Après « Le Gang des Antillais » porté à l’écran l’année dernière, Loïc Léry publie son deuxième polar « La roche empoisonnée » chez Caraïbéditions. 

Par Nelly Bouveret

On ne peut qu’être subjugué par l’écriture vive, écorchée, incisive de l’auteur, une écriture qui s’instille comme un piolet dans les interstices, les cicatrices du pays : « Cette zone douloureuse qui reste ouverte entre la France et nos pays dits « d’Outre-mer » », écrit Patrick Chamoiseau dans sa magistrale préface du livre. Parce qu’il est bien question de douleur dans ce livre, de déchirements. Mais pas seulement. A travers l’histoire d’Angela, la douce, Loïc Léry entraîne d’abord ses lecteurs dans le quotidien démuni et aride de ce beau paysage de Sainte-Marie, en Martinique. Angéla et sa mère y luttent sans cesse avec la vie. Angela est encore trop jeune pour savoir de quoi la sienne sera faite. Pour l’heure, elle balaie la cour avant d’aller chercher l’eau et c’est là, devant la source, que son avenir va la percuter. S’ensuit l’errance et l’amour en pointillés. Elle n’économise rien pour forcer chaque jour à lui fabriquer un futur tolérable, pour repousser les maux qui l’assaillent, les perditions qui s’accrochent à sa robe madras et l’entrainent vers le fond. On ne quitte pas Sainte-Marie facilement. Le diable rode, il s’appelle crack, une tire ou un black, un morceau de
« chimique » qui fait vendre son âme à tel point, dit l’ami Madjumbé d’Angéla, « que tu es capable de sucer la vie de ta mère, la déposséder de son dernier centime pour te nourrir du diable, tabasser ta mère et même lui ôter sa vie, à ta mère ». Angéla suivra pourtant la fumée du démon jusqu’au jour au Madjumbé lui dira comme ça : « Pendant que d’autres se défont de leur chaîne, toi tu deviens esclave du crack. Tu n’as pas honte ? »

Talentueux écrivain qui manie à merveille l’art du récit, Loïc Léry sait de quoi il parle quand il cartographie le pays, installe aussi bien sa plume dans les profondeurs de la misère sociale que dans le quotidien des gens du ghetto abandonnés à leur sort et dont le devenir occupe peu de place dans les programmes politiques.

Angéla illustre ces blessures de l’être, de la révolte qui ne cicatrisent pas, mais qui palpitent sur un cœur vibrant auquel chaque matin fait des promesses d’amour.

« La roche empoisonnée » de Loïc Léry. Ed Caraïbéditions. 

Sortie prochaine en librairie. www.caraibeditions.fr