Avec l’association Clowns Doktè, Véronique remue ciel et terre pour changer le quotidien des enfants hospitalisés.

Par Mathieu Rached

Il y a tout juste un an, Véronique Morin a eu une idée folle. Déléguée médicale, habituée des longs couloirs aux lourdes portes battantes et du camaïeu de gris qui recouvre les murs des hôpitaux, au contact pendant des années du personnel médical et des enfants des services de pédiatrie, le climat lui pèse tout à coup plus intensément. Un glissement progressif, imperceptible au début, dont on ne se débarrasse jamais vraiment. À l’époque, cette femme aux cheveux courts et au sourire qui vous enveloppe, est déjà engagée auprès de trois associations qui prennent soin d’enfants loin de chez elle, notamment au Népal et au Maroc. L’évidence à nouveau s’immisce et ne la quitte plus, pourquoi ne pas faire quelque chose ici, en Martinique, où elle vit depuis 29 ans,  au sein des services de pédiatrie qu’elle arpente depuis des années. De quoi ont-ils besoin les enfants, les parents et le personnel médical ? De souffler et de s’évader. Les clowns sont les candidats idéaux. Ils sont bien invités dans les structures hospitalières de Métropole, alors pourquoi pas en Martinique ? Superbe idée. « Le chemin de croix commence », plaisante-t-elle, un an plus tard, dans ces mêmes couloirs.

On est en mars, la matinée touche à sa fin, derrière elle vient de passer la toute première promotion de clowns à l’hôpital quittant le couloir pour rejoindre la salle où, le matin, ils se préparent, s’échauffent et entrent dans leurs personnages, et où ils débriefent ensuite leur intervention du jour. Pendant deux semaines, le service de pédiatrie de la Maison de la Femme et de l’Enfant, à Fort-de-France a accueilli les sept stagiaires encadrés par deux formateurs venus spécialement de Métropole, clowns hospitaliers aguerris qui arpentent depuis quinze ans les services hospitaliers de France et de Navarre comme d’autres comédiens courent les festivals ou les scènes de théâtre. Pour réunir tout ce beau monde, Véronique a dû littéralement remuer ciel et terre, taper à toutes les portes, rencontrer institutionnels, médecins et directeurs d’hôpitaux pour présenter son projet simple et essentiel : mettre des sourires et des rires à l’hôpital plusieurs fois par mois, autant que possible. Un projet qui plaît, forcément ! Reste que, six mois après ces fructueuses rencontres, toujours aucune piste à l’horizon… L’idée est séduisante, la concrétisation s’avère éreintante. Et son projet vacille. Une envie d’abandonner qui pousse à entrer en jeu Marie-Noëlle St Lebe, médecin généraliste de son état qui va devenir un précieux intermédiaire pour s’adresser au corps médical. Bref, ensemble elles se remettent à la tache et cette fois-ci ça marche ! Le projet va exister.

En moins d’un an, à leur manière, elles se dotent d’outils de communication, une plaquette, un logo, « on bricole » s’amusent-elles, aidées par leurs réseaux. L’enjeu est bien entendu de réunir des financements pour créer la première formation de clowns en Martinique. De rencontres en rencontres, portées par une énergie absolument communicative, elles organisent une soirée au Cloud, y font la rencontre de Krys Burton qui, touché par leur démarche, propose de leur produire un clip gratuitement. Lequel a ensuite pu être diffusé gratuitement pendant les vacances de Noël avant chaque séance au cinéma de Madiana. Comme par magie, la croix devient plus légère et un succès appelant un autre, tout s’enclenche. Aujourd’hui, le restaurant Ti Sable leur permet d’organiser régulièrement une soirée dont les bénéfices servent à l’association. Fin mars, un tournoi de rugby junior où les équipes sont sponsorisées par des entreprises a aussi permis de récolter des fonds. D’autres opérations de mécénat seront nécessaires pour pérenniser les actions de Clowns Doktè, et une fois les clowns formés, diplômés, financer deux prestations de clowns par semaine dans les services de l’hôpital. L’association a besoin de toutes les entreprises de Martinique, petites, toutes petites ou plus grosses pour insuffler du mieux être auprès des équipes médicales, des parents, et des jeunes patients. Ces spectacles sur-mesure plein de poésie et de candeur constituent en eux-mêmes une alternative aux médicaments… jusqu’à supprimer des journées d’hospitalisation pour l’enfant. Ou comment à l’hôpital, les sourires aussi sont contagieux.

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