Willem Germany fait fabriquer dans lePays Basque des espadrilles dessinées à la Martinique et à Paris en y apportant une touche caraïbéenne.

Quand on arrive sur le lieu du rendez-vous, à la Maison de la Martinique, Willem Germany est accroupi aux pieds d’un client pour lui faire essayer des espadrilles dont il précise que « ce ne sont pas des chaussures ». Il porte lui aussi des espadrilles joyeusement bigarrées. Dehors, la chaleur
parisienne est caniculaire, Willem Germany propose à ses clients des « sino bol » pour les rafraichir. Un premier pop up shop éphémère, et couronné de succès. En effet, plus d’une centaine de clients italiens, russes, asiatiques, français et ultramarins ont pu trouver « chaussure » à leur pied. À 35 ans, l’entrepreneur d’origine martiniquaise, arrivé à Paris à l’âge de 4 ans, a déjà vécu plusieurs vies. « J’ai toujours voulu travailler dans la petite enfance mais après un stage effectué dans une crèche j’ai vite compris que je n’étais pas fait pour ça, j’ai alors entamé un cycle universitaire en Image et Communication à Paris III. » Il est dit que le fruit ne tombe jamais loin de l’arbre. Celui qui se voyait faire carrière dans les métiers de la petite enfance est rattrapé par l’atavisme familial. Willem Germany interrompt ses études universitaires et devient pendant dix ans intermittent du spectacle. « Je suis le petit-fils d’un chef de chœur et j’ai toujours chanté. J’ai accompagné en tant que choriste des artistes allant de Julie Zenatti à Warren. »

Le jeune homme est volontaire. Une de ses devises n’est-elle pas « avec ou sans vous, on peut faire ». C’est ainsi qu’il fonde Excuse My Kreyol, une agence de communication alternative qui organise entre autres manifestations les Sunday Caribbean Gospel Brunch. C’est aussi en tant que dirigeant de sa start-up que Willem Germany est choisi pour être un des nouveaux visages de la campagne du Comité Martiniquais du Tourisme, « bâtisseur de paradis 2015 ».

Le destin des hommes peut tenir à peu de chose. A une paire d’espadrilles. Willem est à la Martinique et traîne ses savates, de vieilles espadrilles, jusqu’à l’usure. Il cherche dans les boutiques de nouvelles espadrilles qu’il ne trouve pas. Acculé, il décide de s’en faire fabriquer directement dans un atelier au Pays Basque. « J’ai choisi les tissus que j’aimais, les gens dans la rue m’interpellaient, ils voulaient savoir où j’avais acheté mes espadrilles. J’ai été surpris par leur enthousiasme, ce n’était pour moi que des espadrilles que je trouvais finalement très banales. »

Les espadrilles de Willem suscitent l’enthousiasme jusqu’à New York lors de la Caribbean Week à laquelle son agence participe. Le public afro-américain, la responsable du Département Economie de la mairie de New York et un journaliste du Vanity Fair les plébiscitent. Dès lors Willem Germany décide de s’entourer de professionnels compétents (styliste, analyste financier…) pour créer la marque TINAS.

Ses premiers clients sont les hôtels. Le développement de la marque repose sur un marketing original. « Nous ne faisons pas de vente directe ni de vente sur internet, nous n’avons aucun stock. Nos espadrilles sont présentes dans les hôtels de la Martinique, de Saint-Martin, à Sainte-Lucie, Antigua mais aussi dans des villes comme Londres et Berlin et nous prévoyons d’expédier des espadrilles à Dubaï et Tokyo. Nous espérons nous implanter dans les hôtels de la Guadeloupe et de la Guyane. Nous sommes actuellement en négociation afin d’être présents dans les aéroports. »

Ne nous y trompons pas. Si le jeune entrepreneur ne souhaite pas faire de la réussite son seul moteur, il n’est pas pour autant un doux rêveur. « Je peux témoigner qu’en Martinique, qu’en Guadeloupe et en Guyane, il est possible d’entreprendre, de créer des choses qui peuvent avoir une dimension internationale. »