Les convulsions du climat de l’archipel ont contribué à façonner l’identité guadeloupéenne. Ouragans, sécheresses, inondations, coups de mer… Ces violences des éléments qui ont émaillé l’histoire de l’île papillon, le superbe ouvrage « Eclats de Temps » ne se contente pas de les recenser. Il les explique et les met en perspective, tant il est vrai que notre patrimoine et notre imaginaire collectif en sont emprunts. à l’occasion de sa parution, KaruMag a rencontré ses auteurs et son co-éditeur, Jean-Claude Huc, Max Etna et Thierry Petit le Brun, dans les locaux de PLB Editions, à Saint-Félix. 

Propos recueillis par Julie Clerc

Le climat guadeloupéen, une passion ?

J.C. Huc : Enfant, ma fascination pour les phénomènes cycloniques et climatiques extrêmes, présageait, déjà, d’un engagement. En plus de cinquante années, j’ai accumulé livres, témoignages, archives et 7000 pages d’observations quotidiennes du temps à Basse Terre! Nous avons en commun, avec Max Etna, cette passion pour le climat guadeloupéen, et le souci de partager nos connaissances.

Comment ce livre s’adresse-t-il à ses lecteurs ?

J.C. Huc : En décrivant les phénomènes climatiques extrêmes, il met les Guadeloupéens en relation avec leur environnent singulier et unique. Il va au cœur des choses, interrogeant tous les domaines, la musique, la littérature, l’histoire et l’occupation du territoire. C’est aussi un hommage à Alain Gillo-Pétré, qui partageait cette fascination pour la folie des ouragans.

M. Etna : La 1e partie du livre, dédiée à la nature – étude du milieu, du climat et des phénomènes – pose le cadre. La seconde aborde la nature en crise évoquant, à tra-
vers témoignages et récits historiques, les événements extrêmes qui ont eu lieu depuis 1956 : mouvements de terrain, sécheresses, fortes houles, inondations. Nous avons même déterminé les trajets et l’intensité de certains cyclones, qui n’avaient pu être analysés à l’époque. La dernière partie étudie de manière pluridisciplinaire la perception que les Guadeloupéens ont de ces phénomènes monstrueux res-ponsables des milliers de morts. Des événements qui ont fasciné les hommes, les ont terrorisés aussi, les poussant à les prévenir et à s’en protéger grâce à la science et aux politiques publiques.

Un beau livre de 458 pages, c’est un défi pour un éditeur.

Thierry Petit Le Brun : Eclats de temps aborde un sujet d’importance en accord avec les thèmes de notre maison d’édition : jeunesse, nature et patrimoine. Nous nous sommes imprégnés de 1000 documents – textes, photos, rapports – pour créer ce vaste ouvrage et son annexe de 160 pages téléchargeable gratuitement, soit plus de 600 pages à maquetter.

Trois ans de travail et 2000 mails échangés avec les contributeurs furent nécessaires. Travailler avec des auteurs locaux nous a permis de façonner ensemble un ouvrage non pas universitaire, mais destiné au grand public.

Comment collecter une telle richesse documentaire et analytique?

J.C. Huc : Nous avons fait appel à des musées, à la NASA, à Météo France et à des archives familiales. De nombreux Guadeloupéens nous ont spontanément apporté leurs photographies. Une vingtaine de brillants spécialistes ont renforcé notre démarche, dont Roland Mazurie, chef du centre Météo-France de Guadeloupe, qui, comme nous, a vécu les ouragans de ces dernières décennies, en particulier Hugo. Cet éventail éclectique de contributeurs – un vulcanologue, des historiens, un économiste, un urbaniste, une archiviste, un hydrologue, deux créolophones, un professeur d’université en littérature – a misé sur la pluridisciplinarité, ce qui a joué à fond. Cet ouvrage ne verse donc pas dans la spécialisation.

Eclats de temps : une œuvre patrimoniale ?

M. Etna : C’est sa vocation. Elle embrasse une longue durée et un milieu géographique singulier selon quatre paramètres : le caractère tropical, l’insularité, l’organisation des reliefs et, enfin, les îliens, qui ont eu à se familiariser avec les événements paroxysmiques émaillant l’histoire de leur archipel. En tentant de mettre en exergue ce que cette thématique peut apporter à l’identité du territoire guadeloupéen, nous voulons, timidement, contribuer au patrimoine de notre pays.