“Fonds Européens”. Le terme semble assez évident. Pourtant, l’intervention de la ressource financière européenne dans l’économie du territoire reste, pour beaucoup d’entre nous, encore un peu mystérieuse sur le plan pratique. A un peu moins de trois ans de la fin du programme actuel (2014-2020), Miguel Laventure, Conseiller Exécutif en charge du budget, de ces fonds européens et du tourisme évoque avec nous l’enjeu de cette enveloppe financière et des dispositifs qui lui sont associés.

Par Mathieu Rached

Nous rencontrons Miguel Laventure la veille de son départ pour Bruxelles. Dans la capitale européenne enneigée, il rejoint les représentants de chaque région de France pour défendre ensemble les moyens de la politique européenne de cohésion, un des piliers essentiels de l’action de l’Union européenne depuis le début de son existence. Dans leur ligne de mire, “l’après 2020” tant les inquiétudes sont fortes et la mobilisation active pour préparer la suite du programme actuel 2014 – 2020. “Le contexte du Brexit et donc de la sortie d’un contributeur majeur de l’Union Européenne, le Royaume-Uni, auquel s’ajoutent le coût la crise des migrants et les nouvelles options en matière de sécurité et de défense, pose la question des financements européens en des termes nouveaux. Et notamment vis-à-vis des priorités et de la volonté de Bruxelles de poursuivre à un niveau satisfaisant l’accompagnement finan-cier et des territoires périphériques dont la Martinique fait partie”, pose l’élu, Conseiller Exécutif en charge du budget et des affaires financières. Cette politique de cohésion qui se traduit notamment par la mise en œuvre de “fonds européens” pour le financement de projets, et vise à résorber les disparités économiques et sociales et améliorer les niveaux de bien-être des populations, s’inscrit dans une logique historique. Elle exerce de fait un pouvoir déterminant sur le développement du territoire et Miguel Laventure souhaite la voir s’intensifier.

Plus d’investissements 

Avec quelles priorités ? « Maintenir et même renforcer, propose-t-il, les investissements structurants comme c’est fortement le cas aujourd’hui avec le réseau très haut débit pour le numérique, le port, l’aéroport, ou certains équipements (eau potable, assainissement, traitement des déchets…) ». Mais aussi engager résolument la Martinique dans les domaines de la recherche, de l’économie du savoir et de la connaissance. Ainsi en va–t-il du programme Atout Inclusion capable de former 400 jeunes de 18 à 25,
« sans études, formation, ni emploi »,
une population jeune et vulnérable qu’on ne peut se résoudre à voir rester en marge de la société. Et Miguel Laventure d’insister sur tous ces domaines d’avenir qu’il faut investir et pour lesquels « la Martinique dispose d’atouts évidents, qu’il s’agisse des énergies renouvelables, de la “green economy”, de l’agriculture tropicale moderne ou de la médecine environnementale ». Avec des exemples multiples, « y compris face à cette terrible catastrophe du Chlordécone à laquelle il faut s’attaquer par la conquête de solutions pour que le sol martiniquais retrouve ses qualités et performances, et que notre territoire serve ainsi de référence à d’autres victimes de problématiques similaires ». Des chantiers tellement nombreux et immenses, porteurs de vraies potentialités économiques et de nouvelles dynamiques… « à condition de disposer des moyens nécessaires ! »,
défend Miguel Laventure, conscient des négociations qu’il conviendra de mener.

Le “levier financier” de l’Europe doit aussi servir à poursuivre la politique de développement économique, en terme de soutien à l’investissement en faveur des initiatives de création et de modernisation-développement d’entreprises. L’exploitation peut même être également accompagnée notamment par la prise en compte des surcoûts supportés. « C’est l’objet de l’aide au fret pour importer machines et matières premières à transformer, et également pour favoriser l’exportation de nos produits » cite l’élu. On l’aura compris, impossible d’envisager de se passer des soutiens de l’Europe, pierre angulaire de ce vivre ensemble transnational, entrepris dès 1957 par les 6 pays fondateurs, avec une place particulière pour les Régions Ultra Périphériques (RUP) reconnue et actée dès 2009, par l’article 349 du Traité de fonctionnement de l’Union européenne, qui prolonge les dispositions retenues dès l’origine pour les départements d’Outre-Mer par le Traité de Rome de 1957.

Une Autorité de gestion

Une mention spéciale pour les territoires ultra périphériques qui, dans le cas de la Martinique prend la forme, en particulier, d’une dotation de 800 millions d’euros sur la période 2014-2020 au titre des fonds structurels. Soit quatre grands programmes, le FEDER (Fonds Européen de Développement Economique et Régional : 445 millions), le FSE (Fonds Social Européen : 213 millions), le FEADER (Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural :
130 millions) et le FEAMP (Fonds Européen pour les Affaires Maritimes et la Pêche : 11 millions). A chaque programme son public et ses objectifs. Tous ont en commun un processus uniformisé pour l’attribution des fonds.

Le dispositif est fondé sur le principe retenu en 2014 du transfert de la qualité d’autorité de gestion des fonds européens de l’Etat vers les régions (la CTM pour la Martinique, depuis 2016). Il se déroule en plusieurs étapes et met en œuvre plusieurs niveaux de contrôle, conformément à une organisation structurée convenue avec l’ensemble des régions et ajustée par chacune d’elles à travers la description d’un « système de gestion et de contrôle » propre. Une trame qu’a donc dû définir la CTM et qui sert de cadre directeur. Un document mis au point avec soin et précision dans des échanges techniques et minutieux avec l’Etat à travers la Commission Interministérielle des Contrôles Communautaires (CICC), et qui sert de cadre de référence à l’étude et au traitement de toutes les demandes, et au suivi de leur exécution. Ensuite, une fois le financement attribué par la CTM, en tant qu’autorité de gestion, chaque dossier est soumis à plusieurs niveaux de contrôle au terme de son exécution. La CTM doit ainsi certifier que le projet a bien été réalisé et payé, conformément au dossier accepté. Puis, la Direction Régionale des Finances Publiques à Fort-de-France procède, au nom de l’Etat, à des vérifications du respect de certaines procédures administratives comme les appels d’offres pour les plus gros dossiers, les preuves de paiements effectifs, etc… avant de donner son aval. À ce moment là, sont transmis à Bruxelles tous les justificatifs comptables de l’opération pour obtenir, en retour, le remboursement de la part Europe des dépenses effectuées.

A ces contrôles systématiques peuvent s’ajouter un second niveau de contrôle se situant directement au niveau européen avec, par exemple, la Cour des Comptes européenne pouvant souhaiter approfondir certains dossiers.

Un parcours très structuré et organisé

Le dispositif retenu désigne des instances bien définies et un processus de décision bien sécurisé. L’objectif est de combiner l’exigence de respect des procédures et des règles européennes, avec le souci de parvenir à réduire les délais de traitement. Cette préoccupation centrale est rendue compliquée par le nombre important de dossiers déposés antérieurement et non immédiatement traités, et plus encore quand certaines phases font intervenir au niveau de l’instruction des demandes des services autres que ceux de la CTM.

“Pour l’essentiel, des progrès très importants ont pu être réalisés depuis la mise en place de la nouvelle organisation, avec d’une part une mobilisation renforcée des services et un rythme plus soutenu des traitements, des dossiers les plus finalisés possibles avec des instructions bien conduites, en particulier pour le FEDER intégralement géré en direct par la CTM”, souligne Miguel Laventure, et d’autre part la consultation des services de l’Etat au niveau d’une “instance technique partenariale” comprenant notamment le Direction Régionale des Finances Publiques, la Préfecture, la DEAL, la DIECCTE, la DAAF…

Le rapport d’instruction, document final qui en résulte, est ensuite soumis à la décision de la CTM. Depuis juillet 2016, c’est l’Assemblée des élus de la CTM qui prend la décision d’attribution des fonds européens. Ainsi, la CTM exerce pleinement sa qualité d’autorité de gestion par la “programmation” des fonds européens effectuée par les représentants élus par le peuple. Une prise de décision démocratique et transparente (les séances plénières sont publiques), se félicite Miguel Laventure. Depuis deux ans, c’est désormais un rendez-vous mensuel qui permet d’accélérer le rythme de mobilisation des fonds européens en faveur des projets de développement de la Martinique. Ainsi, plus de 30% de l’enveloppe FEDER-FSE est attribuée à ce jour, alors que ce taux n’était que de 2% à la création de la CTM au 1er janvier 2016 pour la période 2014-2020. Au total, depuis l’installation de la majorité Gran Sanblé et Pou ba Péyi-a An Chans à la CTM, 707 projets agricoles ont obtenu un financement FEADER (soit 27,8 millions d’euros), pêcheurs et aquaculteurs se sont vus attribués 209 000€ dans le cadre du FEAMP, 252 dossiers de modernisation d’entreprise, de projets industriels et d’aide au fret ont également reçu le financement attendu (117 millions d’euros), de même que 62 projets FSE pour 45 millions d’euros. Loin d’une chasse aux œufs de pâques européens, derrière chaque ligne de budget acceptée se trouvent les Martiniquaises et les Martiniquais qui choisissent ensemble leur avenir.

Ce rythme doit encore se renforcer pour répondre aux besoins économiques, sociaux et d’équipement de la Martinique et assurer l’utilisation optimale des fonds européens qui nous sont affectés sans jamais risquer de les perdre, comme la CTM en a fait la démonstration fin 2017, où l’exigence du montant à dépenser fixé par Bruxelles a été sensiblement dépassé assurant ainsi la sauvegarde de nos dotations.

 

Demander un financement européen : mode d’emploi

Simulation sur www.europe-martinique.com

FEDER, FEADER, Fonds social, FEAMP… la première des choses est de vérifier pour chacun des fonds sur le site dédié aux fonds européens de la Collectivité les conditions à remplir pour bénéficier de ce type d’aide, à savoir, la nature du domaine concerné et la nature des dépenses. A noter, le programme FSE comprend une partie FSE gérée par la CTM et une partie FSE-Inclusion gérée par l’État. Le FEAMP est géré par la CTM mais c’est le ministère qui en est l’autorité de gestion.

Guichet unique 

Pas d’erreur possible. Pour toute demande portant sur les fonds européens, de tout porteur de projet, il existe un guichet unique à la direction des fonds européens de la CTM. Sans surprise, comme pour toute démarche administrative, un dossier complet facilitera le traitement là où un défaut de pièce ralentira considérablement son traitement. Aussi en cas de doute, faites un tour au bureau d’appui des porteurs de projet à la même adresse. Le dossier complet, c’est la partie « cruciale », insiste Miguel Laventure.

Direction des Fonds Européens

165-167 Route des Religieuses 

Immeuble Pyramides

97200 Fort-de-France

0596 59 89 00

 

Financements : une troisième voie accessible aux entrepreneurs 

En matière de création d’entreprise ou de développement d’une structure déjà existante, il existe deux voies classiques de financement, à savoir la subvention, où la ressource attribuée sert à son bénéficiaire et donc ne se reconstitue pas, et le prêt bancaire qui exige un remboursement avec paiement d’intérêts. La CTM a souhaité mettre en place une troisième voie, en créant une Société de Capital Investissement. Conçue spécialement, pour encourager et dynamiser des secteurs et des entreprises stratégiques cette structure sera capable d’intervenir au capital par une prise de participation dans l’entreprise qui en aura fait la demande.

Qu’il s’agisse d’une entrée au capital, d’un prêt participatif, d’une avance structurelle, l’idée poursuivie par la CTM est d’avoir à disposition un outil actif sur tout le territoire, destiné à des entreprises en création, à celles qui souhaitent faire un saut qualitatif et quantitatif, ou encore lors d’une transmission ou d’une fusion.

– Financée à hauteur d’au moins 30% par des fonds privés, cette société de capital investissement sera gérée par un mandataire soumis à l’agrément de la Banque de France.

Une participation inédite à la vie économique du pays, à la fois une aide pour développer et conserver certains secteurs et entreprises et, à terme aussi, une dynamique que la CTM espère positive. Une stratégie gagnant-gagnant.

retrouvez les actions et le bilan 2017 de la CTM sur www.collectivitedemartinique.com