Passeur d’émotions

L’exécuteur testamentaire de sa pensée profonde, nourricière, à distillation lente,son ami Victor Aniceta choisi de marteler nos espritsde quelques idées forces, par tableaux, céramiques ou œuvres plasticiennes interposés, en hommage à l’homme du Tout-Monde et à sa rhizomique influence sur nos pensées contemporaines. Comme autant de jalons mémoriels dont il s’emploie sans relâche, depuis plusieurs décennies, à rendre sensible l’influence sur nos esprits insulaires, nos lignes de faille ou de force en terres créoles révélées.
On a pris le pli médiatique de le dire, en résumant un peu hâtivement son œuvre de peintre et céramiste mémoriel : le souffle créateur de Victor Anicet se nourrit avec noblesse des influences fondatrices des arts amérindiens, et singulièrement de la céramique précolombienne. Il faudra pourtant,désormais,accorder à l’artiste des confins qu’il demeure aux yeux de ses pairs à travers le monde, la dimension plus ample de plasticien des mythes et légendes héritées de nos sombres histoires et de nos lumineux imaginaires. Dès lors qu’il s’emploie à jouer, avec une rude et émouvante sincérité, de toute la symbolique qui enveloppe la Caravelle.

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Sa dernière sculpture, monumentale, est entièrement consacrée à ce symbole de l’abordage conquérant sur nos rivages du “grand amiral de la flotte océane et vice-roi des terres du Nouveau monde”. Une Caravelle colombienne redessinée, épurée, détournée de son usage premier, pour mieux en restituer l’essence refondatrice.
Pour toutes celles et tous ceux qui la découvriront, le 22 mai, dans l’enceinte opportune des jardins de l’Habitation Saint-Étienne, le choc visuel le disputera à la réflexion intime, racinaire, sur ce syncrétisme des cultures, des influences et des références “Tout-Mondialistes” qui fonde la singularité, l’exception créole. Une trace mémorielle qui restaure en creux la richesse des mondes perdus, restitue l’ambivalence des sentiments née de nos rapports entremêlés avec ce “temps des colons” que nul déni n’efface vraiment.

 

La Caravelle de Victor Anicet révèle et restitue en majesté toute la symbolique des mélanges de traditions qui structure nos rapports au monde, nos repères cachés, nos joies et colères mêlées, depuis la profonde puissance bleue de l’Atlantique qui l’a portée jusqu’aux côtes amérindiennes du Nouveau monde. Une œuvre-racine qui innerve et prolonge dans l’intime la tige d’un avenir réconcilié avec nos origines plurielles. Une Caravelle siège des symbioses avec les scories d’un passé douloureux, délétère, et les éléments culturels, nutritifs, nécessaires au développement de notre identité singulière, au déploiement de nos bourgeons générationnels et de nos feuilles créatives enracinées ou nomades, au cœur d’un environnement caribéen qui nous définit en profondeur. Un environnement consubstantiellement créole et une esthétique vertueusement caribéenne, de longue mémoire ouverts aux vents du monde.

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