Voté en séance plénière en mars, le dispositif des aides aux entreprises traduit la nouvelle stratégie de la Collectivité Territoriale de Martinique en matière de dynamisme économique du territoire. Il s’agit d’une refonte des précédentes orientations, afin de proposer un dispositif « plus adapté et plus pertinent », tel que le décrit Marinette Torpille, la Conseillère Exécutive en charge du Développement Économique, de l’Emploi, des Aides aux entreprises. Objectif affiché : consolider le tissu économique et accompagner la mutation d’une nouvelle économie. Il répond au Schéma Territorial de Développement Economique d’innovation et d’Internationalisation (STEDII) qui se décline en 57 fiches actions qui ont été dévoilées à la fin du mois de mai et qui donnent le cadre opérationnel de la stratégie de développement économique de la CTM. Maintenant, il s’agit d’informer tous les acteurs économiques et présenter ces nouveaux outils conçus spécialement pour eux, pour les accompagner, les faire grandir et faciliter la pérennisation de leurs activités. Focus sur la réflexion et le plan d’attaque de 8 millions d’euros annuels d’aides de la CTM pour les TPE et les PME.

Propos recueillis par Mathieu Rached

Le dispositif voté récemment vient-il compléter votre action de début de mandat ou donne-t-il de nouvelles orientations ?

Marinette Torpille : Les deux à la fois. On poursuit et on renforce les politiques entamées et on construit notre accompagnement avec des mesures plus adaptées au contexte économique actuel. Nous sommes à un moment charnière de l’histoire de nos sociétés, où les métiers de demain sont encore à inventer et où des fractures géographiques et numériques persistent. C’est notre mission de soutenir et d’encourager les entreprises viables, d’être à leurs côtés pour développer leur modèle économique sur la base d’un plan de financement cohérent et efficace. Aussi, la première étape a été de mettre à plat les aides existantes et les différents besoins des entreprises propres à notre territoire. Notre objectif était de pouvoir proposer les aides financières correspondant aux besoins du marché et constituer ainsi une sorte de boîte à outils efficace pour l’entrepreneur. Par ailleurs, il a fallu faire des choix et des arbitrages en déterminant des secteurs d’activités et des zones géographiques prioritaires. 

Qu’est-ce qui va changer dans les types d’aides et les secteurs ciblés ? 

Nous souhaitons mener une politique qui préserve l’existant, tout en boostant son développement, une politique qui encourage les projets novateurs, les comportements responsables envers notre environnement. Concrètement, il s’agit ici, par exemple, de ne pas encourager des projets dans certains secteurs d’activité déjà saturés, de manière à ne pas déséquilibrer les structures existantes qui ont du mal à prospérer. C’est notamment le cas en  coiffure, esthétique, pizzeria, … A l’inverse, pour soutenir des projets novateurs sur notre territoire et permettre à des secteurs d’avenir d’émerger avec de nouveaux métiers, nous nous impliquons fortement en faveur du développement des énergies renouvelables, de l’usage du numérique, du déploiement de la silver économie (dédiée aux seniors) et du tourisme durable, en augmentant le taux d’intervention qui leur sont dédiés. Il est de notre responsabilité d’orienter notre développement économique en incitant l’innovation, la diversité et l’adaptation de notre tissu économique face aux défis de demain.

Sur quels autres critères repose la refonte du dispositif des aides ? 

La réduction de la fracture géographique en favorisant les structures qui font le choix de s’installer dans le nord caraïbe ou le nord atlantique de la Martinique. Nous avons également souhaité avoir une démarche cohérente vis-à-vis de nos partenaires économiques. Si des entreprises ont fait l’effort d’obtenir un label reconnaissant un savoir-faire de qualité comme le label AQCS (Accueil, Qualité, Commerce, Service) mis en œuvre par la chambre du commerce et d’industrie, alors nous jouons le jeu en augmentant notre taux d’intervention pour l’aide sollicitée. De même, dans le cas par exemple d’une demande de subvention pour un garage ou une imprimerie, nous n’instruirons les dossiers que si l’exploitation respecte les normes de protection de l’environnement recommandées par la profession. 

Quid des entreprises déjà en difficulté, qu’avez-vous prévu ?  

Nous avons besoin là encore d’avoir face à nous des entreprises responsables, conscientes des causes de leurs difficultés. Nous sommes tenus d’avoir une certaine rigueur dans l’attribution des aides, car il s’agit d’argent public qui doit être dépensé en conscience et en intelligence. Aussi, nous attendons des entrepreneurs en difficulté, une véritable réflexion en profondeur, une remise en cause avec un plan de redressement, permettant d’apprécier si l’affaire peut être viable dans le contexte d’aujourd’hui et en tenant compte des mutations d’activités. L’entreprise considérée en difficulté est l’entreprise qui a perdu plus de la moitié de ses capitaux propres ou qui a un résultat déficitaire depuis 3 ans. C’est le plan de redressement proposé qui déterminera l’intervention ou non de la Collectivité.

Quand à vos actions contre le chômage, les aides à l’emploi sont-elles en mesure d’encourager les embauches des jeunes et des moins jeunes ? 

Il faut d’abord comprendre que c’est l’activité qui crée l’emploi et non les aides. Une entreprise n’embauche que si elle a une augmentation d’activité et un besoin de main-d’œuvre supplémentaire. L’aide à l’emploi incite le chef d’entreprise à réaliser plus facilement l’embauche. Elle peut même l’aider à anticiper son besoin. Elle soulage le chef d’entreprise le temps qu’il soit conforté dans sa nouvelle situation. Nous avons voulu maintenir et bien cibler l’effort sur l’emploi des jeunes cadres et des seniors. Nous encourageons fortement l’embauche en CDI de jeunes sans expérience mais diplômés (Bac + 3) à un salaire d’au moins 1,3 SMIC. Notre intervention est plafonnée sur 2 ans à 33 500 €. L’effort est fait aussi pour l’embauche en CDI des seniors (50 ans et +) que nous encourageons à un salaire de 1,3 SMIC au minimum qui rémunère l’expérience. Notre intervention est plafonnée sur 2 ans à 21 000 €.

Les nombreuses petites entre-prises qui constituent notre tissu économique sont-elles un atout ou handicap pour la Martinique ?

Effectivement, les TPE et les PME, très petites entreprises (moins de 3 salariés) et petites entreprises (moins de 10 salariés), représentent 78% du  tissu économique. Beaucoup de petites structures se montent, ce qui prouve le dynamisme et l’envie d’entreprendre des Martiniquais. C’est un point fort. Face à cela, il y a le nombre d’entreprises qui cessent leur activité. Plus de 50% des TPE ferment à moins de 3 ans d’activité. C’est un point faible. Nous devons agir pour mieux accompagner les projets en création. Il faut mieux conseiller les futurs entrepreneurs et faire en sorte que les projets qui sont aidés soient des projets dits « murs » pour entrer en phase de réalisation. C’est une gageure que nous devons relever avec les cabinets conseils labellisés et les accompagnateurs
de l’entreprenariat de notre territoire.

Ces TPE ont-elles les moyens de réussir ?

Les projets, les idées, la créativité existent au sein du territoire. Les aides sont là pour accompagner les projets. Ces aides sont des subventions qui ne demandent donc pas de remboursements. En revanche, il est nécessaire que la totalité de l’investissement envisagé soit réalisée pour avoir l’intégralité de la subvention. C’est pour cette raison que les bénéficiaires des aides doivent bien comprendre leur mécanisme et avoir un plan de financement avec un apport personnel et un apport tiers complémentaire (une banque, un associé, …) pour être en capacité d’investir. C’est un préalable pour pouvoir être en mesure de récupérer et de profiter de la subvention, qui viendra comme un apport en trésorerie. En fait, la réussite de l’entreprise est basée sur la bonne idée à exploiter, sur la gestion, la commercialisation, le marketing, la communication, etc., et un bon financement. C’est un ensemble de compétences à exercer et à maitriser, en plus du savoir-faire lié au son cœur de métier. C’est une aventure à laquelle il faut extrêmement bien se préparer. En cas de réussite elle est exaltante !

Accompagnement, aides finan-cières, tout est réuni pour que ça marche ? 

Oui, en prenant les précautions d’usage déjà évoquées. En fait, il faut à la base avoir la bonne idée qui répond à un besoin marchand. L’idée que vous allez formaliser, puis exploiter, doit avoir  une clientèle potentielle prête à payer le service ou le produit proposé. Il faut éviter l’activité que l’on crée pour se faire plaisir et qui n’a pas ou peu de clientèle potentielle. L’entreprise doit avoir un modèle économique fiable et viable, l’ensemble des charges doit être couvert par les recettes. C’est basique certes, mais bien des fois le porteur de projet se laisse emporter par son enthousiasme et brûle les étapes (obligatoires) de création d’entreprise. Le financement est un problème final à étudier en fin de processus. Les prêts à taux zéro possibles et proposés par Initiative Martinique Active, satellite de la CTM, sont une des réponses complémentaires de financement face à la frilosité de certaines banques. 

En résumé, la Collectivité Territoriale de Martinique soutient l’initiative entrepreneuriale avec la refonte du dispositif des aides et tout un écosystème d’accompagnement qu’elle fédère notamment avec Martinique Développement, autre
satellite de la CTM, pour l’amélioration de notre tissu économique et la montée en compétence de nos entreprises.

Les principales ameliorations du dispositif des aides aux entreprises du 2018

1. L’aide à la création pour les TPE où le primo créateur d’une TPE, d’une startup est dorénavant aidé sur l’investissement, mais aussi sur des frais d’installation, sur le renforcement de fonds propres et sur d’autres postes nécessaires à la mise en place de son exploitation. 

2. L’aide à la création et au développement d’activité. Elle vient conforter le tissu économique existant et évite de fragiliser les acteurs économiques qui le constituent, 

3. Les aides à l’emploi ont été reconfigurées pour mieux répondre aux mutations du marché afin de soutenir l’emploi, d’encourager les chefs d’entreprise à embaucher des personnes au chômage inscrites au Pôle Emploi de Martinique. 

4. L’aide à la reprise-transmission d’entreprise,  mis en place en lien avec les Chambres Consulaires, facilite la transmission intergénérationnelle.

5. L’aide au conseil prend en charge un pourcentage des prestations de conseil.

6. L’aide au développement à l’international vient compléter la stra-tégie qui est engagée au sein du STEDII. Il s’agit d’un accompagnement technique et financier de développement à l’international

7. L’aide aux entreprises en difficulté est désormais reformatée. Il s’agit d’une aide à la restructuration pour rétablir la viabilité de l’entreprise

8. L’aide à l’organisation et à la structuration des filières afin de développer un écosystème favorable à l’émergence et la croissance des filières du territoire. 

9. L’aide aux actions collectives, avec la promotion commerciale (salon, foire, etc.) et la dynamisation économique des centres-bourgs et centres-villes.

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