« Demain » annonce l’émergence d’une nouvelle pensée de notre vie sur terre, un nouveau  projet de société.

Par Nelly Bouveret

Un nouveau monde en marche. 

Il y eu d’abord le film « Demain » réalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent, en 2015. Un film d’explorateurs partant à la recherche de ces terra incognita sur lesquelles se déroulent des expériences inédites menées par des poignées de personnes engagées pour sauvegarder la bonne santé de la planète. Il y a aujourd’hui le livre « Demain » qui relie les éléments du puzzle de ces différentes initiatives. Cyril Dion le dit tout net : « Les gens ne veulent plus qu’on leur dise que les choses vont mal. Tout va déjà trop mal ». Il faut s’y prendre autrement pour parler de l’avenir. C’est ce qu’il a fait en partant à la recherche de ceux qui pensent le monde autrement et s’appliquent à le faire vivre plus harmonieusement. Agriculture, énergie, économie, éducation…, villes qui produisent leur énergie et leur nourriture, systèmes zéro déchets, initiatives éducatives… Tout l’intéresse, à partir du moment où il s’agit de tenter de sauver ce qui peut l’être. Mais penser le monde autrement c’est déjà se penser soi-même autrement. C’est détricoter ce qu’on a fait de nous des êtres qui gaspillent. Cyril Dion cite Pierre Rabhi, écrivain, paysan dont il est le disciple : « Ce sont nos possessions qui nous possèdent. Nous en devenons les esclaves ». 

Qu’est-ce que nous apprend « Demain » ? On comprend que nous sommes de plus en plus nombreux à penser
qu’il est bon de consommer local, produire et entreprendre local. L’auteur donne l’exemple de Détroit, ville
aujourd’hui pauvre car abandonnée par ses grandes industries. Des coopératives ont pris possession des terres et des immenses parkings désertés pour répondre aux besoins essentiels de la population locale. Il y a aujourd’
hui 1600 fermes et jardins dans la ville dont le but est de nourrir les habitants avec des fruits et légumes cultivés sur place. Evidemment, produire local ne veut pas dire que tout est parfait, mais l’idée de base est que chaque communauté doit pouvoir être autonome dans ses be-
soins essentiels.

Dans le chapitre intitulé : Les îles renouvelables, Cyril Dion part d’un constat de faiblesse de toutes les îles (dont les nôtres). Le pétrole y assure une grande part des besoins en énergie. Une grève, un problème d’approvisionnement et voilà l’économie mise à genoux, en quelques jours. Il cite l’exemple de la Réunion où la PME Akuo développe une idée simple : développer à la fois de l’énergie et cultiver des productions maraîchères à l’ombre d’installations photovoltaïques. Nous sommes bien placés, aux Antilles-Guyane, pour savoir que le vent, le soleil et la mer peuvent être de puissants fournisseurs d’énergie et qu’ils ne facturent pas leurs bienfaits. L’avenir va s’inventer avec eux.

Vers une économie du partage. Nous voilà entrainés dans le sous-sol d’une église où œuvrent des makers. Réparer, faire soi-même, c’est ce qu’ils font, pour ne pas gaspil-ler justement. Dans un mouvement de réappropriation de l’économie, de géniaux bricoleurs, inventeurs d’imprimantes 3D ouvrent partout dans le monde des lieux conviviaux où s’échangent de bons tuyaux pour réparer, fabriquer et retrouver la fierté de faire soi-même. Ce sont les fablabs, des ateliers urbains, capables de produire des objets en petites séries, de réparer l’électroménager, les ordinateurs… Ils nous annoncent qu’à coup sûr, le XXIème siècle sera celui de la démocratisation de la production. 

Se rapprocher les uns des autres, se rapprocher de nous-mêmes, prendre le temps de penser, s’éloigner des dictats de la société de consommation, être acteur de nos échanges économiques… Il faudra en passer par là, iné-
luctablement, annonce l’auteur. Il s’agit, en somme, de retrouver notre relation avec la terre, de faire évoluer nos pensées et nos modes de vie et d’inventer de belles histoires pour que la planète ne se détraque pas. Et ça n’est pas de la science fiction, c’est pour demain !                                    

DEMAIN, Un nouveau monde en marche. Cyril Dion. Ed. Actes Sud/Colibri. 349 pages