Pour sa seconde participation à la Route du Rhum, Rodolphe Sepho sera le plus jeune skipper guadeloupéen. Portrait d’un compétiteur qui ne lâche rien.

 Par Julie Clerc

Lorsque nous le rencontrons sur la marina Bas-du-Fort, le jeune homme est discret. On le pense timide ; il n’en est rien. Rodolphe observe. Il capte la tendance de l’interview comme on analyse un plan d’eau : on fait silence, on scrute l’horizon, les rides du vent à la surface de la mer, l’approche d’un grain, le mât gité d’un concurrent. Rodolphe Sepho, 32 ans, avec ses lunettes de soleil miroir et son sourire à la MC Solaar pourrait être un gwadaboy qui façonne sa silhouette en salle de sport. On y croit, jusqu’à ce qu’il raconte son histoire. On comprend alors pourquoi, quelques minutes plus tard, il lance dans un sourire sans malice : « Je suis comme un requin. Quand je tiens, je ne lâche pas. » Démonstration.

Du berceau à la voile

Rodolphe Sepho découvre la voile à cinq ans au club Voile 44, à Goyave. Très vite, il s’adonne à la compétition en catamaran de sport et en voilier habitable. « Je ne voulais pas simplement naviguer. J’ai une âme de compétiteur. C’est ce qui m’a amené à la course au large », explique-t-il.

La rage au ventre

« Ma famille n’avait pas les moyens d’accompagner ma passion de la voile. Le club Voile 44 m’a mis en selle, m’a permis de naviguer, mais j’ai dû faire ma place et mériter cette confiance. C’est là que j’ai appris à me donner les moyens d’atteindre mes objectifs.

Métier passion

Rodolphe est éducateur technique au sein d’un centre d’adaptation à la vie active. Il propose des activités nautiques professionalisantes à des jeunes en rupture sociale, qui assurent la préparation technique de son voilier et l’accompagneront à Saint-Malo, en novembre. « Je veux montrer que la voile de haut niveau peut développer des emplois », précise-t-il.

Classe prépa

Rodolphe est une étoile montante en Class 40, et ça se sait. En juillet dernier, il fait mouche sur la course Les Sables-Horta. Résultat : le centre d’entrainement Pôle Course au large des Sables d’Olonne le repère et décide de soutenir son projet Rhum. Une consécration. Sa saison d’entrainement au Rhum 2018 se fera donc en Vendée. « Grâce au Pôle, je m’entraine en flotte et je dispose d’un hangar. De quoi optimiser mes performances !  », résume le navigateur. « J’enchaine les courses : 1000 milles des Sables, Grand Prix Guyader, Normandie Cup… Ca me permet d’être au contact des autres skippers, de connaitre leurs forces et faiblesses. Ces entrainements d’hiver n’ont pas été faciles tous les jours. Le froid, jusqu’à -10°C en ressenti ! – les courants, les marées… Il a fallu s’adapter rapidement, mais j’arriverai bien armé au départ de la Route du Rhum. Je m’entraîne plus de 40 heures par semaine, sur l’eau de jour comme de nuit. »

Préparation mentale et physique

« Mes coaches m’aident à prendre des raccourcis. J’utilise la sophrologie pour optimiser mes phases de récupération – je dors en moyenne 20 mn toutes les quatre heures – comme pour gérer coups de blues et douleur. Pour être performant, il faut être bien dans sa tête ! Je travaille la cardio en salle, à vélo : sur un Rhum, on est à fond pendant au moins 20 jours. Les efforts sont longs et intenses. » 

Le Class 40 Rêve de large

C’est le prototype avec lequel Pierre Brasseur fait 5e en 2014. « Un voilier exigeant, performant, taillé pour un skipper bien plus grand que moi. Nous travaillons son ergonomie pour qu’il corresponde à ma façon de naviguer et à mon physique. »

Budget 

« Il est conséquent : 370000 €. 10 à 20 % des budgets des Guadeloupéens passent dans déplacements et hébergement. Des frais que les marins métropolitains n’ont pas à supporter ! »

Rhum 2018

« L’objectif ? Terminer entre 10e et 15e ! Une cinquantaine de Class 40 sont inscrits… Il y aura une grosse bagarre sur l’eau. C’est la classe où le niveau est le plus élevé car de nombreux professionnels y évoluent – des figaristes qui montent en gamme et des skippers d’IMOCA ou de trimarans qui redescendent sur les Class 40, moins onéreux. »

Famille

Trois semaines d’entrainement en Vendée puis deux passées en Guadeloupe auprès de sa compagne et de sa petite fille… Pour le Rhum 2018, le rythme de Rodolphe est intense. « Elles me manquent bien sûr. Mais c’est la vie que j’ai choisie. »

kia