Quelle place ont les femmes dans le monde du travail ?

Laetitia Sadou : Certains secteurs sont restés très masculins. Voit-on beaucoup de femmes rédactrices en chef ou directrices de distilleries, d’entreprises d’informatique ou de BTP ? C’est historique et sociétal. Une entreprise familiale est généralement transmise au fils qui, pense-t-on, aura plus de compétences que la fille et saura s’imposer. Les femmes sont encouragées à s’orienter vers des postes moins chronophages pour pouvoir éduquer leurs enfants.

Quel est votre moteur ?

Je suis parvenue à mon poste à force de persévérance et de sacrifices. J’ai saisi des opportunités que j’ai sans doute provoquées. Et je déteste qu’on me dise que j’ai de la chance de vivre en Guadeloupe et de travailler chez JouéClub. J’ai travaillé et j’ai osé quitter ma région, ma famille, mes amis. J’ai su m’adapter à notre île, apprécier la culture antillaise et évoluer.

Mon moteur ? L’envie de prouver mes capacités. Etre actrice de notre société aussi, créer des emplois, faire évoluer des collaborateurs. Pour m’accomplir dans le travail, il me fallait de l’autonomie, de l’adrénaline, un niveau de responsabilités, un travail d’équipe.

Avez-vous rencontré des difficultés pour asseoir votre autorité ? 

Je n’ai jamais eu de problème pour m’imposer, mais toutes mes amies manager n’ont pas eu cette chance. Certains milieux sont plus fermés que d’autres aux femmes.

Avec mon associée Valérie Laffont, gérante, nous avons gagné notre crédibilité par l’exemplarité. Nous nous retroussons les manches et sommes sur le terrain avec nos collaborateurs. Cette année, JouéClub vivra son 20ème noël, cela inspire la confiance de nos collaborateurs, fournisseurs et banquiers. Avec à notre actif sept ouvertures de magasins, nous avons été testées puis respectées, même s’il m’est arrivé de taper du poing sur la table.

Une femme manager doit-elle appliquer des méthodes particulières ?

Je résumerai par une expression : « Une main de fer dans un gant de velours. »

Une femme dispose-t-elle de qualités particulières à un poste de direction ?

La persévérance et le perfectionnisme. A poste équivalent, elle devra travailler plus qu’un homme et faire montre d’une grande adaptabilité pour prouver sa légitimité.

Au risque de paraitre féministe, je pense que les femmes sont supérieures aux hommes dans bien des domaines. Vie professionnelle, vie familiale… Elles sont habituées à tout mener de front. Elles doivent être polyvalentes, savoir prendre des décisions rapidement, gérer les priorités et faire preuve d’empathie. Ce défi permanent peut décourager. Pour moi ça a été une vraie motivation car j’ai une âme de compétitrice. Je me suis battue pour prouver que je pouvais relever ce défi. J’en tire une réelle fierté.

Le monde de l’entreprise doit-il encore évoluer pour mieux accueillir les femmes ?

Bien sûr ! Le niveau de salaire des femmes est toujours inférieur à celui des hommes. Malgré les lois sur la parité, nous sommes loin du compte dans les conseils d’administration et directoires des grandes entreprises. Les remarques machistes sont habituelles et certains managers privilégient l’embauche des hommes pour éviter congés maternité et absences pour maladie des enfants. Le monde de l’entreprise est le reflet de notre société. Elle est faite par et pour les hommes. Lorsque j’étais enfant, mes parents autorisaient mon frère à faire certaines choses qui m’étaient interdites. Il faut donner confiance en elles aux filles et encourager les femmes à entreprendre. Elles ont toutes les qualités pour réussir.