Economie symbiotique : l’économie intelligente

EWAG

Penser l’économie autrement, à partir de soi, de son terreau et de ses ressources pour créer et développer. L’économie symbiotique repose sur quatre grands principes : épurer, régénérer, fertiliser et produire. Une nouvelle économie positive, soucieuse des générations à venir, dans laquelle chacun, dès aujourd’hui, peut prendre sa place pour le bien de tous. Explications d’Henry Joseph, docteur en pharmacognosie et fondateur du laboratoire Phytobôkaz. 

Propos recueillis par Willy Gassion

Qu’est-ce que l’économie symbiotique ? 

Henry Joseph : c’est une économie qui repose sur la collaboration. Elle s’appuie sur des écosystèmes de qualité pour produire, au lieu de détruire et elle trouve sa rentabilité dans la collaboration plutôt que dans la compétition. Cette économie se développe à partir des territoires et à partir de leurs ressources propres : ils produisent leur énergie, une grande partie de leur alimentation, utilisent les écosystèmes pour épurer, régénérer, fertiliser et produire des nouvelles molécules et des matériaux. Ils produisent davantage que les techniques conventionnelles tout en enrichissant les sols et la biodiversité. 

Quelles sont les solutions proposées par cette nouvelle économie ? Autrement dit à quels besoins et problématiques répond l’économie symbiotique ? 

L’économie symbiotique suit les grands principes
suivants : épurer, régénérer, fertiliser et produire. 

Epurer : en utilisant des sols sains sans pesticides ni herbicides – ce qui protègera l’eau de la nappe phréatique, des rivières et de la mer – en optant plutôt pour la permaculture, l’agro-écologie et l’agroforesterie, en privilégiant des plantes couvre-sol pour éviter les herbicides et appartenant à la famille des légumineuses de préférence car elles hébergent dans leurs racines des rhizobactéries qui enrichissent le sol en azote. Ceci permet d’éviter aussi les engrais chimiques dont la perte en azote est de 15% (qui échouent dans la mer) contre seulement 2 % avec les rhizobactéries. Ainsi on épure les berges des algues vertes et des sargasses polluantes.

Régénérer  : en passant des bactéries fixatrices d’azote aux mycorhizes de champignons distributeurs de nutriments du sol, aux lombrics fertilisants, aux insectes pollinisateurs et régulateurs, à la profusion de fruits pour se nourrir, et aux graines pour les semis et replantations. C’est tout un écosystème qui prend vie dans ce grand réseau trophique tout en procédant en même temps à sa régulation.

Fertiliser : les déchets des uns sont la nourriture des autres, mais cela nécessite beaucoup d’observations et de compréhension du fonctionnement de ce système.

Produire : par voie de conséquence, ce système d’économie symbiotique augmente la productivité et apporte, lorsqu’il la pratique, une vision positive de l’espèce humaine et de son rôle dans la biosphère.

Nous rappelons que l’archipel Guadeloupe est la seule zone de réserve de biosphère mondiale pour l’ensemble des petites Antilles et ceci depuis 1993 par l’UNESCO. C’est un patrimoine mondial que l’on peut perdre si nous ne le protégeons pas. 

Dès 2005, le laboratoire Phytobôkaz a pris le parti de s’appuyer sur cette économie symbiotique pour être un exemple et pour assurer la pérennité de son développement et de tendre vers une croissance circulaire plutôt que vers une croissance ou une décroissance verticale, jusque-là privilégiée pour tout développement économique.

L’entreprise pratique l’agroécologie, l’agroforesterie et l’économie symbiotique depuis 13 ans et n’a, depuis cette date, utilisé aucun pesticide, herbicide ou engrais chimique. L’entreprise ne fait pas d’agriculture raisonnée et a banni de son exploitation agricole tout produit au suffixe “cide” (tuer) : insecticide, herbicides, formicides, molluscides etc…

Comment adapter cette économie à l’environnement humain, naturel et social de la Guadeloupe ? 

Phytobôkaz a décidé de ne jamais affronter la nature, mais de collaborer avec la vie. A Phytobôkaz, on plante des herbes pour ne pas mettre d’herbicide, on cultive des champignons pour leurs mycorhizes, on ne met pas d’antifongiques. Aussi on entretient des rhizobactéries pour l’azote en privilégiant la culture de légumineuses dans nos champs et on ne met pas dans le sol d’antibiotiques ni d’engrais chimiques de synthèse pour ne pas les tuer. 

Phytobôkaz s’appuie sur la pollinisation apicole dans tous ses itinéraires techniques agricoles :

• Les abeilles domestiques sont élevées pour polliniser les fleurs de galbas 

• Des abeilles sauvages endémiques de Guadeloupe (Exomalopsis) sont utilisées pour polliniser l’indigo de Guadeloupe et faire le plus beau bleu de la planète. Les graines sont ensuite récoltées pour les semis 

• L’abeille sauvage xylocopa est utilisée pour polliniser du Moringa, pour récolter les graines et en faire des savons 100% Bio, sans pesticides ou insecticides.

L’entreprise utilise aussi des chauves-souris endémiques et protégées de Guadeloupe pour la collecte de graines de galbas qui sont à l’origine de l’Huile de Galba, pour laquelle elle dispose d’un brevet. Les chauves-souris se nourrissent du péricarpe du fruit de galbas ce qui permet ensuite de récolter les galbas qui tombent, de nuit, sur un système innovant de filets. La récolte est récupérée le matin pour en faire ensuite de l’huile et des cosmétiques.

En dehors de la récolte des galbas, ces mêmes chauves-souris nectarivores et frugivores pollinisent, le soir, les fleurs de calebasses dont nous récupérons les graines pour faire de l’huile et des protéines. Le reste du fruit sert à confectionner des objets « éco conçus » pour l’art, la cuisine et pour se passer d’objets en plastique polluant.  

A Phytobôkaz, le modèle de la bio-économie ou de l’économie symbiotique n’est pas une mode !

C’est une agriculture durable et prospère pour l’avenir de l’Outre-Mer et singulièrement de la Guadeloupe, car nous vivons sur des îles avec un écosystème fragile (eau, mer, terre, air). Nos territoires ont beaucoup souffert et souffrent encore de la contamination chimique de la Chlordécone, et ce, pour encore 574 ans !

Aujourd’hui, en 2018, le glyphosate est encore utilisé par tout le monde agricole, au bord des routes, dans les champs, dans les jardins privés sans se soucier de demain et des consommateurs en fin de chaîne.

Nous devons, en effet, supporter ce glyphosate autorisé encore pour cinq ans sous prétexte qu’on n’a pas encore trouvé de solutions alternatives. Or, dans cinq ans, en 2023, quand il faudra trouver les pollueurs de glyphosate en Guadeloupe, il n’y aura plus personne, mais beaucoup de nouveaux malades…

A Phytobôkaz, nous proposons une autre alternative, expérimentée à petite échelle et qui a largement fait ses preuves d’innocuité et de réussite.

Vous participez au Salon Madame, quelle place peuvent prendre les femmes guadeloupéennes dans le développement de l’économie symbiotique en Guadeloupe ? 

C’est une femme, Isabelle Delannoy, qui a fondé le concept d’économie symbiotique. Cette nouvelle approche de l’économie est résolument positive. Pensée par une femme, elle peut être une chance pour la nature et pour l’homme. L’homme que je suis s’en inspire et invite toutes les femmes guadeloupéennes à en faire de même. Alors les hommes suivront tout naturellement pour le bonheur de notre archipel Guadeloupe. Les générations futures nous diront toutes Merci !