Victorin Lurel est président de Région. Il est aussi — cela se sait ou se dit moins — économiste de formation. Et c’est précisément sous ce prisme particulier que nous avons souhaité interroger le responsable de l’Exécutif régional, à l’aube bien entamée d’une année 2015 cruciale, à bien des égards, pour l’avenir de l’archipel. Une année “électorale” où les questions économiques pèseront d’un poids évident dans les grands enjeux de Politique générale qui, dans tous les sens du terme, “intéresseront” la société guadeloupéenne. Rencontre signifiante.

“Gouverner, c’est prévoir.” La formule bien connue, souvent ressassée jusqu’à l’usure, interpelle pourtant encore aujourd’hui tout responsable démocratiquement élu dans son action quotidienne, dans son engagement auprès de ses concitoyens pour tenter de leur assurer un avenir meilleur.

Quelle est la vision que porte vers notre avenir commun l’élu politique, mais aussi et peut-être surtout l’économiste engagé que vous êtes, à ce niveau particulier de responsabilité ?

Victorin Lurel : Je veux d’abord dire que ma formation d’économiste m’a beaucoup servi. J’ai la conviction, en effet, que l’économie est peut-être l’arme essentielle pour répondre aux besoins et aux aspirations des gens. L’économie, le développement, la croissance sont des thèmes fondateurs pour une action publique, quelle qu’elle soit. Évidemment, si un responsable politique se contente de cette approche-là, il sombre dans le travers de l’économisme, ce dont je me garde volontiers. Mais cette sensibilité économique vous offre des prismes, des angles d’analyse qui permettent d’éviter des erreurs d’appréciation et de jugement. Il est certain qu’une formation qui n’ignore pas les contraintes du réel est utile, voire nécessaire. Être socialiste, c’est vouloir transformer le réel. Et le réel, c’est l’économie, le développement, le social, les personnes. Il faut aussi garder un esprit d’ouverture, et comprendre comment fonctionne le réel. Vous ne pouvez donc, en tant qu’élu, ignorer votre culture, votre histoire, votre anthropologie, votre ethnologie, la psychosociologie dans laquelle vous inscrivez votre action. La culture qui est nôtre est singulière. Vous ne pouvez l’ignorer quand vous voulez développer votre pays. J’avoue que cela a ensemencé mes idées et nos programmes. Parce que nous sommes issus, par l’esclavage, d’un rapport ignominieux avec notre Histoire commune, nous vivons des rapports de force, de classes, réels, avec des séquelles coloniales et postcoloniales certaines. Il faut donc en tenir compte, et tenter de tout faire pour intégrer cette réalité dans notre approche de la chose publique avec la mesure qui s’impose et l’obligation de regarder vers l’avenir.

Comment y parvenir ?

J’ai voulu, après beaucoup d’autres, affirmer qu’on ne peut plus continuer à ignorer l’entreprise. C’est décrié depuis trop longtemps. Il faut sortir de cette logique délétère qui en fait un lieu d’expression des luttes de classes et d’affrontements idéologiques. Il faut réhabiliter la création, la créativité, l’innovation, l’entrepreneuriat, la dynamique économique. Tenter d’exalter l’individu, mais aussi exalter le groupe, la société. Tenter de faire en sorte que l’individu soit épanoui dans une société libre, où les conditions inspirent le développement dans toute sa dimension (humaine et économique). Pour autoriser la création, l’investissement, tout en assurant la confiance, nécessaire à une telle entreprise collective. Au final, favoriser ce mariage un peu subtil entre l’Homme et le Groupe, entre le partenaire social et l’investisseur qui doit trouver les conditions nécessaires à la réussite de son projet.

Mais comment engranger les fruits de ce subtil mariage dans une région insulaire, tropicale, un archipel “ultramarin” éloigné de son ancrage national ?

Nous vivons dans un département de la République française où les revenus sont faibles, où la capacité d’épargne est globalement contrainte. Il faut donc d’autres types de revenus. Pour ce faire, depuis 1946, avec une accélération dans les années 60, l’État a mis en place ce qu’on appelle les “revenus de transfert” — de transfert public notamment. Comment alors mettre au point les moteurs du développement économique ? J’ai voulu faire évoluer le mécanisme dit de “l’import-substitution”, mis en place à l’époque. Globalement, cela signifie qu’on développe ce que l’on importe. Cela participe de la théorie du “rattrapage”. Je la résumerai ainsi. On se donne un standard, métropolitain, la “ligne bleue” qu’il convient d’atteindre. Et on se dit : voilà la distance économique et sociale qui nous sépare du développement. Le modèle, c’est l’Hexagone. Il faut donc se donner l’objectif de poursuivre, au nom de l’égalité, une marche vers l’égalité, sur ce chemin du rattrapage. C’est critiquable… mais c’est la démarche actuelle. Pour conforter notre marche de développement sur un chemin adapté à nos réalités, il faut quelque théorie économique d’appui. Et je suis Keynésien* en soutenant qu’il faut le faire par l’investissement. Si on fait du rattrapage en équipements de structure, en équipements de couverture, il faut de l’investissement. Public et privé.

Cette dynamique d’investissement réclamerait donc l’engagement partenarial de tous les acteurs du développement local ?

À son niveau d’engagement, la Région Guadeloupe y contribue. J’ai accéléré ce mouvement depuis 2004. Avec un travers, hélas, qui est l’un des traits de notre culture. À force de faire, d’agir par le public, par les transferts publics, par les collectivités, par l’État au sens global et générique du terme, on a absorbé la société civile. Dans la société guadeloupéenne, il y a cohabitation entre deux entités : une société civile et une société étatique, dont la première vit trop en symbiose, trop absorbée, trop dissoute dans la seconde. Lorsque l’État, au sens large, n’a pas fait assez de commandes publiques, n’a pas suffisamment investi, la société civile se cabre, se rebelle : c’est la Fédération du BTP qui descend dans la rue, ce sont les médias qui s’interrogent sur la capacité des élus à bien faire leur travail… La société civile n’a pas assez d’autonomie vis-à-vis de sa classe politique pour prendre le relais. De ce point de vue, le capitalisme martiniquais est plus autonome de l’État et des collectivités que le nôtre… Aujourd’hui, on a l’impression que le système fonctionne parce que le niveau d’investissement est important. La Région Guadeloupe va investir un milliard d’euros, sur les 20 ans qui viennent, pour installer un système de transport collectif. Elle consacre plus de 200 millions à la reconstruction d’un seul lycée (Baimbridge), 80 millions au Memorial ACTe, 85 millions au contournement routier de Sainte-Rose, 45 millions à la voie littorale de Pintade, à Basse-Terre, 30 millions à un hippodrome… Et je pourrais multiplier les exemples.

Le niveau des investissements publics n’a pas faibli, mais la morosité sociale perdure. La crise économique actuelle ne vient-elle pas perturber l’équation ?

Quand la crise s’installe, il s’agit de stimuler la relance par l’investissement, au risque de faire face à des problèmes budgétaires. Il faut donc agir avec prudence, car la marge de manoeuvre est étroite. Tant qu’on a une capacité d’endettement, il faut l’utiliser… sans pour autant surcharger les générations futures. Au sein de cette collectivité régionale en tout cas, ma démarche consiste à dire : ne nous soumettons pas au seul jeu des cycles économiques, au seul jeu du marché, à la seule loi de l’offre et de la demande. Par notre volonté politique — et par un Keynésianisme économique bien pensé — faisons en sorte, par l’endettement, de nous engager dans une politique “contra-cyclique” nous évitant de sombrer dans la crise. C’est que nous avons mis en pratique. Contracter, comme nous l’avons fait, un emprunt de 100 millions d’euros — avec la possibilité d’aller à 150 millions si le besoin s’exprimait — c’est s’opposer à une descente économique préjudiciable. Pour notre collectivité, le bon seuil pour tenir l’activité, c’est 150 millions d’euros d’investissement. On vient donc, cette année, avec cet emprunt, de passer à 250 millions. Sans compter, bien entendu, tous les arriérés, les reste-à-payer accumulés sur les années antérieures. Imaginez si le Conseil général — avec son seuil d’endettement plus que raisonnable — faisait la même chose ! Si les communautés d’agglomération s’inscrivaient dans la même démarche… Si les communes s’en inspiraient… Si la Caisse d’Allocations familiales et la Sécurité sociale s’y mettaient… Si des opérateurs comme la Semag ou la Semsamar le faisaient… Si les banques, profitant de la liquidité abondante et avec des taux d’intérêt avantageux, se montraient moins frileuses et soutenaient les projets portés par les entrepreneurs privés, imaginez ce qu’aurait été le champ du possible ! J’étais récemment avec des banquiers de l’AFD, puis de la BPI, qui m’affirmaient pourtant que l’offre de prêt est abondante, mais que c’est la demande qui est insuffisante. C’est à croire que nos entrepreneurs manquent de volontarisme et d’optimisme.

Le retour à la confiance serait donc l’un des rouages vertueux de cette démarche collective ?

Ce “capital confiance” est, en effet, terriblement important, car il peut ou non s’avérer déclencheur d’activité. Je l’illustrerai de la manière suivante. On a connu une grande crise sociale en 2009. Nous en sommes sortis dans les conditions que l’on sait… À l’époque, le gouvernement de François Fillon nous a proposé — c’était même l’un des éléments de la solution “sarkozienne” — de faire un référendum sur les institutions, croyant que l’origine de cette crise venait, au moins en partie, de leur nature même. Il s’agissait alors de créer une collectivité unique. À l’époque, le débat faisait rage : faut-il ou non sortir de l’article 73 ­— donc de la départementalisation de droit commun ? Faut-il faire le saut en passant au régime de l’article 74 — donc l’autonomie, comme on la vit en Polynésie, par exemple — ? La Guyane et la Martinique ont accepté. J’ai beaucoup échangé à l’époque sur ce sujet avec les présidents de ces deux Régions (Serge Letchimy en Martinique, Rodolphe Alexandre alors, en Guyane), leur précisant que j’allais refuser. Car bien qu’élu politique, j’avais un raisonnement économique. Mon motif exprimé de refus était le suivant : nous sortions d’une crise sociale mais aussi économique, où des investisseurs projetaient de partir, où des milliers d’entreprises envisageaient le dépôt de bilan, tandis que le chômage menaçait d’exploser. Vous allez y ajouter, leur ai-je dit,  les effets de ce qui sera nécessairement une crise politique. Car un référendum, ou pour mieux dire “une consultation préalable pour recueillir le consentement des populations”, nous ferait repartir dans un cycle de discussions intenses, et de nouvelles tensions, après la grande confrontation sociale que nous venons de vivre. Après les luttes de classes développées, la méfiance instillée… Résultat : le PIB de la Martinique, pour ne citer qu’elle, a reculé de 6,5%. Du jamais vu… même en temps de guerre — an tan Sorin, ou an tan Robert, dirions-nous ici ! En Guadeloupe, nous avons connu, bien entendu, les séquelles de cette crise économique et sociale. Notre PIB a reculé de 4,6%. Et c’est déjà considérable ! Imaginez un PIB européen ou français qui connaîtrait un recul d’une telle ampleur ! Imaginez un chômage qui exploserait, dans l’Hexagone, au niveau de ce qu’on a connu ici après 2009 ! Regardez la virulence des débats critiques en ce moment, autour d’une relance de 0,4 % lancée par le gouvernement actuel ! Nos économies ultramarines ont terriblement souffert. Tout cela parce qu’il a aussi manqué un lubrifiant nécessaire : la confiance.

Comment gérer l’existant, après les dégâts endurés, dans un contexte budgétaire contraint et eu égard à notre dépendance économique relative ?

Je ne veux pas chercher de responsables à la situation économique difficile qu’a, entre autres facteurs, engendré la crise de 2009. Les constats ont été faits. Il fallait gérer. D’abord en refusant cette “belle offre” de M. Sarkozy. Le contraire aurait été une faute gravissime. On aura toujours le temps de faire évoluer nos institutions.  L’économie réclame de la prudence… même s’il y faut aussi de l’audace. Nous avons donc mis en place, dès 2009,  une politique, justement, d’emprunts. Nos seules capacités s’avérant insuffisantes, nous avons fait un emprunt de 75 millions d’euros pour répondre aux attentes économiques et sociales. Il s’agissait de tout faire pour que l’économie reparte, que la confiance soit restaurée. Par l’investissement, mais aussi par la consommation. On a baissé les impôts sur les produits de grande nécessité — même si, dans l’affaire, certains intermédiaires et importateurs ont “fait leur beurre”… On a baissé sur le prix de l’eau. J’entends ici aujourd’hui dire, dans un populisme avéré, qu’il faudrait faire de l’impôt zéro partout, y compris sur l’eau ! Cela part d’un bon principe, peut-être, mais c’est une lâcheté politique que d’affirmer cela. Croyant flatter l’électorat, on supprimerait des recettes importantes, nécessaires à la relance ? C’est là qu’il faut faire preuve de courage politique. L’impôt républicain est nécessaire. Mais il ne doit pas être confiscatoire, ni assimilable à du matraquage. Il faut un impôt juste, raisonnable, qui permette, chacun à sa mesure, de contribuer à l’effort commun. C’est un devoir civique, je dirais même patriotique, que de le payer. Ici, à la Région Guadeloupe, depuis bientôt 11 ans — et, pour ce qui me concerne, 9 ans en tant que président — on n’a augmenté l’impôt qu’une fois — on l’a même appelé l’impôt Chevry ! —, pour corriger l’énorme déficit qu’elle nous avait laissé. Sitôt le déficit comblé, on a baissé l’impôt en deçà des seuils que nous avions trouvés. La confiance, cela se mérite, cela se conquiert, par une politique économique stable. Par un environnement juridique, politique et institutionnel stable. Par une politique économique, un régime permanent d’emprunts qui préserve la capacité de remboursement, qui ne surendette pas, qui n’obère pas les générations futures…

Cette “éthique de responsabilité” que vous portez n’est-elle pas soumise à une nouvelle épreuve, au moment où la Région Guadeloupe devient autorité de gestion des fonds européens — une responsabilité nouvelle de nature à susciter quelque défiance, quand on interroge sa capacité à l’assumer ?

Depuis que j’ai décidé de “rentrer dans l’arène politique”, comme on dit désormais pour montrer la férocité des idées, et du combat politique qu’elles sous-tendent, j’ai toujours tenté de concilier la double éthique — chère au sociologue Max Weber : l’éthique de responsabilité, et l’éthique de conviction. J’ai des convictions fortes, je viens de les exprimer. L’éthique de responsabilité, c’est d’avoir demandé la gestion des fonds européens. En subvention globale, ce qui supposait, de fait, une sorte de cogestion avec l’État. Et assumé la pleine responsabilité de gérer 900 millions d’euros au sein de quatre fonds structurels : FEDER, FSE, FEADER, FEAMP. 900 millions, ce n’est pas rien ! On s’est organisé. D’abord en recevant de l’État un certain nombre de fonctionnaires qui connaissent le sujet. Ensuite, en regroupant ces fonctionnaires avec les nôtres. Enfin, en recrutant de nouveau. La Région continuera de faire l’effort, pour être toujours prête à répondre aux besoins. Au-delà de celles et ceux qui instruisent et paient avec les services de l’État, il faut se prémunir. Nous mettons donc également en place, en interne, un système de contrôle rigoureux, pour assurer une capacité d’inspection, de diagnostic et d’audit garantissant que nous respectons scrupuleusement les prescriptions et l’utilisation “honnête et rationnelle” des fonds publics européens, nationaux et guadeloupéens. Nous serons jugés sur nos résultats. Je n’ai pas à m’en plaindre ! Nous sommes pleinement responsables pour la gestion de ces fonds, mais nous n’avons pas écarté l’État. Je veux que le Préfet agisse à nos côtés, j’approuve que le Conseil général apporte sa contribution. Pour qu’en synergie, en vérité, en transparence et en conscience, nous réussissions ensemble. Je n’ignore pas les frayeurs, que l’on trouve dans le débat institutionnel, laissant entendre, par exemple, que l’on pourrait conditionner l’attribution de subventions au fait d’appartenir à “notre bord” ! Nous sommes dans un État de droit. Si on refuse un dossier, et que la personne concernée estime qu’il s’agit d’une inégalité de traitement — pire, une discrimination ! — elle peut saisir les tribunaux, l’État, ou le médiateur. Je n’ai jamais pratiqué cette politique qui consiste à “servir” les Guadeloupéens en fonction de leurs couleurs politiques, de leur appartenance ou de leur obédience politique. Et si je devais réclamer une reconnaissance, à l’heure de ma retraite politique, ce serait celle d’avoir toujours tenté de servir mon pays, de l’avoir fait correctement, honnêtement, de manière équidistante, équitable, et de manière égale pour tous…

La Journée Outre-Mer Développement (JOMD) sera l’un des temps forts qu’une proche actualité économique va mettre en lumière dans l’Hexagone. Quels messages le responsable politique que vous êtes peut-il lancer à notre jeunesse locale, mais aussi aux “forces vives” de cette diaspora ultramarine qui aspire à entrer dans la vie professionnelle avec les meilleures chances de réussite ? Et, ajoutons-le, avec une réelle fierté de ses origines ?

Le rôle du politique est multiple. Ce n’est pas simplement de comprendre le réel et de rassurer. Sinon il succombe à cette tentation qu’affirmait le duc d’Orange : “je maintiendrai” ! Le maintien ne suffit pas. La conservation sécrète parfois la réaction. Le politique, c’est aussi l’audace. Lorsqu’un politique s’adresse à des jeunes, il ne doit pas manquer de leur dire : votre réel est peut-être difficile. Vos fins de mois sont sans doute périlleuses. Mais vous avez un environnement propice : même si votre quotidien est ardu, regardez bien autour de vous, scrutez bien votre environnement. Parce que votre regard est peut-être un peu biaisé. Parce que vos lunettes du moment vous empêchent de voir la bienveillance qui vous entoure. Il s’agit d’instiller la confiance. Et de leur dire qu’on peut réussir si on le veut vraiment. Un jeune peut avoir échoué à l’école. À la Région, on a mis en place un dispositif pour lui permettre de se raccrocher, de se rattraper : les écoles “de la deuxième chance”. On a mis au point une “université des métiers”, où l’on fait cohabiter des apprentis et des étudiants, pour affirmer : il n’y a pas de distinction intellectuelle qui vaille ! Apprentis ou étudiants, intellectuels ou manuels, c’est le même matériau humain ! Vous pouvez cohabiter en vous respectant. Vous voulez une formation ? En mobilité, vous pourrez aller à l’étranger, par exemple. Vous souhaitez vous orienter dans l’humanitaire ? Avec France Volontaires, vous le pouvez ! La Région y adhère. Vous voulez apprendre des langues ? Dès la maternelle, on vous donne cette chance-là. À condition que vous vous munissiez d’un seul atout : la volonté ! Comme disait Albert Camus : “il faut lâcher l’Homme”… tout en l’encadrant, tout en lui tendant les filets qui conviennent. Il ne s’agit ni de le materner, ni de l’assister à outrance. Mais de lui dire : prenez des risques, calculez-les mais allez-y. Osez ! À la Région, on s’inscrit dans cette logique d’audace, cette démarche de fierté. Nous portons cette fierté-là. La fierté est un terreau, un ferment formidable. Qu’il ne faut pas assimiler à un quelconque chauvinisme, à une sorte de nationalisme étriquée. Partout dans le monde, des pays se sont développés à l’aune de leur fierté, et de la confiance en leur pays, leur peuple, leur culture. Aujourd’hui, dans tous les pays concernés, on achète d’abord allemand, d’abord japonais, d’abord américain… Commençons ici par dire : mangeons d’abord guadeloupéen. Sachons transformer. On a aujourd’hui des moyens de le faire. J’ai initié une loi, quand j’étais ministre des Outremers, pour donner la priorité aux entreprises locales — et notamment dans la restauration collective. Pour donner la priorité à l’agriculture locale, aux agro-industriels, aux agro-transformateurs locaux. Ils sont dans le “circuit court”, émettent peu de gaz à effet de serre du fait de leur proximité. Un donneur d’ordre qui fait un marché public, un appel d’offres, peut mettre en avant ce critère-là, en lui donnant une pondération, pour prioriser la production locale. Ce n’est pas du protectionnisme, même si cela y ressemble… On respecte les législations européenne, française, tout en donnant la priorité à nos productions locales. Il nous faut croire en l’innovation, créer des produits nouveaux à partir de nos ressources premières. On n’a ni pétrole — on n’en a pas trouvé jusqu’ici, du moins — ni manganèse, mais on a notre génie propre, on a des jeunes de talent. Il faut investir dans le savoir, investir dans la connaissance, faire le pari de l’intelligence. C’est pourquoi je me bats pour notre Université, je me bats pour l’école, pour les lycées… Pour le Très Haut Débit également. Une société qui veut aujourd’hui être compétitive, doit se montrer attractive. Elle doit pour cela être armée de fibre optique, armée de numérique de dernière génération. Il faut se battre pour atteindre ces objectifs, dussent-ils paraître parfois techniques. Il faut aspirer à bâtir une société confiante et fière d’elle-même. C’est à ce prix qu’elle sera efficace et harmonieuse. On atteint là le but ultime de la politique : la poursuite du bonheur. Et ce n’est pas faire preuve d’angélisme que d’aspirer à permettre aux gens d’être heureux, de dessiner et choisir librement leur parcours de vie. Leurs orientations philosophique, sexuelle ou professionnelle. C’est cela notre grand défi. C’est en tout cas celui que je conduis au sein de la Région Guadeloupe… Pour que la conscience avance, que les idées se bousculent, pour que les écoles rivalisent, il faut des “polémiques utiles”.

Note de bas de page :

* Keynésien : adepte des théories de John Maynard Keynes (1883-1946), célèbre économiste britannique dont les ouvrages pluridisciplinaires ont fortement influencé la pensée économique moderne.

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