Harry Méphon est un acteur singulier du monde sportif guadeloupéen.
Cet enseignant en Éducation Physique est un ancien athlète de haut niveau, préparateur sportif et coach. Il a aussi la particularité d’être docteur en sociologie. À ce titre, il produit une littérature importante sur l’impact du sport sur la société guadeloupéenne.
Rencontre avec un sage qui associe l’éloquence du verbe à l’exercice du muscle. 

 

Capture d’écran 2014-01-22 à 21.37.05Comment s’exprime la culture sportive guadeloupéenne ?

Harry Méphon : Elle s’exprime d’abord par une Histoire de l’excellence. La Guadeloupe a produit, à travers les ans, des sportifs “de haut niveau”, qui ont brillé sur le plan international dans un grand nombre de disciplines sportives. C’est le résultat d’un rapport au corps particulier, bâti sur des rapports d’affrontement et de recherches de défi. Roger Bambuck, l’ancien champion d’athlétisme et ancien ministre des sports, évoquait la “vaillance” du peuple guadeloupéen. Celui-ci aime l’esprit de compétition et les valeurs de la lutte.

On le voit aussi dans la ferveur qui accompagne les grands évènements sportifs, autant locaux qu’internationaux. La compétition est vue comme un mode de construction de l’individu. Je me bats, donc j’existe. Même l’éducation est fortement tournée vers cela.

 

Comment cette culture évolue-t-elle ?

Cette culture est vivace. Nos champions sont toujours plus nombreux et toujours plus forts. Les pratiques sont vivaces, les ligues restent actives et l’innovation est forte.

Mais des fléaux menacent. Sédentarité, excès de poids, malbouffe. La place du sport recule globalement dans le quotidien et mérite une plus forte structuration d’ensemble. Une société qui ne fait plus de sport est une société en déclin. Et cela se constate.

 

Quel rôle économique le sport peut-il jouer ?

Il faut partir d’un état des lieux précis. Le sport a déjà une place importante dans la société et dans l’activité économique. Il y a un existant. Des infrastructures,

certaines de qualité, à moderniser voire développer, des évènements majeurs – Tour de la Guadeloupe de cyclisme, Route du Rhum…, une communauté sportive dynamique et développée.

Certaines activités sont liées au tourisme, d’autres contribuent à l’aménagement du territoire, et beaucoup sont issues spontanément de la pratique du grand public, avec une forte prépondérance du tissu associatif. La Guadeloupe est aussi un réservoir de talents pour les ligues et grands clubs extérieurs, sans que ceux-ci aient à donner grand-chose en échange, notamment en termes de droits de transfert.

Le secteur sportif n’a pas été exploré de manière spécifique comme une réelle opportunité économique. Et c’est cela qui peut constituer une grande opportunité, aujourd’hui, pour la Guadeloupe. Aucune étude complexe n’existe afin d’analyser ce secteur en tant que tel et son impact sur l’économie. Nous avons besoin de chiffres pour pouvoir piloter. Aucun regroupement majeur n’existe, au sens économique, pour développer les activités et l’emploi du secteur. Nous en avons besoin pour prospérer.

Le monde économique ne doit pas être celui qu’on appelle en fin de processus, en tant que sponsor voire en qualité de mécène. Nous avons besoin de créer de vrais modèles économiques autour du sport. Et cela passe par une fusion entre les approches entrepreneuriales et celles du sport. Nous avons besoin de plus d’entrepreneurs dans le sport, du sport et pour le sport. Ces approches doivent être en mesure de séduire les investisseurs.

Cette reconquête de la pratique sportive par les entrepreneurs peut amener non seulement à pérenniser les pratiques, mais aussi créer des emplois, des activités nouvelles, du développement à l’export, de la cohésion sociale et du progrès pour toute la Guadeloupe.

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