L’art-thérapie est utilisée dans le domaine du soin et de l’accompagnement depuis de nombreuses années, mais demeure encore peu connue ; afin d’asseoir ses limites, l’usage du titre d’art-thérapeute est défini par l’obtention d’un certificat de niveau 2, reconnu par l’État. Un Code de déontologie, rédigé par la Ligue Professionnelle d’art-thérapie, permet à qui le souhaite de se référer afin de s’assurer d’une pratique sérieuse et règlementaire. Rencontre avec Éva ZONCA, art-thérapeute certifiée CNCP (commission nationale de la certification professionnelle). 

 

Comment êtes-vous devenue art-thérapeute ?

Eva Zonca : L’obtention d’un master dans une école de communication et de journalisme m’a conduit à exercer 4 ans dans ce domaine ; après une période de cheminement personnel, j’ai compris que je souhaitais consacrer une partie plus importante à l’aspect humain, à travers mon métier. C’est important, à mon sens, de pouvoir prendre le temps d’écouter vraiment ce qui nous anime à l’intérieur et d’autant plus lorsqu’on a vocation à travailler avec et pour l’humain. Mes études initiales m’ont permis d’aborder certains aspects de la psychologie et cela m’a donné envie d’aller plus loin dans ce domaine. Par ailleurs, j’ai, depuis l’enfance, conservé et développé une pratique personnelle régulière de l’art. Assez naturellement donc, je suis arrivée à l’art- thérapie. Soutenue par mon entourage, j’ai entrepris une reconversion ou plutôt, j’ai complété ma formation initiale, au sein d’un Centre de psychologie appliquée, PROFAC, où, après avoir présenté avec succès mon mémoire professionnel devant un jury indépendant de l’organisme (Arles, avril 2013), j’ai obtenu mon certificat d’art-thérapeute.

 

Qu’est-ce que l’art-thérapie ?

En Guyane, certainement une profession de pionnier ! Ou de pionnières puisque nous ne serions que deux, a priori, à exercer actuellement en Guyane.
Dans une société où la tendance est plutôt au contrôle, l’art- thérapie offre un espace de liberté, sécurisant et bienveil- lant. Pour reprendre la définition proposée par la Ligue pro- fessionnelle des art-thérapeutes (Lpat), « L’art-thérapie est une pratique de soins qui se fonde sur l’utilisation thérapeu- tique du processus de création artistique ». En art-thérapie, ce n’est donc pas l’art qui soigne, mais bien la relation entre le thérapeute et le patient qui permet un accompagnement, durant une période déterminée. Lorsqu’il est difficile de mettre en forme sa pensée par des mots, l’art-thérapie va privilégier d’autres moyens d’expression pour autoriser la création, la recréation.

 

Qui peut être concerné ?

Enfants, adultes, personnes âgées, tout le monde peut être confronté au cours de sa vie à des difficultés personnelles ; en effet, il arrive que l’être humain, durant son existence, connaisse des périodes de doute, d’angoisse, de remise en question et un accompagnement peut s’avérer utile. L’art-thérapie propose un soutien à des personnes en souffrance psychique, physique, morale. Mais attention, si l’art-thérapie se situe bien dans le domaine du soin, sa pratique ne prétend pas traiter une pathologie et ne permet en aucun cas de poser un diagnostic ; c’est là notamment que les limites du métier apparaissent.

 

Quelles sont ces limites évoquées et quel est le rôle d’un art-thérapeute ?

L’art-thérapeute crée les conditions favorables au dépasse- ment des difficultés personnelles du patient. Il revient ensuite à ce dernier, accompagné par l’art-thérapeute, de transformer la matière. Son rôle est de proposer un espace neutre, ouvert, mais encadré, pour permettre au patient de se réapproprier la réalité à partir de l’imaginaire. Par ailleurs, alors qu’en psychanalyse la parole est analysée, en art- thérapie, les créations ne sont pas analysées par le thérapeute. Le patient est amené à faire une lecture douce de ce qu’il a produit et ainsi à prendre du recul sur ce qui l’a mené à les produire. Il devient sujet de sa création et s’autorise à (re)prendre confiance en lui, à faire des choix. Pas de confidence forcée ni de retour obligé dans le passé. L’art- thérapeute se doit d’être le garant de « cette part d’ombre qui nous constitue ». L’aspect thérapeutique prend là tout son sens.

 

Comment les conditions de cet espace que vous évo- quez permettent-elles une évolution ?

Je citerai M. ROYOL, Docteur en psychologie et psychopathologie clinique, directeur pédagogique de PROFAC, pour qui « l’angoisse de la page blanche est liée non pas au silence qu’elle est supposée incarner, mais, au contraire, au tintamarre qu’elle produit tant qu’elle n’est pas en quelque sorte réduite au silence sous l’effet d’un premier marquage. » C’est donc en occasionnant du silence que l’acte de création permet à la pensée de prendre forme. Se construire exige, à un moment donné, de faire « le vide », de détruire préalablement quelque chose dans l’inconscient. En cela, l’aspect relationnel ainsi que les techniques imaginées par l’art-thérapeute permettent à la démarche créative de devenir expression de soi.