Accrochez-vous au siège. Elle a trente ans et une voix qui vous happe sans possibilité de retour. Quel que soit le thème, bossa, soul, reggae, jazz ou pop, souvent accompagnée d’une flûte amérindienne aux propriétés addictives évidentes, sa voix émeut, emporte, étire des notes pures et nettes. Noëmie rayonne.

Par Julie Clerc

C’est en 6e, au collège Saint-Joseph de Cluny, à Baie Mahault, que l’aventure commence, ou plutôt s’officialise, puisqu’enfant Noémie fredonne, siffle et improvise sans fin. C’est sa professeure de chant, la cantatrice Pierra Zamia, qui la repère. Noémie fait ses gammes sur du chant lyrique, double La Callas, intègre les techniques. A 11 ans, elle est applaudie après L’enfant et l’oiseau, qu’elle interprète pour les vœux du maire de Sainte-Rose, accompagnée au piano par Jean-Michel Lesdel. C’est sa première scène. La suite pourrait être tirée d’un conte.

Ado, Noémie exerce sa voix sur celles de Withney Houston, Anastacia, Tracy Chapman (son idole) et Bob Marley. Et puis l’envie d’anglais la prend, « c’est plus évident pour moi de chanter et de composer dans la langue de Shakespeare », reconnaît-elle. Noémie a 19 ans, elle se donne un an pour être bilingue niveau TOFFLE dans un lycée de la Barbade. Elle doit à cette expérience un autre précédent : son premier studio.

De retour en Guadeloupe, la jeune femme peaufine sa formation sur les bancs de l’école de musique baie-mahaultienne La Clé des Arts, enregistre quatre titres dans le cadre du projet Couleur Karaib aux côtés de Loïc Loyson (compositeur), Philippe Sadikalay (saxophone) et Philippe d’Huy (guitare). Et à 21 ans, coup de théâtre : la région Guadeloupe lui offre d’intégrer l’Ecole de Formation aux Métiers de la Musique, à Tourcoing. « Un vrai moteur qui m’a poussée dans mes retranchements », témoigne-t-elle.

Et puis c’est l’escalade. Noémie cumule tous les mandats, l’apprentissage et la scène. Elle décroche en trois ans un diplôme d’Etat validant sa formation théorique et pratique en musique actuelle, suit les cours du Conservatoire en classe jazz et assure lead ou chœurs dans quatre groupes différents. Noémie se produit en Belgique, en région
lilloise, en Allemagne, et apprend la guitare « pour connaître le langage des musiciens ».Tout lui sourit, mais le destin a ses mystères.

A 26 ans, elle est admise au renommé Studio des Variétés, à Paris, qui doit faire d’elle une professeure de chant. Noëmie touche au but, mais le sol se dérobe sous ses pieds : refus de financement. L’échec est cuisant, indigeste. L’urgence est une prise de recul, et un retour aux sources, une reconnexion avec la nature guadeloupéenne. Cap sur la Guadeloupe donc, où elle crée, en famille, l’entreprise familiale d’entretien de piscine Au fil de l’eau. 2014, fin du chapitre musical. A moins que…

« En fait, je me suis éclatée ! », reconnaît la chanteuse. Elle monte un duo acoustique avec son compagnon, le slameur Gun Dhi, enchaîne les jams aux quatre coins de l’île papillon, donne dans le Blues Creole au sein du groupe
Harmony Pipol et pour la première fois chante en français, en duo avec le pianiste de jazz Jean-Michel Debout.

Depuis, sa flûte amérindienne à portée de demain, Noëmie compose, jubile, se remet en question et enchante le public du Cosy (Saint-François), de la Creole Beach (Gosier) et du Misty (Petit Bourg). Certains n’ont rien raté de cette ascension, comme les réalisateurs de l’émission Music Explorer (France O) qui l’ont filmée en mai à la Hutte Enchantée. La discrétion de Noëmie est telle qu’on a du mal à l’imaginer se livrant à un tel exercice. Mais peut-être est-ce cela le secret : le talent, souvent, est directement proportionnel à l’humilité.

Facebook : Noë Mie et Gun Dhi