Réélu à la présidence de la Chambre de Commerce et d’Industrie de La Réunion en 2016 après un premier mandat de cinq ans, Ibrahim Patel entend bien poursuivre sa politique tournée vers les TPE-PME, l’entrepreneuriat et axée sur la proximité. Sans perdre le franc parler qui le caractérise. Entretien.

Propos recueillis par Benjamin Postaire

Vous êtes président de la Chambre de Commerce et d’Industrie de La Réunion depuis maintenant six ans, quel bilan pouvez-vous faire de votre action ?
A notre arrivée, nous avons constaté que la CCI Réunion n’était pas tournée vers les TPE-PME alors qu’à La Réunion, 94% des entreprises ont moins de 10 salariés. Notre volonté a donc été de redonner aux entreprises réunionnaises le goût d’arpenter les couloirs de la Chambre de Commerce et d’Industrie. La première décision a été de compléter le dispositif de Maisons de l’Entreprise en installant une antenne dans l’Est et une dans l’Ouest. Résultat, en 2016, 16.994 porteurs de projet ont été accueillis dans nos Maisons de l’Entreprise.

Vous prônez une politique de proximité avec vos ressortissants, comment cela se manifeste-t-il ?
Par la multiplication des outils à disposition de ceux qui font l’économie réunionnaise et pour les chefs d’entreprise qui se lèvent le matin pour ouvrir leur volet roulant. Nous avons donc étoffé l’offre SAJECE (Structure d’Accueil Juridique et Comptable des Entreprises) en organisant de nombreuses actions et rencontres avec des experts juridiques ou comptables. L’objectif est d’informer le chef d’entreprise sur des sujets concrets qui le concernent directement. En 2018, nous aborderons par exemple la caisse enregistreuse automatique, qui devient obligatoire, l’accessibilité handicapée ou la retenue à la source. Nous souhaitons ainsi accompagner le chef d’entreprise dans l’évolution de la législation afin que lui reste concentré sur l’essentiel : le développement de son activité.

Cette politique porte-elle ses fruits ?
Je pense que l’on peut s’enorgueillir du fait que les chefs d’entreprise ont désormais le réflexe de se renseigner auprès de la CCI Réunion. Les Maisons de l’Entreprise ont enregistré au total 70.836 contacts sur l’année 2016 avec un très fort taux de satisfaction. De manière plus générale, nous constatons une baisse du nombre de radiations d’entreprises depuis deux à trois ans, ce qui prouve que nous sommes sur la bonne voie.

Développement international : « La CCI Réunion montre l’exemple »

Quels sont les grands chantiers de la CCI Réunion pour les années à venir ?
Il y a deux grandes priorités : le développement à l’international de nos entreprises et la formation. Pour le premier, la CCI Réunion montre l’exemple en signant des conventions dans la zone Océan Indien avec Mayotte, les Comores, le Mozambique mais aussi en Nouvelle-Calédonie et même en Inde où nous avons ouvert une antenne et permis la création d’une ligne directe par Air Austral. Nos entreprises ont un savoir-faire reconnu, nous devons les aider à l’exporter. Pour ce qui est de la formation, nous avons formé 10.000 personnes en 2016 et accueilli 1700 apprentis dans nos CFA. Nous participons également au développement de l’offre en études supérieures à La Réunion avec l’installation de l’École supérieure régionale numérique (ESRN), d’une future école supérieure de management et travaillons activement sur le projet d’École de l’Entrepreneuriat.

Le tout dans un contexte difficile pour les CCI ?
Effectivement, sur la période 2014 à 2016, l’Etat a ponctionné 900 millions sur l’ensemble des CCI. De plus, dans le projet de la loi des finances, débattu en assemblée en ce moment, il est prévu un prélèvement de 150 millions pour l’année 2018 – ce qui représente une perte de 52 % sur la TFC (taxe de frais de chambre versée par les entreprises) soient 4 millions d’euros.

Au plan national, les CCI ont licencié plus de 5000 personnes et des centres de formation consulaires ont dû cesser leur activité. A La Réunion, nous avons perdu 4 millions d’euros sans augmenter aucune taxe ni procéder à un plan social et nous avons réussi à nous adapter et à trouver des solutions. Nos partenaires financiers que sont l’Europe et la Région nous soutiennent.

En 2018, avec cette nouvelle ponction qui va fragiliser encore plus les finances de la CCI Réunion, nous avons plusieurs pistes :
• Un plan social,
• La revalorisation de nos fonciers à valeur locative faible (comme la ZIC) à une valeur locative plus forte,
• Un recentrage de nos missions avec la perte du Port et de l’Aéroport.

Malgré ce tableau un peu sombre, la CCI Réunion rassure les entreprises et les futurs porteurs de projet qu’elle sera toujours à leurs côtés.