A l’occasion de son engagement pour une démarche citoyenne, l’Union Des Entreprises (Medef Guadeloupe) a élaboré un projet de développement économique des DOM, en collaboration avec les Medef de Martinique et de Guyane. Dans ce contexte, une conférence exceptionnelle est organisée le 19 janvier 2017 sur le thème de la crise au défi du sens. Invitation à une prise de recul, une réflexion sur le sens donné à l’entreprenariat. Nous avons eu le plaisir d’échanger avec l’invité de marque de cet événement Frère Hugues Minguet, moine Bénédictin et professeur au MBA d’HEC. 

Propos recueillis par Coralie Custos 

Comment appréhendez-vous le concept de “ crise “ en Guadeloupe ?

Partout se pose la question de la justice, de l’équité, du respect d’autrui, de la dignité de la personne, du développement humain, de la liberté, de la responsabilité ou encore du juste salaire. La grève générale que vous avez vécue en 2009, rejoignait ces thèmes. La crise a un caractère global et pourtant, elle s’incarne de manière singulière dans cha-que contrée du monde. Dans cette perspective, je viens ici pour écouter, pour apprendre, pour comprendre. Je viens confronter aux réalités locales mon expérience et mon questionnement.

Quels sont les défis auxquels doivent faire face les DROM et notamment la Guadeloupe pour répondre aux mutations du monde dans lequel nous vivons aujourd’hui ? 

Le danger de la mondialisation réside dans un nivellement des cultures, une certaine uniformisation du monde. La norme technique et informatique impose un langage unique. Nous risquons de perdre notre identité et le génie propre de nos cultures d’origine. Il nous faut trouver un équilibre entre ouverture et tradition. Cet enjeu existe partout et je l’imagine particulièrement en Guadeloupe, région riche en tradition, en valeurs et en nobles cultures.

Pour quelle raison avoir choisi pour votre conférence ce titre “la crise au défi du sens” ?

Le mot crise est intéressant. Il vient du grec « Kriseo » et signifie tout à la fois séparer (faire du tri), choisir et s’enga-
ger. La crise est une manière de désigner les mutations et les adaptations constantes que nous avons à vivre au contact d’un réel évolutif. Pour autant, il ne s’agit pas simplement de s’adapter et in fine de subir. Nous avons à donner du sens, c’est-à-dire une direction et une signification, un élan créateur. C’est une œuvre d’humanisation et de choix responsables.

Vous semblez avoir développé avec les années, un goût prononcé pour la question de l’éthique, très liée selon vos propos, à celle du management. Que pouvez-vous nous dire sur ce point ?

Lorsque nous sommes confrontés à des décisions complexes et que nous voulons être performants, nous avons toujours à prendre en compte quatre niveaux de la réalité : le premier est celui du mesurable, c’est l’ordre technique, du scientifique, du comptable. Toute entreprise, pour être pérenne, doit être rentable. Une entreprise non rentable coûte cher à la société. Pour cela, elle doit prendre en compte un second niveau qui est l’ordre du juridique et de l’organisationnel. Nos entreprises, les commerces, mais aussi les familles, comme les administrations doivent développer des principes et des outils de management cohérents pour permettre aux hommes et aux femmes de travailler ensemble harmonieusement. En premier lieu, celui de la qualité des comportements. Il se mesure souvent à la confiance que se font les acteurs. Enfin, il faut travailler au service de la personne et à son développement. C’est l’ordre des finalités. L’éthique commence vraiment quand on envisage de prendre en compte l’impact de nos décisions sur autrui.

A quel degré la philosophie vous aide-t-elle à comprendre l’entrepreneuriat ? Quelle œuvre philosophique conseillerez-vous à nos chefs d’entreprise et à ceux qui liront cet article ?

L’Évangile m’a apporté, plus qu’une autre lecture, le carac-tère transcendant de la personne humaine et de sa digni-té. Le personnalisme d’Emmanuel Mounier, la pensée d’Henri Bergson m’ont apporté une vision de l’éthique finalisée par l’homme et permis de m’intéresser aux sources de la morale. Je dois beaucoup aussi aux philosophes grecs qui voient la vérité non pas comme quelque chose que l’on peut posséder, mais plutôt, selon la maïeutique socratique, une quête toujours renouvelée dans un dialogue d’altérité. Si j’avais un auteur à recommander, je proposerais volontiers à vos lecteurs de lire « Etique et infini » d’Emmanuel Levinas. Ce livre est une merveilleuse introduction à son œuvre majeure« Totalité et infini ».

Conférence « La Crise au défi du sens »

Jeudi 19 janvier 2017 à 17h

A Médiathèque de Baie-Mahault

Entrée payante 10€/personnes

renseignement ou réservation 

auprès de l’UDE MEDEF
au 0590 26 34 02