Après la publication d’un EP qui l’a révélé au grand public, Freepon, auteur, compositeur et interprète guadeloupéen de 36 ans, s’apprête à sortir Prèmyé fwa un album où il raconte toutes les premières fois qui ont marqué sa vie. 

Par Willy Gassion 

A l’ombre de la Tour Eiffel et de la Tour Montparnasse, son appartement est perché au 10e étage. C’est son « laboratoire », le lieu où Freepon expérimente et crée. Sur les vitres des fenêtres, l’artiste griffonne des mots, des paroles de chansons à l’état d’embryon. Des bouts de tissus colorés gisent ça et là. Une machine à coudre côtoie un micro, un ordinateur et une guitare. Freepon est un artiste pluridisciplinaire. Il écrit, compose, chante, confectionne vêtements et bijoux en wax. Il rêve aussi. « J’ai commencé adolescent par le hip hop et j’avais envie de détonner. Le caractère très belliqueux et revendicatif des noms d’artistes me plaisait bien, mais je voulais me démarquer des autres. Je suis allé à contre-courant, je suis un rêveur pas un killer. Mon nom de scène me donne la liberté d’être moi-même.»

Sa repartie est celle d’un slameur. Il assène les mots comme un boxeur le ferait avec ses poings. Des messages percutants jamais martiaux enrobés de poésie. Des arguties plus que des mots. Discuter avec Freepon c’est prendre part malgré soi à un cours magistral de philosophie. On n’en sort pas tout à fait indemne. « La musique est un espace d’expression. On peut courir sur ce terrain-là en disant ce que l’on veut. La musique c’est être soi-même, la musique c’est donc un lieu d’expression de soi. Le fait d’être ensemble devient l’espace artistique à explorer.»

Le temps est cruel, il emporte les certitudes de l’adolescence. Avec elles, ses joies et son insouciance s’en vont aussi. Que reste-t-il de l’enfant qu’a été Freepon ? Les choix d’hier ne sont plus ceux du jour ou du lendemain. Les premières amours musicales se consument. « Je suis passé du rap au chant parce que à l’intérieur de moi quelqu’un a grandi. J’ai eu une guitare entre les mains, je me suis achar-né, j’avais l’impression que la musique me rejetait parce que je n’arrivais pas à apprivoiser l’instrument. Je ne quittais plus ma guitare, mes potes disaient : Freepon c’est le mec qui marche avec sa guitare. J’avais du temps à vivre pour apprendre les trucs que j’aime.»

C’est du cœur que ma musique jaillit 

« Nu Soul Créole », un EP de cinq titres sort en janvier 2014. « Je fais de la new soul à Paris, géographiquement ancrée dans un espace créole. C’est du cœur que ma musique jaillit, pas de mon cœur, mais du cœur de la créolophonie. » Sa guitare chevillée au corps, Freepon fait des premières parties d’artistes parmi lesquels Irma, Tanya Saint Val, Jean-Michel Rotin, Soft, Fal Frett, Leïla Chicot, Admiral T ou Akiyo. Il se produit également en tête d’affiche à la Chapelle des Lombards, au Zèbre de Belleville et à la Scène Bastille. Sans crier gare, Freepon empoigne sa guitare et se met à chanter. Voilà son « laboratoire » transformé en scène de concert intimiste. « Je chante que je suis stupide. Il y a un titre sur mon EP qui s’appelle « Stupide ». J’invite tous mes contemporains à se rendre compte qu’ils sont stupides. Quand on se regarde dans le miroir, on se trouve beau mais en vérité on n’a pas changé le monde. Il est toujours aussi chaotique un peu à cause de nous. »

Se démarquer, être résolument soi. Ne pas avoir peur d’être entier. Fidèle à ce qu’il est et quitte à paraitre marginal, Freepon ne possède pas de téléphone portable. Sa singularité ne s’arrête pas là. « Je crée les vêtements que je veux porter. Je suis à l’extérieur ce que je suis à l’intérieur. Je ne suis pas ce qu’on me dit que je suis. C’est cool d’être soi quand on a une bonne intention derrière. »