Nahel Lama est un combattant de tous les instants : tant sur le ring que dans sa vie quotidienne auprès des jeunes d’un des quartiers les moins réputés de Cayenne. Portrait de ce champion guyanais engagé, au destin prometteur.

Par Aurore Portelli

Côté ring, tout part d’une légende

Tout commence par des combats de MMA (arts martiaux mélangés), au Brésil : depuis cinq ans, Nahel Lama s’illustre dans ce sport associant pugilat et lutte. Interdit en compétition dans seulement trois pays dont la France, c’est au Brésil que le champion monte sur le ring. Lors de son dernier combat fin 2017, il défend, pour la quatrième fois, son titre de Champion poids lourds du North Extreme Cagefighting de l’Etat d’Amapa. Cette victoire devait être son ultime combat. Mais son ami et manager Yamil Karam lui propose un pari osé : la 33ème édition du 100% Fight, à Paris, en janvier dernier.

Après un combat acharné où il a pu montrer « la détermination à la guyanaise », Nahel est sacré Champion de France de pancrace, sous les yeux de ses sponsors tels que la Ville de Cayenne ou encore Kévin Séraphin. Premier guyanais à avoir pris part à la compétition, Nahel ouvre ainsi les portes de la discipline aux autres combattants guyanais. Mais plus encore ! Pour toute une génération, une icône est née.

Côté ghetto, tout part de l’altérité

Dans la vie de tous les jours, Nahel Lama a plusieurs casquettes : père de famille, anthropologue de formation, directeur adjoint des affaires culturelles de la ville de Cayenne et président de l’association « Les frères de la crik ». Pour le rencontrer, c’est au cœur du quartier mythique « Le village chinois », connu sous le nom de la crique ou de Chikago qu’il faut se rendre. Car tout part de là !

C’est son mémoire de maîtrise d’anthro-pologie qui est à l’origine de sa « deuxième naissance » en Guyane : fort de son vécu dans le ghetto parisien et transcendé par le principe d’altérité, il étudie en 2004 les représentations et interactions en milieu urbain.

En immersion totale dans le village chinois, il va à la rencontre de tous, et met en lumière le riche patrimoine humain qu’ils constituent. Il se lie intimement avec ces populations, souvent laissées pour compte car issues d’un quartier identifié comme malfamé dans lequel insécurité, drogue et prostitution sont les lots du quotidien.

Et pourtant, c’est ici, au cœur de Chikago que Nahel se fait un prénom : héritier d’un patronyme qui lui vaut la respectabilité au vu du parcours de ses pairs, il fonde sa réputation. Il le dit lui même : « c’est ici que je suis né. Sans les habitants du village chinois, je ne serais pas devenu Nahel ». C’est débordant de son vécu, de son ressenti et témoin des souffrances de toute une génération, qu’il puise la volonté et la force de s’investir.

Et d’un engagement sincère pour tenir le cap

Au départ, émerge l’idée d’une association de défense des intérêts des habitants du village chinois. Très vite, fort de son regard d’anthropologue, il veut aller plus loin et surtout agir. Il fonde avec deux amis, Jean-Yves Tarcy et Marie-Claude Lucas, l’association « Les frères de la crik », en 2009, avec pour ambition de valoriser le patrimoine architectural et humain du quartier et d’y impulser des dynamiques positives. Vaste challenge. Mais Nahel monte sur le ring avec combativité, rigueur, engagement, persé-vérance, prêt à tout donner !

La maison de quartier Jean Small, inaugurée en 2012 contribue à ancrer l’association au cœur du quartier avec trois médiateurs salariés, la création d’un club de futsal, d’un groupe de carnaval de jeunes, une action d’animation régulière dans l’année et une vision de projets structurants. C’est avec humilité et lucidité qu’il confie : « ces petits projets sont des petites victoires qui contribuent à construire l’élément central du développement et du progrès : la con-fiance ».

Depuis près de dix ans, il s’investit sans relâche auprès de ces jeunes aux repères disloqués. Homme de tous les combats, il véhicule avec sincérité les valeurs de la République, de l’unité guyanaise et se dresse en toute humilité en ambassadeur d’une jeunesse riche, responsable et prometteuse.

Association « Les frères de la crik »

nahel.lama@icloud.com

0694 41 27 90