Le temps d’un soir, le chanteur lyrique Fabrice di Falco et la Fondation Orange ont offert un spectacle musical dans les ruines du célèbre théâtre de Saint-Pierre. 

Par Mathieu Rached 

Le Grand théâtre de Saint-Pierre a fait salle comble. Deux cent cinquante personnes assises dans les ruines du théâtre et quatre cents autres à l’extérieur venues suivre sur grand écran la représentation de Begin the Biguine du chanteur lyrique Fabrice di Falco. Le 8 mai dernier, accompagné de son ensemble classique « Les Sauvages » formé du quatuor féminin Sinequanon et du contrebassiste Julien Leleu, le contre ténor a entamé le spectacle dans ce cadre absolument unique, plongeant littéralement les spectateurs dans la vie des Pierrotins du début du siècle dernier. A cette époque, Saint-Pierre est la capitale économique et culturelle de l’île et plus encore, le phare du monde créole. « C’est ici qu’a été inventé la biguine », retrace Fabrice di Falco. 

Né à Fort-de-France, Italien par son père et Martiniquais par sa mère, le chanteur a créé un événement sans précédant en faisant retentir sa voix dans les ruines du lieu historique. Construit en 1786, le théâtre participait grandement au rayonnement culturel de la ville. Les plus grandes troupes dramatiques et lyriques d’Europe venaient y jouer concerts, opéras, pièces de théâtre. « Le peuple antillais a baigné dans cette culture musicale classique et d’opéra, inculquée sans faire exprès par les colons dont c’était la musique qu’ils importaient d’Europe. Cette imprégnation a façonné et inspiré toute la création musicale des Antilles ». Le conte musical « Begin the Biguine » retrace cette histoire. C’est une fresque musicale qui commence par des airs baroques et un hommage aux castras, avec une interprétation du Stabat Mater de Pergolèse, ainsi que des airs de Haendel et Mozart. Le conte se poursuit devant un public conquis et se conclut par deux mélodies de biguine dont « Fanm Matinik Dou ».

Le spectacle s’inscrivait dans le cadre du « Mois de Mai à Saint-Pierre », qui célébre le souvenir de l’éruption du volcan, le 8 mai 1902, et celui de l’abolition de l’esclavage en Martinique, dans la nuit du 22 mai 1848. La représentation a pu avoir lieu grâce à la rencontre du contre ténor avec le maire de la ville, Christian Rapha et « à l’engagement spontané de la fondation Orange », souligne ce dernier. Fidèle à ses valeurs d’éducation, de transmission et d’une large diffusion de la musique vocale classique, la fondation Orange a été, de fait, absolument séduite par ce projet de faire revivre le grand théâtre de Saint-Pierre, le temps d’une soirée et retracer l’histoire culturelle et musicale qui habitait la population locale. L’affluence du 8 mai laisse penser que cette fièvre musicale ne s’est jamais éteinte. Et pourrait bien revivre à nouveau, « en 2019 avec la version jazz de ce spectacle », prévoit l’artiste de renommée internationale et désormais ambassadeur culturel de la ville.