À 29 ans, Olivia Breleur, d’origine martiniquaise, est à la tête d’une galerie d’art contemporain à Paris.

Rencontrer Olivia Breleur, c’est se confronter à la question de l’identité. Olivia ou Maëlle. Maëlle et Olivia. Une étrange gémellité en un seul corps. « Je m’appelle Olivia, Maëlle est en réalité mon deuxième prénom. Ce deuxième prénom est un prénom de rupture. Il me permet de dissocier celui de l’artiste de celui de la galeriste que je suis aujourd’hui. Maëlle à tendance aujourd’hui à remplacer Olivia. » Cette énigme étant résolue que déjà une autre pointe. Celle liée à ses activités. Forcément doubles. Avant de créer sa galerie en 2012, Maëlle qui se faisait encore appeler Olivia était plasticienne. « J’ai fait les beaux-arts pendant cinq ans en Martinique, j’ai développé un travail que j’ai eu la possibilité de montrer dans des lieux moteurs comme la Fondation Clément, l’Atrium ou Fonds Saint-Jacques. J’ai fait à la suite de cela un MBA management du marché de l’art à Paris. »
Dans son travail d’artiste, dans son passé récent, la jeune femme explore ce qu’elle appelle notre « finitude ». La mort inévitable, angoissante ou fantasmée, qui dit finalement notre condition humaine. « Avec pour médium la sculpture, j’interrogeais la capacité des avancées scientifiques à nourrir notre désir d’immortalité, notamment par les nouveaux traitements autour des cellules souches. »

Artiste un jour, artiste toujours. Olivia affirme qu’elle n’a pas enterré sa démarche artistique. Sa volonté de créer est là, vivace, tout juste l’a-t-elle mise en sommeil. La jeune femme ne cesse pas d’être ce qu’elle est. En elle, cohabitent pacifiquement l’artiste et la galeriste. « Je n’ai pas arrêté de produire, je suis dans une forme de parenthèse, dans un temps de pause nécessaire. Je me suis rendu compte à l’issue de mes cinq années passées au Campus Caraïbéen des Arts que l’on souffrait d’un manque de structures, d’un manque d’accompagnement et d’un manque de professionnels, et que nous n’étions finalement attendus nulle part en tant qu’artistes martiniquais par rapport au reste du monde. Il fallait que certaines personnes se retroussent les manches et qu’elles décident de promouvoir nos artistes. Je continue d’écrire, de dessiner des projets. »

Olivia est du sérail. S’il est dit que les garçons naissent dans les choux et les petites filles dans les roses, la jeune femme est née dans l’art. On serait même tenté de dire qu’elle est née artiste dans une forme de filiation avec son père Ernest Breleur, artiste contemporain. « Il y a quelque chose de l’ordre de la destinée, de l’ordre de l’inévitable quand on grandit aux côtés d’un artiste aussi important. J’ai eu très tôt, dès l’enfance, accès à des matériaux qui ont construit mon imaginaire et ma volonté d’être dans le milieu de l’art. »

Avec ses 14 artistes, la Maëlle Galerie située à Belleville est ouverte sur le monde. « C’est un quartier dédié à l’art contemporain, l’art n’y est pas forcément ostentatoire. Belleville est un laboratoire de l’art d’aujourd’hui, c’est ce qui me plaît. On va à l’essentiel, je fais le travail pour lequel je suis passionnée sans aucune fioriture. » La Maëlle Galerie éclate les frontières et « décolonise les imaginaires ». Des artistes de tous les ailleurs : l’Europe (France, Espagne, Pologne), l’Océanie avec l’Australie mais aussi la Caraïbe et les Amériques à travers la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, Haïti et le Brésil. « Un choix d’artiste pour un galeriste, transcende l’idée du coup de cœur et de la fascination. Tout mon propos est de dessiner une ligne artistique qui, dans ses instants de fragilité, de force, mais dans une certaine justesse, soit le reflet de ce que je considère comme une proposition, une vision. Je fais converser au sein d’un même espace des artistes ayant des problématiques communes mais dont les solutions plastiques peuvent se répondre ou se réfuter. Le lieu, la culture, ou l’origine ne sont jamais le prétexte ou le point de départ de mes expositions. »