Préservation. Depuis 1994, Kwata, ses 5 membres permanents et ses 150 bénévoles, se consacrent à l’étude et à la conservation de la nature en Guyane. Alors que débute la saison des tortues, animaux emblématiques du littoral, l’association fait le point sur l’actualité de la biodiversité marine. 

Le ballet des tortues marines est immuable. Chaque année, il commence avec l’apparition des tortues vertes puis se poursuit avec l’arrivée des gigantesques Luths suivies des Olivâtres.

De moins en moins de tortues

Des plages d’Awala-Yalimapo à celles de Cayenne et de Rémire-Montjoly, on peut théoriquement observer des pontes puis des émergences sur une période s’étendant de février à octobre. Mais, depuis quelques années, Kwata note un décalage de la saison et, plus grave, une décroissance du nombre d’individus.

« Depuis 2009, où l’on comptait près de 10 000 pontes chez les Luths, le déclin est net. Nous sommes tombés à 160 en 2020 ».

Même constat chez les autres espèces. Concernant les tortues olivâtres, plus côtières que leurs consœurs, Kwata travaille actuellement en partenariat avec le Comité des pêches, WWF et le CNRS pour tenter de limiter les interactions avec les pêcheurs.

En une seule nuit, il peut arriver qu’une centaine de tortues soient accidentellement piégées dans les filets. 

« Notre objectif est de comprendre, grâce à une fine analyse des données de comptage et à quelques individus sentinelles équipés de balises GPS, les déterminants de l’activité de ponte », explique Benoit de Thoisy, directeur de Kwata.

« Avec des prévisions plus précises, nous pourrons demander aux pêcheurs de suspendre leur activité dans les zones à risques pendant les deux ou trois jours où les Olivâtres sont susceptibles de venir pondre ». 

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Comprendre la fuite de la Luth

Une étude, réalisée – entre autres – sur la base de données de marquage collectées pendant 18 ans, est en cours pour tenter par ailleurs de comprendre les changements de comportement de la tortue Luth.

Plusieurs raisons conjuguées peuvent déjà être avancées :

  • L’envasement du site de ponte qui rend l’accès à la plage difficile
  • La baisse de la qualité du sable, liée à la fermentation et aux contaminations bactériennes provoquées par les restes d’œufs
  • Le vieillissement de la population associée à l’absence de nouvelles femelles

« Alors qu’un individu pondait 3 à 5 fois par saison entre 2005 et 2008, il ne pond plus qu’une à deux fois par saison aujourd’hui ».

D’autres facteurs sont à prendre en compte comme l’ingestion des plastiques en mer et les interactions avec les pêcheurs, causes de mortalité de plus en plus récurrentes.

Les changements globaux tels que le réchauffement des plages peuvent aussi être incriminés. En effet, un nid à plus de 29° de température favorise la naissance de femelles et conduit donc une féminisation de la population.

Enfin, la modification de la localisation et de la quantité des ressources alimentaires en mer rallonge le temps de migration des tortues. Alors qu’elles avaient 7000 km à parcourir pour se nourrir, elles doivent aujourd’hui effectuer 9000 km, soit une dépense énergétique accrue qui pourrait jouer sur leur capacité de reproduction. 

Tortue en Guyane, surveillée par l'association Kwata

Des lamantins hybrides

Mais Kwata, qui vit cette année sa 23e saison des tortues, ne s’intéresse pas qu’aux chéloniens.

Des programmes sont menés autour d’autres animaux marins menacés tels que les loutres géantes et les lamantins dont une nouvelle espèce hybride – issue d’un croisement entre le lamantin antillais et le lamantin amazonien – a été identifiée en 2020 dans nos eaux.

Sur ces mammifères, des enquêtes viennent d’être relancées pour une durée de deux ou trois ans afin de déterminer les enjeux de conservation.

« Les dernières données remontent à une dizaine d’années, il faut à nouveau estimer les populations, identifier les comportements, les milieux fréquentés et les menaces qui pèsent sur leur survie car on sait, hélas, qu’en matière de biodiversité peu de choses évoluent dans le bon sens », conclut Benoit de Thoisy. 

Kwata en quelques mots

Agréée par le ministère de l’Environnement, Kwata est membre de l’Union Mondiale pour la Nature (IUCN) et du comité français de l’Union Mondiale pour la Nature. Son financement est assuré par projet et émane principalement de l’Etat puis de l’Europe et des collectivités.

L’association, dirigée par Benoit de Thoisy, rassemble ceux qui souhaitent contribuer à la connaissance et à la préservation du patrimoine naturel guyanais, aussi riche que fragile.

Seule ou en partenariat avec d’autres associations ou instances de recherche, Kwata mène des actions de communication, des programmes d’éducation à l’environnement et des études scientifiques sur la faune de Guyane et ses milieux naturels.

Elle apporte également son expertise écologique et environnementale aux institutions et décideurs locaux. Elle gère deux sites naturels, les Salines de Montjoly et, depuis 2020, le sentier Vidal à Rémire-Montjoly.

Kwata
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