons fortement, au regard des démarches et va-leurs portées par l’ESS. Dans des domaines aussi diversifiés que la culture, l’éducation ou le sport, de nombreuses structures et associations soutenues par la collectivité départementale agissent au quotidien pour développer les savoir-faire et les savoir-être qui sont le socle des valeurs de l’ESS.

Avec la loi sur l’ESS et la loi NOTRe, les évolutions des cadres règlementaires nous ouvrent de nouvelles fenêtres d’opportunité pour aller plus loin dans la valorisation et l’accompagnement de ce secteur.

Quels sont les objectifs du Plan pluriannuel départemental de l’économie sociale et solidaire (PPDESS) que le Conseil Départemental devrait prochainement adopter ? 

Face aux crises qui sont récurrentes et qui frappent durement notre archipel, notre « terroir » guadeloupéen, nos pratiques culturelles ancestrales peuvent devenir un laboratoire d’innovations sociales et citoyennes au sein duquel nous pouvons puiser pour reformuler le développement dans le sens de l’intérêt général.

L’objectif du Conseil Départemental est d’engager un travail de valorisation et d’accompagnement plus soutenus, notamment à travers la promotion du secteur, le soutien à la formation et la recherche de financement. Nous proposerons par exemple de faire des « portraits de fierté guadeloupéenne » pour remercier publiquement quelques-uns des ces acteurs et entrepreneurs sociaux qui ont en commun de ne pas rechercher le seul profit dans leur quotidien.

La collectivité aimerait également proposer un prix départemental de l’innovation sociale, pour montrer la vivacité des initiatives locales et valoriser les personnes au service de l’utilité sociale dont regorge le pays.

Dans tous les cas, la feuille de route précise de la collectivité sur l’ESS sera adoptée après un cycle de rencontres et des consultations publiques que nous allons très rapidement mener dans tout l’archipel : nous voulons étroitement associer les Guadeloupéennes et les Guadeloupéens, acteurs des mondes mutualistes, associatifs, mécènes, entrepreneurs sociaux et acteurs de la société civile pour une élaboration concertée du Plan départemental de valorisation de l’économie sociale et solidaire.

Pour rester à jour, nous encourageons les lectrices et les lecteurs à suivre la page Facebook du Conseil Départemental de la Guadeloupe, qui prendra les couleurs de l’ESS pendant tout ce mois de novembre consacré aux initiatives solidaires sur le territoire. Ce sera l’occasion pour la collectivité d’être aux côtés de plusieurs partenaires pour donner plus de visibilité à un secteur important, vecteur d’attractivité et véritable « poto mitan » pour la cohésion de la société guadeloupéenne.