Sa famille lui rappelle que dès l’âge de 3 ans elle voulait soigner les animaux. Aujourd’hui vétérinaire, Béatrice Ibéné s’occupe de leur santé et de leur préservation. Partisane du concept One Health lancé au début des années 2000, elle soutient qu’il n’y a qu’une santé, et protéger la biodiversité c’est aussi protéger les hommes. Béatrice Ibéné est une naturaliste humaniste, sans véhémence, qui observe sans cesse et agit avec passion.

Par Jean-Paul Rivière

Seule devant le Conseil d’Etat

« La santé des animaux, c’est la santé des hommes, d’ailleurs, pas un médicament humain n’a été testé au préalable sur des animaux. » Tout est dit. Nous sommes donc dans un écosystème que nous malmenons, à nos dépends. Au sein de L’ASFA (Association pour la Sauvegarde de la Faune des Antilles) elle s’est lancée en Guadeloupe dans une longue action pour faire cesser l’épandage aérien de pesticides, interdit par une directive européenne mais pratiquée en France via des dérogations. Elle ira seule, sans avocat au Conseil d’Etat, défendre son dossier et obtenir gain de cause. « Je dois admettre que je n’étais pas très à l’aise dans cette situation très solennelle, mais quand la Présidente m’a dit, compte tenu de l’importance du sujet nous avons tout notre temps, je me suis détendue ! » Cette interdiction vaudra pour tout le territoire national, dans les bananeraies des Antilles comme dans les vignes, sur le maïs en Hexagone ou les rizières en Guyane !

Le soutien de la population

Ses connaissances naturalistes, elles se sont construites autour de rencontres avec des spécialistes, d’ateliers et de colloques, mais aussi dans l’observation permanente des animaux, de leur relation avec la flore. « Je n’étais pas toujours prise au sérieux quand je parlais de mes grenouilles. Mais ce sont des bio indicateurs, elles nous alertent sur les risques qui nous guettent !»

Depuis 17 ans et ses premières actions pour la sauvegarde des espèces menacées, les choses ont évolué quelque peu. « En Guadeloupe, nous percevons une sensibilité grandissante au sort des animaux domestiques et sauvages. Je n’imaginais pas au départ que nous recevrions autant de soutien de la population, contre la chasse  de la grive à pieds jaunes par exemple. Mais La vigilance doit être permanente. » Les succès se manifestent également par des soutiens caribéens ou internationaux, Des médias nationaux  (France Inter , Le Monde, ..) ont contribué à nationaliser certaines de ses actions. Quant à Nicolas Hulot, il vient de la proposer comme Chevalier à l’Ordre National du Mérite « C’est d’abord le résultat d’une action collective. Je perçois dans cette haute distinction  une volonté  de me donner plus de poids localement. J’ai surtout été très émue des si nombreuses réactions sur les réseaux sociaux. Cela donne l’énergie de poursuivre. Il y a encore tant à faire !»

Dans l’agriculture antillaise, les idées ont bougé aussi. Les bananiers ont vite compris que la démarche de l’ASFA n’était ni politique ni activiste, et encore moins tournée contre eux. « Ils ont découvert avec nous toute la biodiversité des bananeraies qu’ils ignoraient. Des grenouilles et reptiles aux chauves-souris en passant par les oiseaux. »  Ils ont depuis fait installer des gîtes pour accueillir des chauves-souris qui se nourrissent d’insectes ravageurs de cultures et de moustiques. Autre point positif, le retour des pélicans, en tant que nicheurs sur l’archipel depuis une petite dizaine d’années même si certains riverains du Gosier ne supportant pas leur proximité ont détruit des nids, des jeunes et même des adultes.

Béatrice Ibéné espère d’autres contributions avec entreprises réellement engagées. « Nous avons toujours besoin de mécènes, nous souhaitons aider les entreprises à développer des actions concrètes en faveur des espèces menacées particulièrement de espèces endémiques dont nous avons l’immense responsabilité de la survie à l’échelle de la planète ! »